Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 17 mai 2022

Annihilation - Alex Garland (2018)


 Lena, biologiste et ancienne militaire, participe à une mission destinée à comprendre ce qui est arrivé à son mari dans une zone où un mystérieux et sinistre phénomène se propage le long des côtes américaines. Une fois sur place, les membres de l’expédition découvrent que paysages et créatures ont subi des mutations, et malgré la beauté des lieux, le danger règne et menace leur vie, mais aussi leur intégrité mentale.

Alex Garland signe avec ce Annihilation une des œuvres de science-fiction contemporaine les plus fascinantes. La personnalité singulière de Garland avait pu être appréciée notamment sur les films de Danny Boyle auxquels il contribua au scénario comme 28 jours plus tard (2002) ou Sunshine (2007), puis sur Never let me go de Mark Romanek (2010), magnifique adaptation du roman Auprès de moi toujours de Kazuo Ishiguro. On sent dans tout cela une appétence pour l’odyssée à la fois spectaculaire et intime servie par les sujets d’anticipation, et que l’on retrouvait également dans ses romans comme La Plage (adapté en 2000 par Danny Boyle) ou Coma. A force de graviter ainsi au cinéma en tant que scénariste et producteur, il finit par passer à la réalisation avec un captivant Ex machina (2014) où le questionnement existentiel intime du drame et plus philosophique de la science-fiction s’ équilibrent admirablement. 

Annihilation est une belle confirmation de tout cela à travers cette adaptation du roman éponyme de Jeff VanderMeer paru en 2014. Le phénomène surnaturel auquel se confrontent les personnages du film relève justement de cette dimension introspective et existentielle que poursuit Alex Garland. L’anomalie étrange gagnant du terrain et altérant la perception des personnages repose sur un effet miroir qui les renvoie à eux-mêmes tout autant qu’à l’inconnu. Alex Garland privilégie l’immersion sensitive aux explications, la psychologie des personnages s’inscrivant en pointillé tout au long du récit. Seules les motivations de Lena (Natalie Portman) semblent personnelles au départ, elle qui s’engouffre dans l’anomalie afin de trouver un remède pour guérir son mari. On comprendra peu à peu qu’une culpabilité plus profonde guide ses actions. Les autres protagonistes laissent deviner leur trouble au détour d’un dialogue, d’une dissimulation physique (Tessa Thomson masquant ses bras tailladés) ou au contraire d’un silence lourd de secret comme Ventress (Jennifer Jason Leigh). Volontairement ou pas, toutes verront leurs failles exposées au grand jour par cet environnement mimétique et mutagène à l’ADN humain certes, mais avant tout à sa psyché complexe. 

Alex Garland travaille dans une sensibilité très féminine pour montrer les personnages perdre pied. Les images entrevues de l’équipe militaire et masculine précédentes exposent une folie collective qui se sera traduite par la violence sanglante face à l’inconnu. C’est plus complexe avec cette équipe de femme où une seule crise débouchera sur une opposition physique, et que tout le reste mettra plutôt en corrélation un mental qui s’effrite avec les mutations de la faune et la flore environnante. La direction artistique est splendide, donnant un contour à la fois proche et étrange à cette forêt où plus l’on avance, plus les maux enfouis de chacune semblent fusionner de façon organique avec l’environnement. Tout cela passe par un habile mélange de pureté irréelle (la photo scintillante de Rob Hardy) et d’impureté où le monstrueux se dispute à l’inexplicable. La féérie inquiétante s’entremêle à l’horreur face à certaines créatures altérée, que ce soit un crocodile à dents de requins, des cerfs aux bois fleuris ou un rats géant marqués des ultimes râles d’une morte. 

C’est assez captivant et nous plonge dans un vrai dédale métaphysique et assez radical dans ses partis pris même si l’on peut regretter cette narration en flashback qui casse un peu l’immersion. Le mystère reste total quant à la nature, la personnification ou pas de l’anomalie, et de ses intentions. Absorber et transformer l’humanité, la remplacer façon bodysnatcher, ou alors s’agit-il d’un phénomène cosmique dénué de volonté supérieure ? Tout reste libre à d’interprétation et nous emmène vers une belle fin ouverte…

Disponible sur Netflix et sorti en dvd zone 2 français chez Paramount

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