Theodora Lynn écrit sous le pseudonyme
de Caroline Adams, un roman à succès, mais trop osé pour la vie
provinciale de la ville dont elle est originaire. Suite à une visite
chez son éditeur de New York, Michael Grant décide de venir dans sa
petite ville, afin qu'elle avoue qu'elle est l'auteur de ce roman. Mais
une fois cet aveu fait, Theodora décide de s'occuper à son tour du jeune
homme
Etrangement méconnue,
Theodora Goes Wild
est pourtant une des screwball comedy les plus jubilatoire jamais
réalisée, portée par un message brillant bousculant l'Amérique
moralisatrice d'alors. Le début du film nous place dans l'effervescence
de la petite ville de Lynnfield, agitée par la sortie prochaine du
nouveau roman à succès de la scandaleuse Caroline Adams, trop osé par le
cercle littéraire local. L'ouvrage sera immédiatement interdit mais
dans groupe de vieilles dames acariâtres et coincées (même si
émoustillée par la lecture de passage visant à dénoncer l'infamie du
livre) on remarque pourtant une intruse avec la jeune Theodora Lynn
(Irene Dunne) venue représenter ses tantes pour empêcher la parution du
livre. Surprise pourtant, la timide et obéissante Theodora n'est autre
que la sulfureuse Caroline Adams elle-même, évacuant la frustration de
son quotidien austère dans ses ouvrages à la sensualité outrageante.
Notre héroïne va être confrontée à ses contradictions lors d'une visite
chez son éditeur à New York, suscitant la curiosité à la vue de cette
femme introvertie dissimulant l'auteur le plus vendu et sulfureux du
pays. Parmi les plus intrigués, on trouve Michael Grant (Melvyn Douglas)
dessinateur des couvertures de ses livres et qui va s'incruster à un
dîner pour percer le mystère. Titillée et poussée dans ses
retranchements par le malicieux Michael, Theodora laissera
entrapercevoir la fantaisie et le grain de folie qu'elle n'ose exprimer
que dans ses livres avant de s'enfuir, effrayée de sa propre audace. De
retour à sa vie insipide de Lynnfield, Theodora voit pourtant surgir un
Michael Grant bien décidé à la dérider, menaçant son identité secrète
auprès de sa communauté coincée.
Après avoir brillé dans le mélodrame puis la comédie musicale,
Theodora Goes Wild
est l'occasion pour Irene Dunne de briller dans un nouveau genre, la
screwball comedy. Les appréhensions du personnage, sa gaucherie et sa
peur de se "lâcher" sont ainsi un poignant prolongement des propres
craintes de l'actrice qui l'exprime magnifiquement à l'écran. Un sourire
en coin sous le masque rigide, un rire tonitruant perturbant les
chuchotements discret, la dinguerie de Theodora menace constamment
d'affluer jusqu'à ce moment grandiose ou pour répondre aux sifflements
agaçant de Michael elle entame une gigue endiablée au piano.
L'ouverture
du personnage s'exprime également de manière plus discrète par les
actes, lorsqu'elle couvrira une amie partie travailler en ville (et
fille d'une des mégères les plus vindicative de Lynnfield) et tombée
enceinte. Melvyn Douglas en élément perturbateur de cette province
tournant au ralenti est excellent, les scènes entre lui et Irene Dunne
étant constamment réjouissante. L'une d'elles ou il décide de l'initier à
la pêche mais découvre que Theodora est en fait bien meilleure que lui
annonce d'ailleurs la tournure surprenante de l'intrigue. Theodora folle
d'amour finit par se libérer de ses chaînes et enfin affronter ses
tantes et leur entourage.
Le film aurait pu s'arrêter là et aurait déjà
été une jolie comédie romantique d'émancipation. Mais cela aurait
supposé une opposition vie provinciale archaïque/vie citadine moderne un
peu simpliste, tout en sous-entendant sous l'audace une facette
machiste où l'homme et le mariage sont les seuls salut pour
l'émancipation de la femme. C'est tout l'inverse qui est exprimé ici
puisque passé la déclaration d'amour de Theodora, Michael prend peur et
retourne en ville. Il est en fait lui-même coincé dans une autre prison
du paraître et des conventions, mais dans un milieu social plus élevé
avec un père travaillant pour le gouverneur et ne tolérant aucun écart
pouvant souiller le nom de la famille.
Au tour de Theodora de débouler
tel un ouragan dans la vie de Michael pour la grande évasion et un amour
enfin épanoui entre eux. Richard Boleslawski orchestre ainsi un exact
pendant urbain de la première partie ou les répliques et situations se
font écho, mais cette fois dans un grand délire jubilatoire. Theodora
devient littéralement Caroline Adams, incarnant totalement l'image que
l'on se fait d'un tel auteur avec tenue extravagante et attitude
provocante, attirant avec délectation tous les regards sur elle.
Irene
Dunne est extraordinaire, faisant preuve d'un sens de l'outrance trop
longtemps contenu et dévastateur, brisant des mariages, s'introduisant
dans les réceptions mondaines et faisant crépiter les flashs de la
presse à scandale. On comprend mieux le choix d'un Melvyn Douglas qui en
dépit de sa malice conserve un petit côté précieux (au contraire d'un
Cary Grant qu'on imaginerait plutôt concurrencer Irene Dunne dans
l'excès) témoignant d'une liberté reposant plus sur les paroles que les
actes et, s'il est un poil à gratter amusant dans la première partie il
aura réveillé un monstre avec une Theodora prête à tous les excès pour
le conquérir.
C'est finalement toutes les formes de morales
bien-pensante hypocrites et au service des apparences qui sont
superbement dénoncées ici, avec notamment une conclusion grandiose
voyant le retour triomphal de Theodora à Lynnfield (ou si célébrité il y
a les écarts semblent soudain moins problématiques). Richard
Boleslawski mène l'ensemble tambour battant, faisant preuve d'une
inventivité constante notamment pour retranscrire l'aspect "gossip" de
cette petite communauté, transcrivant peu à peu la rumeur en pure
ellipse dans un jeu complice avec le spectateur qui sait que chaque
secret est amené à être éventé comme le grand final. Un sommet qui
obtiendra deux nominations aux Oscars (dont meilleure actrice Irene
Dunne) et lancera Irene Dunne dans le genre pour de nombreuses
réussites.
Sorti en dvd zone 1 et doté de sous-titres anglais chez Sony dans leurs collection screwball comedy
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