Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mercredi 11 octobre 2023

Ma vie à moi - A Life of Her Own, George Cukor (1950)


 Lily Brannel James quitte sa petite ville du Kansas pour devenir mannequin dans une célèbre agence, celle de Thomas Caraway. Elle y rencontre la top model Mary Ashton qui devient immédiatement son mentor. Mais sa carrière est déclinante et, déprimée, elle se suicide lors d'une nuit d'ivresse. Lily devient la nouvelle coqueluche de l'agence. Son ami avocat Jim Leversee lui présente un riche propriétaire minier, Steve Harletgh. Lily et lui tombent rapidement amoureux mais Steve est un homme marié.

A Life of her own est un mélodrame et portrait féminin prometteur mais qui semble avoir été un peu dilué et gâché par sa production mouvementée. Le film adapte The Abiding Vision, l'une des quatre nouvelles du recueil The Harsh Voice: Four Short Novels de Rebecca West publié en 1935. Rebecca West était une autrice, journaliste et intellectuelle connue pour ses positions gauchistes et son engagement féministe, éléments qui persistent encore légèrement dans le film dans l'authenticité du personnage pauvre et ambitieux de Lana Turner, ainsi que dans la description du milieu du mannequinat. Le premier script apparemment assez fidèle à la nouvelle est rejeté par la commission Hays, tant par sa vision glauque des agences de mannequin lorgnant sur la prostitution, que par sa description dénuée de culpabilité d'une relation adultère. Un fois la production lancée les problèmes persistent avec un Vincente Minnelli initialement envisagé s'avère indisponible à cause des reports causés par les réécritures. George Cukor prend la suite mais reniera le film après la sortie à cause de la fin tragique envisagée qui sera édulcorée par le studio. Lana Turner refuse dans un premier temps le rôle avant d'être rappelée à ses obligation par le studio et la mésentente avec Wendell Corey initialement envisagé mènera à son remplacement tardif par Ray Milland.

Le résultat n'est pas inintéressant malgré ces écueils mais laisse un sérieux goût d'inachevé. On suit l'arrivée pleine de détermination à New York de Lily (Lana Turner), jeune femme bien décidée à se faire un nom dans la grande ville. La scène de départ à la gare, puis la première rencontre avec le directeur de l'agence (Tom Ewell) laisse deviner la rudesse de son existence passée et les efforts consentis pour quitter son Texas natal. Ses premiers pas lui laissent entrevoir le mauvais pas qu'elle pourrait prendre lorsqu'elle rencontre Mary (Ann Dvorak) une mannequin vieillissante et abîmée par les excès dont elle va indirectement constater le suicide. Dès lors Lily tout à sa carrière n'obéit qu'à son ambition, tout en ayant un sentiment de vide. Lana Turner est très convaincante dans ce registre, préfigurant en plus juvénile, vulnérable et taciturne son rôle à venir dans Mirage de la vie (1959), notamment dans la gouaille dont elle est capable pour repousser les prétendants corrupteurs et susceptible de la tirer vers le bas. 

Il y aurait presque un mimétisme à faire entre la vie de l'actrice et son personnage sur certains points tel que l'enfance difficile et la perte prématurée d'un parent, et le montage sur les photos de la carrière de mannequin de Lily semblent parfois reprendre certaines images d'exploitation de l'actrice pour la MGM, sans parler du dilemme entre la femme et l'icône papier glacée. Mais au lieu de nous faire découvrir les pans sombre de ce milieu professionnel, l'intrigue bascule vers le soap avec la relation adultère qu'elle va entretenir avec Steve (Ray Milland) un homme d'affaire marié. On sent toute la finesse de Cukor pour dépeindre les premiers pas de la romance où, lui à ses affaires et elle tout à sa carrière, semblent rejeter sans y parvenir leur attirance. Les silences avant une première séparation et les adieux d'une scène d'aéroport tout en émotion contenue offrent des moments très touchants et Lana Turner s'avère particulièrement émouvante. Le problème est que le film ne parvient pas complètement à rebondir après cela, la culpabilité après la découverte du mariage de Ray sentant effectivement l'appui des censeurs tant la fluidité manque dans l'intrigue pour instaurer ce dilemme qui ne tient qu'à la conviction des acteurs.

La quête d'absolu de Lily et le rapprochement progressif de ce destin avec celui de son amie disparue plane, et Lana Turner se perd un peu en jouant de façon trop forcée l'autodestruction dans une scène de fête. Il y a comme quelque chose de plaqué qui empêche l'ensemble de fonctionner, mais les personnages vont de nouveau maintenir l'intérêt. La poignante confrontation entre Lily et l'épouse (Margaret Phillips) de Steve est un beau moment de résignation, et les retrouvailles avec le sournois Lee (Barry Sullivan) ayant cherché à l'avilir au début offre un contrepoint assez sombre du cheminement de l'héroïne à travers un dialogue cruel. C'est donc assez inégal et souffrant de ses compromis, à l'image de sa séquence finale tournant le dos à la tragédie annoncée pour un happy-end très artificiel.

Sorti en dvd zone 1 chez Warner

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