Suite à une chute de
cheval qui a mal tourné, la jeune Sarah perd l'usage de la vue. À sa sortie de
l'hôpital, elle retourne habiter chez son oncle et sa tante dans un joli
cottage de la campagne anglaise. Un jour que Sarah passe l'après-midi chez son
ami Steve, un drame a lieu dans la demeure familiale...
La longue, brillante et si éclectique filmographie de
Richard Fleischer aura mis du temps à trouver une vraie reconnaissance critique,
dénuée des liens thématiques et stylistiques pouvant l’identifier en tant
qu’auteur. Le seul fil conducteur reste la figure du serial killer que
Fleischer aura illustré via les codes du film noir dans Assassin sans visage (1949), la psychanalyse et l’esthétique
stylisée de L’étrangleur de Boston
(1968) et la tonalité clinique et blafarde de L’étrangleur de la place Rillington
(1971). Terreur aveugle ne s’inscrit
pas dans cette trilogie mais en emprunte divers éléments pour un thriller
haletant et précurseurs des mutations du genre.
La mise en scène de Fleischer excelle dans la première
partie à exprimer la vulnérabilité de la jeune aveugle Sarah (Mia Farrow) et la
menace sourde du tueur qui observe son entourage. Aucune information n’est
anodine, dans le moment sur l’émotion et amont sur le suspense à venir lorsque
Sarah redécouvre désormais aveugle son environnement sous le regard
bienveillant de sa famille. Fleischer adoptant le point de vue tâtonnant de son
héroïne fragile tout en dévoilant méticuleusement la topographie de la maison.
Le parallèle entre l’émotion et la tension est constant dans les trajectoires
de la victime et son futur agresseur s’entrecroisant constamment.
Dès la scène
d’ouverture le tueur identifié par sa simple paire de botte croise la voiture
ramenant Sarah de la gare. Par la suite les déambulations urbaine du tueur contribuent
au malaise ambiant tandis qu’à l’inverse Sarah renoue avec des sentiments
refoulés, que soit les retrouvailles avec son petit ami Steve où refaire du
cheval, une chute étant la cause de sa cécité. La musique d’Elmer Berstein joue
habilement de cette dualité, les envolées de cordes à la limite du sirupeux
accompagnant Sarah étant contrebalancées par le thème menaçant du tueur,
parfois joué par une simple ligne de basse qui anticipe certains scores de
giallo.
Toute cette longue mise en place confine au génie lorsque l’action
se met en place avec une Sarah seule dans la maison. Richard Fleischer fait
naître la tension de l’évitement plus que de la confrontation, le handicap de l’héroïne
la protégeant de l’horreur tout en l’y exposant. Toute les vas et vient
ordinaire de Sarah dans la maison sont auréolé de l’horreur que l’on sait s’y
être déroulée et que la mise en scène révèle par fragment. Du verre brisé dans
une cuisine qu’elle manque de piétiner, un cadavre entraperçu dans l’entrebâillement
d’une porte voir l’avoisinant dans sa chambre, Sarah cohabite avec la mort sans
le savoir. Ce moment est plus inquiétant que les rares et brefs face à face
avec le tueur et c’est de la perte de repère de l’héroïne paniquée avec son
environnement que naît le vrai chaos. Les cadrages précis et élégant cèdent à
une mise en scène heurtée où chaque élément familier devient soudainement un
obstacle contre lequel cogne Sarah dans sa fuite (un meuble, le verre brisé, la
porte de la cave innocemment présentée auparavant).
Richard Fleischer ne fait qu’étendre à plus grande échelle
ce parti pris par la suite. Toutes les embûches physiques (cette branche
stoppant brutalement sa fuite en campagne) ou personnifiées (le camp de gitans)
observé de manière anodines deviennent également des entraves à la survie de
Sarah. Mia Farrow arbore encore son aura de proie du mal de Rosemary’s Baby (1968) et donne
grandement de sa personne pour une empathie maximale. Le film est grandement
novateur par son sens du macabre et anticipe les extravagances du giallo tandis
que la figure du mal invisible et brutale (déjà annoncée dans Assassin sans visage) annonce le slasher
– notamment une brutale confrontation finale. Un thriller brillant qui tint en
haleine jusqu’à la dernière minute.
Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Carlotta
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