L'Arizona en 1870. Le pionnier Tom
Jeffords, las des hostilités incessantes entre Blancs et Peaux-Rouges,
prend l'initiative d'établir un traité de paix avec les Apaches. Il
apprend leur dialecte et entre seul sur le territoire de Cochise. A sa
grande surprise, il découvre un peuple paisible, auquel il tente bientôt
de s'intégrer. Devenu frère de sang de Cochise, il épouse une jeune
princesse,
La Flèche brisée
représente une date dans l'histoire du western en étant un des premiers
si ce n'est le premier film du genre à être pro indien. Ce traitement
tient grandement aux velléités humanistes de Daves qui les prolonge dans
ce qui sera son premier western et où il s'astreint du manichéisme de
rigueur jusque-là concernant les indiens. Pour ce faire, il adapte le
roman
Blood Brother d'Elliott
Arnold paru en 1947, le scénario étant signé par son scénariste Albert
Maltz sous le pseudo Michael Blankfort puisqu'il fut l'un des Dix
d'Hollywood alors sous le coup de la « Liste noire ». James Stewart,
l'une des plus belles incarnations de cette idée humanisme à l'écran
tiendra le rôle principal et avec le
Winchester 73
d'Anthony Mann sorti cette même année, il change son image de cinéma
plutôt associée à la comédie ou au mélodrame pour représenter à son tour
une certaine idée de l'"American hero".
La force de
La Flèche brisée
c'est de ne jamais privilégier un point de vue pour constamment placer
indiens et hommes blanc sur un constant pied d'égalité, dans leur bonne
volonté comme leur travers. Le film cède ainsi parfois à un didactisme
qui pourra par moments paraître appuyé et aussi à certaines conventions
(Jeff Chandler soi un pur américain grimé pour jouer le chef indien
Cochise, la convention poétique habilement introduite faisant que tous
les indiens parlent anglais) mais l'on ressent constamment une volonté
de compréhension et de pédagogie maximale dans l'approche de Delmer
Daves. Tout cela s'illustre à l'écran à travers le personnage de Tom
Jeffords (James Stewart).
Ancien soldat reconverti en chercheur d'or, il
a suffisamment vu de massacres pour ne pas céder à l'appel de la haine
ordinaire. C'est dans cette volonté qu'il soignera par pur altruisme un
jeune indien blessé qu'il croisera sur sa route. Ce dernier à bout de
forces tentera pourtant par pur réflexe de le tuer avant une fois guéri
de lui manifester sa reconnaissance. Ainsi lorsque d'autres membres
adultes de la tribu les rejoindront, malgré leur haine et leur rancœur
ils sauront épargner Jeffords et le laisser partir libre. Ce sens moral
est pour notre héros le signe d'un rapprochement et d'une paix possible
si les deux camps daignent se montrer loyaux et respectueux l'un envers
l'autre.
Le film est une alternance constante d'apaisement à
l'imagerie élégiaque avec une vraie furie, preuve de cette paix possible
mais fragile. La découverte des us et coutumes indiens par Jeffords, sa
romance avec la belle Soonseearhay (Debra Paget), tout cela pourrait
contribuer à une approche anthropologique et contemplative à laquelle
Daves refuse toujours de céder complètement.
Chaque avancée positive est
mise en parallèle avec un éclair de violence montrant les tensions
encore vivace : les apaches laissent circuler le courrier tout en
massacrant une garnison militaire, l'amour de Jeffords et Soonseearhay
s'épanouit dans une scène somptueuse au bord d'un lac avant un final
tragique. Cette instabilité est d'ailleurs annoncée dès le départ, la
clémence envers Jeffords n'empêchant pas les indiens de tuer sous ces
yeux des hommes blancs de passages et coupable de tueries antérieures.
Ce cercle vicieux de la violence ne peut être stoppé que par des hommes
de bonne volonté et on saluera là l'interprétation de Jeff Chandler
représentant réellement la droiture et la sagesse incarnée en chef
Cochise.
Les écarts des renégats des deux camps ne sauront l'écarter de
cette voie et le film évite de céder à une forme d'abstraction idéalisée
en mettant toujours ses choix en situations (le mariage, la tentative
d'assassinat de Jeffords), le plus poignant intervenant à la fin avec un
James Stewart passant de l'humaniste à tout simplement l'homme ivre de
vengeance balayant tous ses préceptes. Stewart représente dans cette curiosité de l'autre, cette romance puis et détresse finale un repère tangible pour le spectateur qui vit les évènements par un prisme plus intime et moins solennel. Delmer Daves offre une mise en
scène à hauteur d'hommes dans les instants de rapprochement, sobre pour
sceller l'amitié fraternelle entre Cochise et Jeffords ou romantique (et
annonçant ses mélodrames) pour le couple mixte avec ce moment
sublimement cadré où les amoureux s'alanguissent près d'un lac avec les
montagnes en arrière-plan.
Le chaos et la confusion ont cours lors des
moments guerriers que le réalisateur n'interrompt que par l'intervention
d'un guide et symbole de la paix que ce soit Cochise à plusieurs
reprises (voir même lors de simple tension psychologique comme la
rébellion de Geronimo) ou le général "Chrétien" (Basil Ruysdael)
empêchant le lynchage de Jeffords. Un message magnifique et idéalement
traité qui aurait une longue descendance parmi nombre de westerns à
suivre lors des décennies suivantes.
Sorti en dvd zone 2 français chez Sidonis
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