Fin 1916, des escarmouches ont lieu à la
frontière mexicaine entre l’armée américaine et des groupes de
révolutionnaires. À la veille de l’entrée en guerre en Europe, le major
Thorn (Gary Cooper) a pour mission de distinguer, sur le terrain, cinq
soldats pour leur bravoure au combat. Le colonel Rogers (Robert Keith)
sait que Thorn a flanché lors d’une bataille, mais veut l’aider à se
racheter. Une fois les cinq hommes choisis, Thorn doit les ramener pour
recevoir la médaille d’or du Congrès, en compagnie d’une américaine
(Rita Hayworth) accusée d’aide aux Mexicains. Au cours de leur longue
route, les héros vont montrer un autre visage, alors que Thorn tâche de
mener sa mission sans faillir cette fois.
Robert Rossen
voit sa carrière basculer en 1953 lorsque, après des années de
résistance et s'être vu placé sur la liste noire, il cède à la pression
de la Commission des activités anti-américaine et livre 57 noms de
sympathisants communistes. L'inactivité et l'angoisse le firent ainsi
craquer, cette dénonciation l'aliénant de ses amis de gauche et freinant
considérablement sa carrière. Si Elia Kazan, autre célèbre délateur,
tentera de "justifier" son acte de façon ambiguë dans Sur les quais (1954), Robert Rossen s'interroge et fait acte d'expiation dans le captivant Ceux de Cordura.
Le réalisateur y interroge la mince frontière entre héroïsme et lâcheté
à travers le personnage du Major Thorne (Gary Cooper). Dans le contexte
du conflit opposant les révolutionnaires mexicains de Pancho Villa au
gouvernement américain, Thorne a cédé à la lâcheté en se cachant lors
d'une escarmouche ennemie.
Passé entre les filets de la cour
martiale grâce à ses relations, Thorne n'en est pas moins un homme
meurtri par la culpabilité. Désormais en charge de distinguer les braves
aptes à recevoir la Médaille d'honneur pour leur bravoure au combat,
Thorne se fait à l'aune de sa propre faute une haute idée de la notion
d'héroïsme. Cela va jusqu'à s'opposer au colonel Rogers(Robert Keith)
ayant contribué à le dédouaner quand il lui réclamera une recommandation
à une récompense après une bataille victorieuse. A la place, Thorne
jette son dévolu sur cinq hommes ayant lors de cette même joute fait
preuve d'un courage qui en fit basculer l'issue. Il doit donc les
escorter jusqu'au fort de Cordura où ils attendront la validation du
congrès avant de revoir leur médaille.
L'introduction nous présente
ainsi l'impressionnante bataille où Chawk (Van Heflin), Fowler (Tab
Hunter), Trubee (Richard Conte) et Renziehausen (Dick York) vont
accomplir des hauts faits qui feront basculer l'affrontement sous le
regard fasciné et admiratif de Thorne. Cette bravoure dont il n'a su
faire preuve, Thorne tente d'en capturer l'essence en interrogeant les
héros et en consignant leurs impressions où ils ont bien du mal à
rationaliser et expliquer leurs actes glorieux. La tournure
malencontreuse de l'expédition va pourtant révéler les bas-instincts des
"héros", la révélation prématurée de l'objectif du voyage faisant
office de déclic négatif exacerbé par la tournure des évènements.
L'ambition
arrogante de Fowler, le passé trouble de Chawk, le machisme de Trubee
sont autant d'éléments qui les rendent de moins en moins dignes du
sésame militaire au fil du voyage. Ces imperfections sont pourtant
d'autant plus précieuses pour Thorne puisqu'ils ont su dans un bref
moment les surmonter pour se montrer héroïque. Des actes de natures
instinctives qui s'opposent à la noblesse et la haute idée que se fait,
en théorie Thorne de la bravoure. Le caractère trop réfléchi du
personnage sur ces notions (sa manière méprisante de juger l'assaut
initial à la hussarde et sans stratégie) l'empêche justement de céder
dans son attitude à l'irrationnel que signifie justement un acte
héroïque. Si la mise à nu des soldats révèlent une facette néfaste,
celle de Thorne et de la prisonnière accusée de trahison Adelaïde Geary
(Rita Hayworth) les rends bien plus touchant dans leur vulnérabilité.
Rita Hayworth (dont le visage plus mûr commence à être marqué par les
excès) révèle ainsi les vicissitudes d'une vie qui l'ont conduit à
trouver refuge au Mexique tandis que Gary Cooper tout en sobre fragilité
compose un personnage mystique dans son idéal voire son sacerdoce
héroïque. C'est vraiment à lui que s'identifie Robert Rossen, à travers
lui qu'il se convainc que l'individu ne se résume pas à un moment de
faiblesse et, à l'inverse pour les autres protagonistes, à un acte
glorieux. L'humain est complexe et jamais unidimensionnel dans les hauts
comme les bas et le dépassement de soi de Thorne et Adélaïde supplantera au final la vision étriquée et machiste de l'héroïsme par le seul prisme militaire qui montre ses limites. Robert Rossen fait passer toute cette réflexion dans ce
curieux post western introspectif et captivant même si parfois un peu
appuyé dans son propos.
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