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dimanche 9 février 2025

La mort était au rendez-vous - Da uomo a uomo, Giulio Petroni (1967)


 Un enfant assiste impuissant à l'assassinat de ses parents par quatre bandits. Quinze ans plus tard, il recherche toujours les coupables, guidé par sa soif de vengeance. Il rencontre un homme énigmatique qui semble avoir le même but. Ils décident de s'associer...

La Mort était au rendez-vous est une belle réussite du western italien qui navigue entre les codes naissants du genre et un certain classicisme. Dans les éléments attendu le motif de la vengeance, le casting et la caractérisation "eastwoodienne" de John Philip Law (tenue, posture, blondeur, caractère taiseux et même une Vf de Jacques Deschamps doubleur d'Eastwood sur la trilogie des dollars) ainsi que la relation mentor/rival avec le personnage plus expérimenté de Lee Van Cleef (qui retrouvera de nombreuses fois ce rôle de mentor dans le western italien) nous laisse en terrain connu. Ces éléments et la construction du scénario de Luciano Vincenzoni (collaborateur emblématique de Sergio Leone sur la trilogie des dollars), entre la relation passive/agressive du duo Law/Van Cleef, une course-poursuite et des confrontations teintées de vengeance, ce sentiment familier demeure. Pourtant Giulio Petroni parvient à amener une touche plus singulière à l'ensemble.

L'essor du western spaghetti fut l'occasion d'imposer un style pour les jeunes loups surdoués comme Sergio Leone, ou le terrain d'épanouissement pour les artisans touche à tout comme Sergio Corbucci dont le génie s'y révéla. Giulio Petroni n'est pas dans ce cas et a déjà un parcours davantage tourné vers le drame, une pincée de comédie mais surtout un énorme corpus dans le documentaire avant de s'essayer au western (auquel il reviendra quatre fois par la suite). Contrairement aux élans maniéristes et baroques de Leone, Petroni réserve une approche plus stylisée à des moments clés du film, toujours liés à une dimension émotionnelle et ne s'abandonnant jamais complètement à l'outrance si plaisante dans le western italien. La séquence d'ouverture verse à la fois dans l'imagerie gothique par le travail sur les ombres et l'atmosphère nocturne presque fantastique, mais aussi une violence psychologique aux éléments presque psychédélique dans la manière dont le jeune Bill (John Philip Law) observe, sidéré le massacre de sa famille. 

Le chaos de la scène traduit cette sidération et incompréhension de l'enfant, notamment en maintenant ce point de vue par l'évitement d'une certaine complaisance durant la scène de viol de la mère et de la sœur - égards par forcément toujours présent dans le cinéma d'exploitation. La réalisation plutôt sobre est ainsi traversée de réminiscences fulgurantes de ce traumatisme lorsque Bill adulte croise la route d'un des agresseurs, avec un travail très agressif au montage dans l'alternance entre éléments physiques (cicatrices, tatouages, pendentif) identifiant le coupable et le regard bleu halluciné et assoiffé de sang de Bill. Un des grands moments à ce titre est une des dernières scènes durant laquelle Bill en voulant simplement sauver une jeune femme en détresse reconnaît soudain la brute comme un des meurtriers de sa mère, l'effet s'avère encore plus intense à ce moment-là, notamment par le jeu de John Philip Law passant de sauveur désinvolte à une raideur vengeresse intense - ce qui le perdra d'ailleurs en relâchant sa vigilance.

Lee Van Cleef est toujours aussi charismatique et la relation avec Law, même si l'ombre de celle avec Eastwood dans Et quelques dollars de plus (1965) plane, est très attachante. Law ajoute paradoxalement une certaine vulnérabilité dans sa froideur qui dénote de l'assurance et l'arrogance eastwoodienne, et parvient à imposer une touche personnelle en apprenti tueur encore trop sûr de lui et plaisamment rabroué par Van Cleef. Les apartés plus outrés rappellent davantage certains westerns hollywoodiens atypiques (La Vallée de la peur de Raoul Walsh (1947) ou Rio Bravo de Howard Hawks (1959) que le western italien mais dans l'ensemble Petroni donne dans une efficacité sans génie mais très plaisante durant les nombreuses scènes d'action. 

L'émotion repose davantage sur les surprises que réserve le scénario (le piège dont sera victime Van Cleef, la très belle scène finale), entrecoupées par des fulgurances de Petroni qui choisit clairement des instants précis pour sortir de sa sobriété. La conclusion sous une tempête de sable dans un village mexicain ravive ainsi ce côté presque surnaturel et fantomatique exploité durant la scène d'ouverture, même s'il manque un soupçon de folie pour rendre la séquence totalement mémorable. Il n'en reste pas moins un superbe western, d'ailleurs porté par un score une fois de plus très inspiré du grand Ennio Morricone. 

Sorti en bluray français chez Elephant Films 

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