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vendredi 8 janvier 2021

Le destin est au tournant - Drive a Crooked Road, Richard Quine (1954)


 Jeune mécanicien et pilote automobile, Eddie Shannon pense avoir trouvé l'amour de sa vie en rencontrant la plantureuse Barbara Mathews. Alors qu'il rêve de disputer une course de rallye en Europe, il se laisse entraîner par amour dans le monde du crime par Barbara. Elle lui fait rencontrer deux braqueurs de banque qui lui demandent de conduire une voiture lors de l'un de leurs casses.

Après avoir débuté sa carrière de réalisateur par une série de comédies n'ayant guère marqués les esprits, Richard Quine aborde pour la première fois un registre plus sérieux avec le film noir Le Destin est au tournant. Sur un scénario de son ami et partenaire Blake Edwards, Richard Quine signe là une sorte de variation du mythique Les Tueurs de Robert Siodmak (1946). Le postulat est le même avec un pauvre bougre modeste manipulé par une femme fatale et ses acolytes pour exploiter ses capacités en vue d'un braquage. 

Cependant tous les grands archétypes classiques que Les Tueurs ont contribué à créer sont ici ramenés à une forme de normalité, voire de banalité. La narration est linéaire, l'essentiel du récit se déroule en plein jour et donc délesté de la stylisation expressionniste nocturne du Siodmak. Le même nivellement "par le bas" opère pour les personnages, Mickey Rooney en mécanicien timide et complexé ne dégage pas le charisme d'un Burt Lancaster tandis que Dianne Foster en femme fatale ne dégage pas l'aura inaccessible d'une Ava Gardner. 

On le ressent dans la caractérisation des personnages, tel Eddie (Mickey Rooney) dont la conversation et l'environnement étriqué le ramène à la seule chose qu'il connaît, les voitures. Sa chambre minuscule est partagée entre posters de pilote et trophées de course, et son manque d'expérience (notamment avec les femmes) l'empêche d'être partie prenante du cadre machiste du garage et des discussions de ses collègues. Mickey Rooney exubérant et grand séducteur dans la vie, excelle par ce contre-emploi à jouer de son physique comme un handicap, par son attitude gauche et sa timidité. Richard Quine y ajoute des "stigmates physique de son passé avec cette balafre au front et met constamment l'accent dans sa mise en scène sur la différence de taille entre Eddie et ses interlocuteurs, notamment Barbara (Dianne Foster). 

L'humanisation amenée par Quine amène d'ailleurs dans le jeu de Dianne Foster cette même gêne aux entournures dans sa manière de manipuler Eddie, non pas qu'elle en soit tombée amoureuse mais on devine ses scrupules à se jouer d'un être aussi vulnérable. Tout cela est bien sûr voulu pour ramener l'ensemble à une dimension terre à terre, pour articuler le drame dans un quotidien semblable à celui du spectateur plutôt qu'à un monde parallèle parfois quasi abstrait du film noir des années 40.

Cela marche aussi pour les complices que l'on rencontre sur dans des maisons de plages quelconques, l'horizon restreint et la frustration d'Eddie suffit à rendre cette nouveauté lumineuse. Le morceau de bravoure automobile suivant le braquage est sacrément efficace et le seul éclat marquant du film avant la catharsis final. On sent toute la sensibilité de Richard Quine dans la manière d'amener le drame vers quelque chose de très sensible et pudique, notamment lors de la conclusion. Il brillera encore plus avec son second essai dans le film noir, l'excellent Du plomb pour l'inspecteur (1954) et prolongera cette approche quand il donnera dans le franc mélodrame pour son chef d'oeuvre Les Liaisons Secrètes (1960).

Sorti en dvd zone 2 français chez Sidonis

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