Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 12 mai 2014

La Flèche brisée - Broken Arrow, Delmer Daves (1950)


L'Arizona en 1870. Le pionnier Tom Jeffords, las des hostilités incessantes entre Blancs et Peaux-Rouges, prend l'initiative d'établir un traité de paix avec les Apaches. Il apprend leur dialecte et entre seul sur le territoire de Cochise. A sa grande surprise, il découvre un peuple paisible, auquel il tente bientôt de s'intégrer. Devenu frère de sang de Cochise, il épouse une jeune princesse,

La Flèche brisée représente une date dans l'histoire du western en étant un des premiers si ce n'est le premier film du genre à être pro indien. Ce traitement tient grandement aux velléités humanistes de Daves qui les prolonge dans ce qui sera son premier western et où il s'astreint du manichéisme de rigueur jusque-là concernant les indiens. Pour ce faire, il adapte le roman Blood Brother d'Elliott Arnold paru en 1947, le scénario étant signé par son scénariste Albert Maltz sous le pseudo Michael Blankfort puisqu'il fut l'un des Dix d'Hollywood alors sous le coup de la « Liste noire ». James Stewart, l'une des plus belles incarnations de cette idée humanisme à l'écran tiendra le rôle principal et avec le Winchester 73 d'Anthony Mann sorti cette même année, il change son image de cinéma plutôt associée à la comédie ou au mélodrame pour représenter à son tour une certaine idée de l'"American hero".

La force de La Flèche brisée c'est de ne jamais privilégier un point de vue pour constamment placer indiens et hommes blanc sur un constant pied d'égalité, dans leur bonne volonté comme leur travers. Le film cède ainsi parfois à un didactisme qui pourra par moments paraître appuyé et aussi à certaines conventions (Jeff Chandler soi un pur américain grimé pour jouer le chef indien Cochise, la convention poétique habilement introduite faisant que tous les indiens parlent anglais) mais l'on ressent constamment une volonté de compréhension et de pédagogie maximale dans l'approche de Delmer Daves. Tout cela s'illustre à l'écran à travers le personnage de Tom Jeffords (James Stewart).

Ancien soldat reconverti en chercheur d'or, il a suffisamment vu de massacres pour ne pas céder à l'appel de la haine ordinaire. C'est dans cette volonté qu'il soignera par pur altruisme un jeune indien blessé qu'il croisera sur sa route. Ce dernier à bout de forces tentera pourtant par pur réflexe de le tuer avant une fois guéri de lui manifester sa reconnaissance. Ainsi lorsque d'autres membres adultes de la tribu les rejoindront, malgré leur haine et leur rancœur ils sauront épargner Jeffords et le laisser partir libre. Ce sens moral est pour notre héros le signe d'un rapprochement et d'une paix possible si les deux camps daignent se montrer loyaux et respectueux l'un envers l'autre.

Le film est une alternance constante d'apaisement à l'imagerie élégiaque avec une vraie furie, preuve de cette paix possible mais fragile. La découverte des us et coutumes indiens par Jeffords, sa romance avec la belle Soonseearhay (Debra Paget), tout cela pourrait contribuer à une approche anthropologique et contemplative à laquelle Daves refuse toujours de céder complètement.

Chaque avancée positive est mise en parallèle avec un éclair de violence montrant les tensions encore vivace : les apaches laissent circuler le courrier tout en massacrant une garnison militaire, l'amour de Jeffords et Soonseearhay s'épanouit dans une scène somptueuse au bord d'un lac avant un final tragique. Cette instabilité est d'ailleurs annoncée dès le départ, la clémence envers Jeffords n'empêchant pas les indiens de tuer sous ces yeux des hommes blancs de passages et coupable de tueries antérieures. Ce cercle vicieux de la violence ne peut être stoppé que par des hommes de bonne volonté et on saluera là l'interprétation de Jeff Chandler représentant réellement la droiture et la sagesse incarnée en chef Cochise.

Les écarts des renégats des deux camps ne sauront l'écarter de cette voie et le film évite de céder à une forme d'abstraction idéalisée en mettant toujours ses choix en situations (le mariage, la tentative d'assassinat de Jeffords), le plus poignant intervenant à la fin avec un James Stewart passant de l'humaniste à tout simplement l'homme ivre de vengeance balayant tous ses préceptes. Stewart représente dans cette curiosité de l'autre, cette romance puis et détresse finale un repère tangible pour le spectateur qui vit les évènements par un prisme plus intime et moins solennel. Delmer Daves offre une mise en scène à hauteur d'hommes dans les instants de rapprochement, sobre pour sceller l'amitié fraternelle entre Cochise et Jeffords ou romantique (et annonçant ses mélodrames) pour le couple mixte avec ce moment sublimement cadré où les amoureux s'alanguissent près d'un lac avec les montagnes en arrière-plan.

Le chaos et la confusion ont cours lors des moments guerriers que le réalisateur n'interrompt que par l'intervention d'un guide et symbole de la paix que ce soit Cochise à plusieurs reprises (voir même lors de simple tension psychologique comme la rébellion de Geronimo) ou le général "Chrétien" (Basil Ruysdael) empêchant le lynchage de Jeffords. Un message magnifique et idéalement traité qui aurait une longue descendance parmi nombre de westerns à suivre lors des décennies suivantes.

Sorti en dvd zone 2 français chez Sidonis

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