Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 3 mars 2019

L’héritage des 500 000 - Gojūman-nin no isan, Toshiro Mifune (1963)


Durant la Seconde Guerre mondiale, le commandant Matsuo participe à l'ensevelissement de plusieurs milliers de pièces d'or dans la jungle philippine. Alors qu'il pensait ce trésor enfoui à tout jamais, voilà qu'un riche homme d'affaires, Mitsura Gunji, lui propose de partir à la recherche du butin. Contraint d'accepter, Matsuo retourne aux Philippines accompagné de quatre hommes recrutés par Gunji…

L’héritage des 500 000 est l’unique long-métrage réalisé par le grand Toshiro Mifune qui endosse également les casquettes d’acteur et producteur. La Toho va lui allouer des moyens conséquents avec un tournage aux Philippines, tandis que la tutelle du mentor et partenaire Akira Kurosawa plane sur le film. On retrouve en effet dans l’équipe plusieurs collaborateurs privilégiés de Kurosawa comme le scénariste Ryuzo Kikushima, le compositeur Masaru Satō ou encore le directeur photo  Takao Saitō - tandis que Kurosawa en personne vient donner un coup de main au montage. Le film est également un savant mélange des élans picaresques, de l’ironie et de l’humanisme de Kurosawa mais Mifune parvient à s’en affranchir en lui donnant une vraie identité.
 
On a au départ un postulat de film d’aventures à travers une chasse au trésor constitué d’un chargement d’or perdu par l’armée japonaise au cours de la Deuxième Guerre Mondiale. Toshiro Mifune incarne un soldat embarqué malgré lui par des commanditaires cyniques car, ancien commandant durant la campagne philippine 20 ans plus tôt, il est le seul capable de retrouver le butin dans la tortueuse jungle. Le nationalisme fanatique qui animaient les soldats japonais en ces lieux a désormais laissé place à une obsession plus contemporaine mais tout aussi néfaste avec la profonde avidité qu’attise cet or. On découvre ainsi les tristes sires servant de compagnons de route à Mifune, prêts à toutes les bassesses  pour parvenir à leurs fins. Au contact du vétéran qui tout en les manipulant parvient à raviver leur humanité, chacun s’éveille cependant progressivement à une forme de conscience au fil d’une première partie introspective et à rebours des grands espaces traversés. Les intentions nobles de Mifune (rendre le trésor aux familles des soldats défunts) se heurtent ainsi au cynisme ébranlé de ses comparses. 

Les péripéties finalement minimalistes privilégient donc la notion de voyage intérieur où entre le soldat conditionné et l’aventurier sans scrupules doit ressortir de cette jungle des êtres ayant retrouvés leurs âmes. Dans cette idée le climax émotionnel du film intervient peu avant sa réelle conclusion, avec pour enjeu le retour penaud de compagnons ayant fuis avec le butin avant de s’en repentir. Bien équilibré entre élans contemplatifs et accélérations inhérentes au genre (poursuites, combats, descentes de rapides en radeau), le film bénéficie d’une facture technique de grande qualité. 

La beauté des paysages philippins comme la moiteur de la jungle sont filmés avec une belle ampleur et inspiration (la photo de  Takao Saitō est vraiment somptueuse). On peut supposer que les déboires de tournage de Barberousse – forcé de garder sa barbe durant les deux ans de la production à rallonge du film, Mifune met sa société de production en difficulté financière ce qui causera une brouille avec Kurosawa – aient peut être empêché Mifune de repasser à la mise en scène malgré cette belle réussite. Cela fait de L’héritage des 500 000 une œuvre d’autant plus précieuse.

Ressortira en salle le 3 avril

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