Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

vendredi 21 février 2020

Wet Season - Rèdài yǔ, Anthony Chen (2020)

Des trombes d’eau s’abattent sur Singapour. C’est la mousson. Les nuages s’amoncellent aussi dans le cœur de Ling, professeur de chinois dans un lycée de garçons. Sa vie professionnelle est peu épanouissante et son mari, avec qui elle tente depuis plusieurs années d’avoir un enfant, de plus en plus fuyant. Une amitié inattendue avec l’un de ses élèves va briser sa solitude et l’aider à prendre sa vie en main.

Wet Season est le second film d’Anthony Chen, venant six ans après le célébré Ilo Ilo qui remporta la Caméra d’or à Cannes en 2013. Inspiré de l’enfance du réalisateur, Ilo Ilo traitait du sort des travailleuses clandestines philippines à Singapour, Anthony Chen ayant justement été élevé par l’une d’entre elle employée par sa famille. On n’en est pas si éloigné dans Wet Season avec son héroïne Lim (Yeo Yann Yann) certes en situation régulière, mais qui n’en est pas moins une étrangère malaisienne à Singapour où elle est professeur de chinois. L’histoire complexe de Singapour en fait une des populations les plus métissée d’Asie (la majorité d’origine chinoise se partageant avec les malais, indien et eurasien) mais paradoxalement aussi une des cultures les plus occidentalisée avec avec une domination de la langue anglaise notamment dans l’enseignement.

Cette caractéristique situe donc le déracinement « naturel » de Lim, étrangère enseignant une langue minoritaire, ce que sous-entend le faible intérêt des élèves tout comme celui de la direction du lycée (qui comme souvent en Asie est grandement dans la compétition et les statistiques) avec de nombreux dialogues et situation en négligeant l’intérêt. L’ancrage pourrait alors exister de façon intime pour Lim qui est mariée avec un singapourien. Mais ce dernier la délaisse et la trompe sans doute, l’impasse du couple se manifestant par leur difficulté à avoir un enfant. Lim n’est donc pas d’ici et l’ailleurs d’origine ne s’aperçoit que par intermittences à la télévision, le temps de discussions téléphoniques furtives avec la famille. Le récit dessine donc le rapprochement entre plusieurs solitudes, entre différents exclus symboliques. Lim s’attache Wei Lun (Koh Jia Ler), un élève prenant un peu plus à cœur ses cours de chinois.

Leur relation repose sur leur solitude respective, Wei Lun étant livré à lui-même avec des parents absents. On peut y ajouter le beau-père (Yang Shi Bin) de Lim qui par sa vieillisse et son autonomie restreint se trouve aussi au banc de la société. Ces trois protagonistes se reconnaissent et se réconfortent, cette connexion existant notamment par une certaine expression de la tradition. Cette tradition est cinématographique avec l’attention du beau-père s’éveillant en regardant les films de King Hu à la télévision (extraits de L’Hirondelle d’or (1966) et A Touch of zen (1970) à la clé), culturelle avec la pratique des arts martiaux de Wei Lun. Au final cette tradition est celle du partage, trivial lorsque tous déguste un fruit local, et prend une forme de continuité ou d’héritage dans la très belle scène où le beau-père corrige un idéogramme chinois lorsque Wei Lun fait un devoir.

La mousson constante de cette belle oeuvre chaleureuse et introspective sert à purifier les protagonistes des maux intimes qui les oppressent, libérant chacun sous différentes formes, que ce soit soit un sommeil éternel, un premier chagrin d’amour ou enfin, un nouvel être à venir. Le rayon de soleil final n’en a que plus de force évocatrice.

En salle

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire