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mardi 9 juillet 2019

Ceux de Cordura - They Came to Cordura, Robert Rossen (1959)

Fin 1916, des escarmouches ont lieu à la frontière mexicaine entre l’armée américaine et des groupes de révolutionnaires. À la veille de l’entrée en guerre en Europe, le major Thorn (Gary Cooper) a pour mission de distinguer, sur le terrain, cinq soldats pour leur bravoure au combat. Le colonel Rogers (Robert Keith) sait que Thorn a flanché lors d’une bataille, mais veut l’aider à se racheter. Une fois les cinq hommes choisis, Thorn doit les ramener pour recevoir la médaille d’or du Congrès, en compagnie d’une américaine (Rita Hayworth) accusée d’aide aux Mexicains. Au cours de leur longue route, les héros vont montrer un autre visage, alors que Thorn tâche de mener sa mission sans faillir cette fois.

Robert Rossen voit sa carrière basculer en 1953 lorsque, après des années de résistance et s'être vu placé sur la liste noire, il cède à la pression de la Commission des activités anti-américaine et livre 57 noms de sympathisants communistes. L'inactivité et l'angoisse le firent ainsi craquer, cette dénonciation l'aliénant de ses amis de gauche et freinant considérablement sa carrière. Si Elia Kazan, autre célèbre délateur, tentera de "justifier" son acte de façon ambiguë dans Sur les quais (1954), Robert Rossen s'interroge et fait acte d'expiation dans le captivant Ceux de Cordura. Le réalisateur y interroge la mince frontière entre héroïsme et lâcheté à travers le personnage du Major Thorne (Gary Cooper). Dans le contexte du conflit opposant les révolutionnaires mexicains de Pancho Villa au gouvernement américain, Thorne a cédé à la lâcheté en se cachant lors d'une escarmouche ennemie.

Passé entre les filets de la cour martiale grâce à ses relations, Thorne n'en est pas moins un homme meurtri par la culpabilité. Désormais en charge de distinguer les braves aptes à recevoir la Médaille d'honneur pour leur bravoure au combat, Thorne se fait à l'aune de sa propre faute une haute idée de la notion d'héroïsme. Cela va jusqu'à s'opposer au colonel Rogers(Robert Keith) ayant contribué à le dédouaner quand il lui réclamera une recommandation à une récompense après une bataille victorieuse. A la place, Thorne jette son dévolu sur cinq hommes ayant lors de cette même joute fait preuve d'un courage qui en fit basculer l'issue. Il doit donc les escorter jusqu'au fort de Cordura où ils attendront la validation du congrès avant de revoir leur médaille.

L'introduction nous présente ainsi l'impressionnante bataille où Chawk (Van Heflin), Fowler (Tab Hunter), Trubee (Richard Conte) et Renziehausen (Dick York) vont accomplir des hauts faits qui feront basculer l'affrontement sous le regard fasciné et admiratif de Thorne. Cette bravoure dont il n'a su faire preuve, Thorne tente d'en capturer l'essence en interrogeant les héros et en consignant leurs impressions où ils ont bien du mal à rationaliser et expliquer leurs actes glorieux. La tournure malencontreuse de l'expédition va pourtant révéler les bas-instincts des "héros", la révélation prématurée de l'objectif du voyage faisant office de déclic négatif exacerbé par la tournure des évènements.

L'ambition arrogante de Fowler, le passé trouble de Chawk, le machisme de Trubee sont autant d'éléments qui les rendent de moins en moins dignes du sésame militaire au fil du voyage. Ces imperfections sont pourtant d'autant plus précieuses pour Thorne puisqu'ils ont su dans un bref moment les surmonter pour se montrer héroïque. Des actes de natures instinctives qui s'opposent à la noblesse et la haute idée que se fait, en théorie Thorne de la bravoure. Le caractère trop réfléchi du personnage sur ces notions (sa manière méprisante de juger l'assaut initial à la hussarde et sans stratégie) l'empêche justement de céder dans son attitude à l'irrationnel que signifie justement un acte héroïque. Si la mise à nu des soldats révèlent une facette néfaste, celle de Thorne et de la prisonnière accusée de trahison Adelaïde Geary (Rita Hayworth) les rends bien plus touchant dans leur vulnérabilité.

Rita Hayworth (dont le visage plus mûr commence à être marqué par les excès) révèle ainsi les vicissitudes d'une vie qui l'ont conduit à trouver refuge au Mexique tandis que Gary Cooper tout en sobre fragilité compose un personnage mystique dans son idéal voire son sacerdoce héroïque. C'est vraiment à lui que s'identifie Robert Rossen, à travers lui qu'il se convainc que l'individu ne se résume pas à un moment de faiblesse et, à l'inverse pour les autres protagonistes, à un acte glorieux. L'humain est complexe et jamais unidimensionnel dans les hauts comme les bas et le dépassement de soi de Thorne et Adélaïde supplantera au final la vision étriquée et machiste de l'héroïsme par le seul prisme militaire qui montre ses limites. Robert Rossen fait passer toute cette réflexion dans ce curieux post western introspectif et captivant même si parfois un peu appuyé dans son propos.

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Sidonis 

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