Une bougie pour le diable est un thriller surfant sur les tendances du cinéma d’exploitation de ce début des années 70, tout en les intégrant habilement au contexte socio-politique de l’Espagne Franquiste.
Il n'y a que deux sortes d'hommes : les uns justes, qui se croient pécheurs : les autres pécheurs, qui se croient justes.
Cette citation de Blaise Pascal en préfigure parfaitement le propos. Contexte espagnol oblige, le contrepoint entre la piété des deux sœurs Marta (Aurora Bautista) et Veronica (Esperanza Roy) avec la supposée perdition de la jeunesse (liberté sexuelle, tenue vestimentaire aguichante) peut être interprétée comme une allégorie de la vertu du pouvoir face à la corruption du monde extérieur. L’intrigue se déroule dans un village rural, jusqu’ici protégé de ce vice extérieur mais désormais envahi par des touristes venant troubler l’ordre moral. De plus l’auberge tenue par les sœurs est un ancien couvent, et ce sous-texte religieux inquisiteur est surligné par différents aspects significatifs.
La bande-originale de Antonio Pérez Olea est inondée de notes d’orgue tonitruante installant une atmosphère gothique, et certains éléments de décors appuient la folie et la « mission » moralisatrice dont semblent peu à peu se sentir investies Marta et Veronica. Le premier meurtre, involontaire, d’une malheureuse pensionnaire adepte du bronzage topless, voit le coup fatal asséné par bout de vitrail brisé arborant le motif d’une épée abattant sa justice divine. Le scénario dévoile les dessous de cette piété de façade, la solitude, frustration sexuelle et amours douloureux passés causant la rancœur et jalousie des sœurs. Si la cadette Veronica assouvit secrètement son désir avec une jeu employé de l’auberge, Marta traîne son dépit sous une façade austère qui va progressivement se fissurer. Eugenio Martin, dès les premières minutes souligne dans son filmage des sœurs leur féminité et un langage corporel exprimant une ardeur qui contredit leur allure stricte. S’il se montre explicite sur ce point avec Veronica, c’est plus recherché avec Marta dont la trahison du désir sexuel reflète son caractère torturé. Lors d’une séquence, elle va se trouver à épier un groupe de jeunes éphèbes s’amusant nus sur la plage. Son regard inquisiteur ne semble s’appliquer qu’aux femmes, ces dernières symbolisant la liberté d’être qu’elle ne s’autorise pas, et une prime jeunesse qui l’a quitté. Elle observe donc ces hommes d’un œil concupiscent, mais son environnement va se plier à la culpabilité des sentiments coupables qu’elle ressent à ce moment-là. Rebroussant chemin, elle se frotte à des arbustes jonchés d’épines qui la griffent et la dénude, exposant son corps fébrile d’excitation, et constituant autant une métaphore des enfers de la Divine Comédie que du chardonneret épineux du Christ. Il est dommage que le film délaisse progressivement cette imagerie certes peu subtile mais fascinante, pour céder au giallo teinté de slasher plus classique par la suite, malgré quelques bonnes idées macabres – le corps des victimes utilisés comme repas pour les clients de l’auberge « friand » de cette viande. La prestation incandescente des deux actrices surmonte heureusement cet écueil, en particulier Aurora Batista qui gagne en lascivité nerveuse au fil du récit. Le duo meurtrier est ainsi placé face à ses contradictions jusqu’au crime de trop, une faute contredisant même leurs convictions pieuses de façade. Une série B puissante et efficace, finissant pour ne rien gâcher sur une belle image choc.Sorti en bluray français chez Carlotta
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