Remarqué récemment pour son second film Chroniques de Téhéran (2020), Alireza Khatami revient dans un registre très différent avec ce The things you kill, pur thriller. Il y a néanmoins un lien entre les deux films puisqu’un des segments de Chroniques de Téhéran voyait par l’absurde un réalisateur se confronter à la censure iranienne sur un pitch qui est précisément celui de The things you kill. Le sketch était une sorte d’exutoire à la vraie déconvenue rencontrée par Alireza Khatami qui, ne souhaitant pas se soumettre aux désidératas du comité de censure, va délocaliser son intrigue en Turquie.
Le film remonte plus loin dans l’expérience personnelle de Khatami puisque le contexte familial difficile s’inspire également du sien. Ali (Ekin Koç) est un homme empêché dans sa quête de fonder une famille par des problèmes de fertilité, et hanté par les démons passés de sa propre famille à travers une figure de père violente maltraitant sa mère. Après avoir vécu aux Etats-Unis, le retour en Turquie le place face à cette impasse : il ne peut incarner une autre image de père tandis que le sien représente toujours cette entité intimidante. Alireza Khatami construit une mystérieuse figure d’alter-ego vengeur (Erkan Kolçak Köstendil) afin de résoudre ce dilemme dans un récit aux vertus oniriques et psychanalytiques, dont les rebondissements nous emmènent sur les rives du Lost Highway de David Lynch (1996). En effet, en se faisant justice de manière violente, Ali résout ses problèmes en reproduisant le modèle paternel, et par extension celui de racines patriarcales sur lequel repose une société entière. En ne montrant pas de réaction de l’entourage face à Ali et son « double », le réalisateur fausse l’idée d’interversion pour désigner la masculinité comme une éternelle répétition et reproduction d’un schéma barbare. Le jardin du héros en offre une métaphore saisissante, chaque va et vient dans ce lieu renforçant une nature profonde qu’il s’est efforcé de refouler. Le soleil de plomb ainsi que le dépouillement désertique du lieu le ramènent à cette condition, la luminosité estivale particulière de la Turquie contribuant à ces atmosphères hallucinées, par exemple dans le récent Burning Days de Emin Alper (2022) – œuvre traitant aussi de la masculinité toxique locale. Cette hantise d’un barbarisme refoulé, tout en prenant un tour plus civilisé en traitant de la corruption, courre en définitive dès le départ dans l’inconscient intime et collectif par le récit au début puis la concrétisation d’une scène de rêve dans la dernière scène.En salle le 23 juillet
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