Georgy, la fille d'un valet de chambre,
a reçu, par la grâce de maître de maison James Leamington, une
éducation de demoiselle. Mais elle est restée, à vingt ans, une
adolescente effrontée, et partage un studio avec son amie Meredith.
James lui propose de devenir sa maîtresse. Georgy l'évite soigneusement,
mais profite de ses bonnes dispositions pour lui soutirer tout ce qui
est nécessaire pour accueillir le bébé que Meredith attend de son ami
Jos.
Georgy Girl
est un des films cultes du cinéma anglais des 60's, qui rencontrera un
succès local et international immense avec notamment quatre nominations
aux Oscars. Le film adapte le roman éponyme de Margaret Foster (qui en
signe elle-même le scénario) et participe en fait au mouvement d'œuvres
de l'époque qui remettaient quelque peu en cause l'hédonisme et
l'attrait du Swinging London avec le célèbre
Darling (1965) de John Schlesinger ou les plus méconnus
The Party's Over (1965) et
The Pleasure Girls (1965) de Gerry O'Hara. Contrairement à l'ironie de Schlesinger ou à la tonalité moralisatrice des autres films cités,
Georgy Girl
fait reposer toute la force de son propos par l'immense capital
sympathie véhiculée par son héroïne incarnée par une charmante Lynn
Redgrave.
Georgy (Lynn Redgrave) est une jeune femme au physique
ingrat dissimulant son mal-être dans une fantaisie qui en dépit de ses
22 ans fait d'elle une éternelle adolescente. Elle désespère son père
(Bill Owen) par sa gaucherie et sa féminité aux abonnés absent,
préférant s'amuser avec son amie et colocataire Meredith (Charlotte
Rampling). Le générique nous fait découvrir toute la joyeuse insouciance
du personnage qui s'extasie sur une perruque, se fait faire la même
coiffure farfelue avant de s'en débarrassée à peine sortie du salon et
dans un grand éclat de rire. Toute cette énergie n'empêche pas Georgy
d'être profondément complexée, totalement inexpérimentée avec les hommes
et ayant pour seul prétendant le patron libidineux (James Mason) de son
père. Elle se sent surtout inférieure à Meredith, séduisante et libre
courant d'aventures en aventures au désespoir de son petit ami Jos (Alan
Bates). Georgy va nouer une vraie complicité avec ce dernier qui
s'avère avoir un caractère tout aussi excentrique.
Une amitié qui
pourrait se muer peu à peu en autre chose mais Georgy a un défaut : son âme
est trop pure, trop sensible dans ce monde de l'égoïsme et du paraitre
où sa sensibilité n'a pas sa place comme le lui fera remarquer Jos.
Charlotte Rampling par sa prestation hautaine et glaciale incarne donc
une Meredith parfaitement opposée à la bonhomie de Georgy. Silvio
Narizzano (réalisateur québécois exilé à Londres comme son nom ne
l'indique pas) caractérise son égoïsme et égocentrisme de façon
progressive. D'abord de façon furtive, en montrant sa silhouette
élégante s'engouffrer ou sortir d'une voiture avec un garçon toujours
différent au volant, par son désintérêt pour Georgy qu'elle est prête à
abandonner au moindre appel d'un prétendant puis en situation
lorsqu'elle se montrera indifférente à l'enfant qu'elle a mis au monde.
Tombée enceinte de Jos, Meredith se mariera ainsi par défaut et ne
cessera de regretter son ancienne vie dissolue.
Le film pourrait
tomber dans une morale malvenue, mais la futilité des aspirations de son
entourage (s'amuser, faire l'amour et absolument rien d'autre) s'oppose
au monde intérieur enjoué de Georgy et de son constant souci des
autres. Elle rêve autant qu'elle craint de s'abandonner à un homme,
évitant les relations (l'insistant James Mason) ou les vivants par
procuration lorsqu'elle accompagnera les premiers pas laborieux du
mariage entre Jos et Meredith. Sa fantaisie s'exprime toujours avec
créativité (excellente scène où elle perturbe une soirée guindée en
arborant une robe de diva et chantant à tue-tête, les cours de danse aux
enfants) et contrebalance l'hédonisme vide de sens de Meredith pour qui
son propre bébé ne sera qu'un obstacle pour l'empêcher de s'amuser
(dont un dialogue glaçant de détachement évoque les multiples
avortements qui ont précédés cette grossesse non désirée).
Jos s'avère
nettement plus sincère et son amour naissant pour Georgy donnera une des
scènes les plus mémorables du film. Après un baiser échangé, il
traquera ainsi dans toute la ville Georgy en hurlant
I love you
bondissant comme un farfadet énamouré. Seulement lui aussi s'avérera
incapable malgré sa sincérité d'assumer cette romance dès lors qu'elle
impliquera des responsabilités. Heureusement le sourire de Georgy,
capable de tout surmonter illumine à chaque fois une toile de fond assez
dramatique pour tirer l'ensemble vers le conte de fée revisité.
On
n'est ainsi pas loin de Cendrillon et du "ils se marièrent et eurent
beaucoup d'enfants" pour conclure mais amené avec une péripétie assez
discutable et difficile à refaire tel quelle aujourd'hui. Georgy se
tournera ainsi vers celui qui a pensé à elle et rien qu'à elle tout au
long du récit dans une chute inattendue. Ni kitchen sink drama ni objet
pop sophistiqué, à mi-chemin en réalisme cru et atmosphère rêveuse,
Georgy Girl
ne choisit pas et s'avère tout aussi capable de nous faire rire aux
éclats que pleurer. Lynn Redgrave (sœur de Vanessa) par son innocence,
son enjouement et expressivité exprime merveilleusement ce contraste,
trouvant sans doute là le rôle d'une vie.
Sorti en dvd zone 1 chez Son et doté de sous-titres anglais
Extrait
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