Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
La mort était au rendez-vous - Da uomo a uomo, Giulio Petroni (1967)
Un enfant assiste impuissant à l'assassinat de
ses parents par quatre bandits. Quinze ans plus tard, il recherche
toujours les coupables, guidé par sa soif de vengeance. Il rencontre un
homme énigmatique qui semble avoir le même but. Ils décident de
s'associer...
La Mort était au rendez-vous est une belle
réussite du western italien qui navigue entre les codes naissants du
genre et un certain classicisme. Dans les éléments attendu le motif de
la vengeance, le casting et la caractérisation "eastwoodienne" de John
Philip Law (tenue, posture, blondeur, caractère taiseux et même une Vf
de Jacques Deschamps doubleur d'Eastwood sur la trilogie des dollars)
ainsi que la relation mentor/rival avec le personnage plus expérimenté
de Lee Van Cleef (qui retrouvera de nombreuses fois ce rôle de mentor
dans le western italien) nous laisse en terrain connu. Ces éléments et
la construction du scénario de Luciano Vincenzoni (collaborateur
emblématique de Sergio Leone sur la trilogie des dollars), entre la
relation passive/agressive du duo Law/Van Cleef, une course-poursuite et
des confrontations teintées de vengeance, ce sentiment familier
demeure. Pourtant Giulio Petroni parvient à amener une touche plus
singulière à l'ensemble.
L'essor du western spaghetti fut l'occasion d'imposer un style pour les
jeunes loups surdoués comme Sergio Leone, ou le terrain d'épanouissement
pour les artisans touche à tout comme Sergio Corbucci dont le génie s'y
révéla. Giulio Petroni n'est pas dans ce cas et a déjà un parcours
davantage tourné vers le drame, une pincée de comédie mais surtout un
énorme corpus dans le documentaire avant de s'essayer au western (auquel
il reviendra quatre fois par la suite). Contrairement aux élans
maniéristes et baroques de Leone, Petroni réserve une approche plus
stylisée à des moments clés du film, toujours liés à une dimension
émotionnelle et ne s'abandonnant jamais complètement à l'outrance si
plaisante dans le western italien. La séquence d'ouverture verse à la
fois dans l'imagerie gothique par le travail sur les ombres et
l'atmosphère nocturne presque fantastique, mais aussi une violence
psychologique aux éléments presque psychédélique dans la manière dont le
jeune Bill (John Philip Law) observe, sidéré le massacre de sa famille.
Le chaos de la scène traduit cette sidération et incompréhension de
l'enfant, notamment en maintenant ce point de vue par l'évitement d'une
certaine complaisance durant la scène de viol de la mère et de la sœur -
égards par forcément toujours présent dans le cinéma d'exploitation. La
réalisation plutôt sobre est ainsi traversée de réminiscences
fulgurantes de ce traumatisme lorsque Bill adulte croise la route d'un
des agresseurs, avec un travail très agressif au montage dans
l'alternance entre éléments physiques (cicatrices, tatouages, pendentif)
identifiant le coupable et le regard bleu halluciné et assoiffé de sang
de Bill. Un des grands moments à ce titre est une des dernières scènes
durant laquelle Bill en voulant simplement sauver une jeune femme en
détresse reconnaît soudain la brute comme un des meurtriers de sa mère,
l'effet s'avère encore plus intense à ce moment-là, notamment par le jeu
de John Philip Law passant de sauveur désinvolte à une raideur
vengeresse intense - ce qui le perdra d'ailleurs en relâchant sa
vigilance.
Lee Van Cleef est toujours aussi charismatique et la relation avec Law, même si l'ombre de celle avec Eastwood dans Et quelques dollars de plus
(1965) plane, est très attachante. Law ajoute paradoxalement une
certaine vulnérabilité dans sa froideur qui dénote de l'assurance et
l'arrogance eastwoodienne, et parvient à imposer une touche personnelle
en apprenti tueur encore trop sûr de lui et plaisamment rabroué par Van
Cleef. Les apartés plus outrés rappellent davantage certains westerns
hollywoodiens atypiques (La Vallée de la peur de Raoul Walsh (1947) ou Rio Bravode
Howard Hawks (1959) que le western italien mais dans l'ensemble Petroni
donne dans une efficacité sans génie mais très plaisante durant les
nombreuses scènes d'action.
L'émotion repose davantage sur les surprises
que réserve le scénario (le piège dont sera victime Van Cleef, la très
belle scène finale), entrecoupées par des fulgurances de Petroni qui
choisit clairement des instants précis pour sortir de sa sobriété. La
conclusion sous une tempête de sable dans un village mexicain ravive
ainsi ce côté presque surnaturel et fantomatique exploité durant la
scène d'ouverture, même s'il manque un soupçon de folie pour rendre la
séquence totalement mémorable. Il n'en reste pas moins un superbe
western, d'ailleurs porté par un score une fois de plus très inspiré du
grand Ennio Morricone.
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