Une colonne de l'armée américaine escortant un
important convoi de fonds est attaquée par des Cheyennes. La bataille
vire au massacre : les militaires sont impitoyablement exterminés. Seuls
survivent un jeune soldat fraîchement incorporé, Honus Gent, et Cresta
Maribel Lee, jadis enlevée par les Cheyennes, relâchée par le chef de la
tribu (qui l'avait prise pour femme), dans le but de rejoindre son
fiancé, un officier d'état-major.
Soldat bleu est un sommet du western dit "pro-indien" apparu dans les années 50 avec notamment La Flèche brisée
de Delmer Daves (1950). La première vague de ce courant était une
manière d'humaniser les indiens autrefois réduits à des silhouettes
barbares et d'évoquer la possibilité ou l'impossible rapprochement entre
les peuples dans des œuvres aussi différentes que Bronco Apache (1954) de Robert Aldrich ou La Rivière de nos amours
d'André De Toth (1955). La donne est assez différente avec les westerns
américains des années 70 où les indiens sont parfois plus
l'instrument d'une idéologie pacifiste que des personnages à part
entière. Little Big Man de Arthur Penn
contribue ainsi à un cliché de l'indien vieux sage malicieux et mystique
(qu'on retrouve entre autres dans un personnage de Josey Wales hors-la-loi de Clint Eastwood (1976) et avec Soldat bleu
le vrai massacre de Sand Creek (le 29 novembre 1864) est une analogie
explicite à la Guerre du Vietnam contre laquelle se révolte alors la
jeunesse hippie et pacifiste de gauche.
Le film fonctionne sur
une curieuse construction où une ouverture et une conclusion choc
encadre un déroulement assez bucolique. L'ouverture, c'est le massacre
d'un convoi de fond par une horde de cheyennes dépeinte avec une
violence et cruauté appuyée. Les seuls rescapés représentent finalement
deux versants opposés de cette guerre opposant l'homme blanc à l'indien.
D'un côté le jeune soldat novice Honus Gent (Peter Strauss) et de
l'autre Cresta Maribel Lee (Candice Bergen) jeune femme autrefois
enlevée par les indiens et qui s'apprêtait à être ramenée à la
civilisation auprès de son fiancé. Une longue errance picaresque sert
ainsi l'opposition et le rapprochement des deux personnages dans une
dimension intime et politique à la fois. Honus est un fils de bonne
famille se montrant aussi prude et gêné dans sa proximité forcée avec
Cresta que naïf dans sa vision du conflit avec les indiens.
A l'inverse
un passé douloureux et son passage chez les indiens auront rendu Cresta
plus cynique, détachée et débrouillarde dans l'errance commune. La pure
comédie de situation alterne ainsi avec les réflexions cinglantes, le
parallèle avec les manières rustres de Cresta (qui crache, rote, jure
comme un charretier et se ballade dénudée sans complexe) et la gaucherie
de Honus se prolongeant dans la vision manichéenne de ce dernier face à
la lucidité de sa compagne d'infortune. Dépité par le massacre
d'introduction, Honus ne voit dans les indiens que des brutes
sanguinaires et Cresta devra plus d'une fois lui rappeler que l'armée
américaine fait autant voir pire. Les rencontres même et les dilemmes
qui en découlent (la rencontre avec le personnage aussi farfelu que
dangereux joué par Donald Pleasence) participent à cette confrontation
lorsqu'ils se déchireront face à la possibilité de laisser ou empêcher
une livraison d'arme aux cheyennes.
L'isolement et la promiscuité offre aussi la possibilité d'un dépassement
de cette caractérisation initiale. Présenté comme un pleutre, Honus
s'avère d'une remarquable résistance dans l'adversité que ce soit dans
un affrontement avec un indien Kiowa qui le défiait ou dans une scène
amusante où il montrera une relative aptitude à la chasse. La revêche
Cresta s'avèrera une jeune femme plus sensible et fragile qu'il n'y
parait.
Les grands espaces traversés soulignent le fossé qui les sépare
quand de jolis moments intimistes resserrent l'horizon et autorisent la
romance, une couverture partagée, un détachement de lien cocasse puis
l'intérieur d'une grotte favorisant l'expression de leur amour. La scène
de la grotte est d'ailleurs emblématique, la vulnérabilité physique de
Honus blessé autorisant sa tendre déclaration à Cresta qui elle
s'abandonne à une vulnérabilité morale pour accepter cette amour au-delà
de leur différence. Ces instants romantiques constituent une parenthèse
enchantée, un paradis perdu qui ne peut survivre au retour à la réalité
de cette guerre où les clivages doivent ressurgir malgré eux.
La
dernière partie confronte donc le couple à l'horreur avec
l'illustration particulièrement barbare et graphique du massacre de Sand
Creek où l'armée décime femmes et d'enfants, commet de viols et
mutilations et ce alors que les cheyennes se sont présentés avec le
drapeau blanc de paix. Si la scène à une force visuelle et émotionnelle
indéniable, la manière de l'introduire dans cette volonté
anti-belliciste est assez maladroite. L'émotion finale ne fonctionne que
sur la violence insoutenable mais l'on n'aura guère eu l'occasion
d'observer, de s'attacher et s'imprégner de ces indiens qui ne dépassent
pas la silhouette guerrière ou sacrificielle.
D'un simple point de vue
de cohérence, voir le personnage de Spotted Wolf (Jorge Rivero)
soudainement désireux de paix face à ses lieutenants et se présenter
naïvement avec son drapeau blanc jure complètement avec l'ouverture où
on l'a vu se montrer tout aussi gratuitement féroce. Drôle d'idée
d'utiliser le personnage dans les deux scènes. Au final une œuvre bien
ancrée dans son époque (la chanson-titre folk de Buffy Sainte-Marie) et
intéressante mais dont l'aura doit tout de même beaucoup à ses écarts de
violence.
Sorti en dvd zone 2 français chez Studiocanal
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Bonjour M. Kwedi,
RépondreSupprimer"La rivière de nos amours" d'André de Toth, et non pas Howard Hawks. Un western enchanteur, bien au-dessus de ce "Soldat bleu" si je puis me permettre.
Bien cordialement,
Robinhood
Merci petite erreur corrigée, j'aime beaucoup le film aussi peut-être une petite chronique dessus un de ces jours. Sinon d'accord avec vous sur la qualité supérieure du flm, comme vous avez pu le voir j'ai un avis largement mitigé sur "Soldat bleu".
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