Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 25 mai 2014

Voyage sans retour - One Way Passage,Tay Garnett (1932)


Dan Hardesty, un meurtrier qu'escorte Steve Burke, et Joan Ames, une femme qui n'a plus que quelques mois à vivre, se rencontrent sur le bateau qui mène de Hong Kong à San Francisco et vont vivre durant la traversée un grand amour.

En cette année 1932, les spectateurs américains auront eu le plaisir d'apprécier la complicité du couple William Powell/ Kay Francis dans la délicieuse comédie de William Dieterle Jewell Robbery et cette alchimie s'avère tout aussi forte dans le registre plus dramatique de ce One way passage. Le postulat aurait pu tirer l'ensemble vers une tonalité mélodramatique trop appuyée mais cette romance va prendre un tour aussi subtil que poignant. On démarre par un classique "boy meets girl" autour duquel viendra se greffer tout le background des personnages. Ils n'existent l'un pour l'autre que par ce moment où Dan (William Powell) est bousculé dans un bar de Hong Kong par la belle Joan (Kay Francis) et que le charme opère entre eux dès cette brève rencontre. Ils chercheront tout au long du film à retrouver cette étincelle et complémentarité fugace, quel qu'en soit le prix et il sera lourd tant tout deux sont des êtres en  sursis.

Condamné par la loi pour Dan coupable d'un meurtre et escorté en bateau jusqu'à San Francisco par le flic dur à cuire Steve Burke (Warren Hymer) et par son corps avec une Joan souffrant d'une maladie incurable et n'ayant que quelque mois à vivre. Cette traversée en bateau sera donc le commencement, l'épanouissement et la fin de leur histoire d'amour sans qu'aucun d'eux n'ose jamais l'avouer à l'autre. Ce moment exaltant vaut bien tous les risques qu'ils sont prêts à prendre. En dépit de son geôlier patibulaire, Dan aura ainsi plusieurs fois l'occasion de s'évader avant la destination fatale mais les circonstances et ses sentiments l'empêcheront toujours de s'éloigner de Joan. Celle-ci pourrait prolonger ses jours en se ménageant mais plutôt que de survivre enfermée dans un sanatorium, elle préférera user de ses dernières forces pour vivre pleinement cette romance.

Tay Garnett fait preuve d'une finesse rare ne le voyant jamais tomber dans un sentimentalisme facile. Point besoin de violon, de larmes ou de péripéties forcées quand un échange de regard entre William Powell et Kay Francis suffit. Après le coup de foudre initial, ce sera toujours ce motif qui ramènera les protagonistes l'un vers l'autre. Alors qu'il semblait pouvoir réussir une fuite audacieuse, la vision de Joan parmi les passagers du bateau le ramène à bord. L'énergie et l'allant de Joan subsiste tant qu'elle est en compagnie de Dan, mais elle menace de s'effondrer dès qu'il semble lui échapper.

L'amour est une plénitude et une malédiction que nos héros semblent prêts à vivre car ils savent que ce sera pour eux la dernière fois sans deviner que l'issue tragique leur sera commune. Garnett traduit toute cette palette de sentiment par la grâce de ces interprètes qu'il n'a de cesse de magnifier. Toute malice disparait des traits sévères de William Powell pour laisser place à une expression faite d'apaisement et de regret. Les souffrances de Kay Francis ne semblent plus exister lorsque ses yeux clairs s'illuminent à la vue de Dan. Les gros plans sur leurs visages nimbés de la photo immaculée de Robert Kurrle les dotent d'une grâce de tous les instants.

Lorsque Garnett daigne les réunir dans le cadre, la magie opère tout autant que ce soit dans un versant sobre et intimiste (Dan et Joan accoudés vu de dos à observer l'horizon côte à côte) ou flamboyant et passionné (le baiser sur le sable lors de l'escale à Honolulu). Les évènements ne semblent jamais submerger ce couple choisissant d'aller individuellement à sa perte pour mieux vibrer à deux. Du coup pas d'éclat même lorsque la vérité sera tardivement découverte, la séparation se faisant aussi sobre que poignante. C'est ce sentiment d'inéluctable résigné mais passionné qui fait toute la beauté du film, Garnett laissant une seconde chance à travers la rencontre du policier et l'arnaqueuse jouée par Aline MacMahon.

Les deux romances se répondent ainsi en refusant une vision binaire : la passion, complicité et la tragédie de l'instant de Dan et Joan trouve son reflet dans l'humour (amené aussi par les facéties de Frank McHugh qui détendent l'atmosphère), la maladresse et l'ouverture vers l'avenir du policier et Barrel House Betty. Après cela, l'échafaud comme la maladie peuvent frapper, le voyage sans retour les précédant aura été magnifique à suivre. Un magnifique mélo.


Sorti en dvd zone 2 français chez Warner dans la collection Trésors Warner consacré au Pré Code 



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