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lundi 3 octobre 2022

L'Empereur et l'Assassin - Jīng Kē cì Qín wáng, Chen Kaige (1998)


 Au IIIe siècle av. J.-C., Ying Zheng (Li Xuejian), héritier du royaume de Qin, cherche à dominer les six autres royaumes. Sa stratégie semble imparable. Il envoie sa concubine, Dame Zhao (Gong Li), comme espionne au royaume de Yan et la charge d'y engager un assassin pour tenter de le tuer et pouvoir déclarer la guerre au Yan. Dame Zhao persuade l'assassin, du nom de Jing Ke (Zhang Fengyi) et dont elle est tombée amoureuse, d'accomplir ce geste. Toutefois, après avoir été témoin du massacre sanglant des enfants du royaume voisin de Zhao — dont elle est originaire — ordonné par Ying, elle se retourne contre lui, prête allégeance au Yan et les aide dans leur tentative d'assassinat de Ying.

L'Empereur et l'Assassin voit Chen Kaige poursuivre dans l'opulente fresque historique après Adieu ma concubine (1993) et Temptress Moon (1996) et remonter encore plus loin dans le temps et l'histoire de la Chine. Le film s'attarde les évènements qui virent Ying Zheng, roi d royaume de Qin, devenir le premier empereur de Chine en dominant et réunifiant les six autres. L'histoire s'attarde sur la tentative d'assassinat dont il fut victime par Jing Ke, commandité par le royaume de Yan. Ces évènements seront plus tard abordés de manière plus fantasmée, mythologique (et orientée politiquement) par Zhang Yimou dans Hero (2003). Chen Kaige prend également un tour romanesque dans son approche, plus ancrée dans une veine historique et dramatique que l'univers du Jiang Hu qu'abordera Zhang Yimou. 

Le scénario développe une trame en toile de fond des hauts faits qui visent à humaniser les protagonistes historiques par le prisme de ceux de fiction. La fiction est représentée par Dame Zhao (Gong Li), amie d'enfance et concubine de Ying Zheng (Li Xuejian), pont entre les origines modestes et la douceur passée du souverain et le conquérant qu'il aspire à être. C'est elle qui va constituer l'appât et provoquer le prétexte qui rendra possible une attaque de Ying Zheng en engageant l'assassin Jing Ke (Zhang Fengyi). Ce dernier nous apparaît tout d'abord comme un vagabond hanté par ses crimes, aux instinct suicidaires et d'autodestructions, que l'amour pour Dame Zhao va faire renaître. Le personnage de Gong Li est donc à la fois le révélateur d'un pan plus vulnérable des protagonistes tout en les guidant vers leur destinée connue.

Li Xuejian en Ying Zheng est impressionnant, sur la corde raide entre fébrilité presque infantile et instinct sanguinaires qui le rendent imprévisible. Chen Kaige dans son script joue des faits et rumeurs connues sur ses origines (il serait un bâtard adopté et placé sur le trône faute d'héritier par le chancelier Lubewei (joué par Chen Kaige) possiblement son vrai père) pour l'inscrire dans le tempérament instable du souverain qui affirmerait sa légitimité par ses conquêtes. Il en va de même pour l'assassin Jing Ke apparemment peu recommandable selon les vrais faits mais qui acquiert dans la prestation de Zhang Fengyi une profonde mélancolie, une véritable noblesse. Si Ying Zheng veut effacer son passé par sa quête de domination, Jing Ke veut le surmonter par le rachat. Entre les deux, Dame Zhao qui joue un rôle symbolique mais qui existe aussi réellement par l'humanité dégagée par Gong Li. Tout cela est captivant tant que Chen Kaige reste accroché à ses personnages et à leurs tourments, adoptant le style figé et théâtral de la tradition d'un certain cinéma chinois historique et en costume shanghaïen des années 30/40 avant la Révolution Culturelle. 

Il y ajoute une ampleur moderne avec ces grandes compositions de plan, ce travail sur les architectures et le décor où se perdent les personnages et leurs ambitions. C'est réellement impressionnant dans ces moments-là mais dès qu'il veut jouer la carte de l'épique, l'ensemble est assez laborieux, à la fois aux standards du cinéma hongkongais d'alors mais aussi avec le recul avec le renouveau "numérique" des fresques chinoises à venir dans les années 2000 Hero en tête. Touchant et captivant dans sa dimension terre à terre, ses personnages désacralisés et ses intrigues de palais, le film se perd un peu et souffre de grosse longueur dès qu'il semble tendre vers une issue plus spectaculaire où Chen Kaige est moins à l'aise.

Quand la veine intimiste et l'approche théâtrale est assumée, le film offre quelques tableaux splendides mais a parfois des sautes qualitatives avec une photo assez terne de Zhao Fei (les scènes entre Dame Zhai et Jing Ke) et un montage assez brouillon durant les scènes de batailles. Malgré sa nature inégale, le film sera salué ( gagnant grand prix technique au festival de Cannes 1999) et sera le dernier coup d'éclat de Chen Kaige avant des années 2000 plus difficiles.

Sorti en dvd zone 2 français chez Pathé

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