Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

vendredi 24 mars 2017

Terreur aveugle - See No Evil, Richard Fleischer (1971)


Suite à une chute de cheval qui a mal tourné, la jeune Sarah perd l'usage de la vue. À sa sortie de l'hôpital, elle retourne habiter chez son oncle et sa tante dans un joli cottage de la campagne anglaise. Un jour que Sarah passe l'après-midi chez son ami Steve, un drame a lieu dans la demeure familiale...

La longue, brillante et si éclectique filmographie de Richard Fleischer aura mis du temps à trouver une vraie reconnaissance critique, dénuée des liens thématiques et stylistiques pouvant l’identifier en tant qu’auteur. Le seul fil conducteur reste la figure du serial killer que Fleischer aura illustré via les codes du film noir dans Assassin sans visage (1949), la psychanalyse et l’esthétique stylisée de L’étrangleur de Boston (1968) et la tonalité clinique et blafarde de L’étrangleur de la place Rillington (1971). Terreur aveugle ne s’inscrit pas dans cette trilogie mais en emprunte divers éléments pour un thriller haletant et précurseurs des mutations du genre.

La mise en scène de Fleischer excelle dans la première partie à exprimer la vulnérabilité de la jeune aveugle Sarah (Mia Farrow) et la menace sourde du tueur qui observe son entourage. Aucune information n’est anodine, dans le moment sur l’émotion et amont sur le suspense à venir lorsque Sarah redécouvre désormais aveugle son environnement sous le regard bienveillant de sa famille. Fleischer adoptant le point de vue tâtonnant de son héroïne fragile tout en dévoilant méticuleusement la topographie de la maison. Le parallèle entre l’émotion et la tension est constant dans les trajectoires de la victime et son futur agresseur s’entrecroisant constamment. 

Dès la scène d’ouverture le tueur identifié par sa simple paire de botte croise la voiture ramenant Sarah de la gare. Par la suite les déambulations urbaine du tueur contribuent au malaise ambiant tandis qu’à l’inverse Sarah renoue avec des sentiments refoulés, que soit les retrouvailles avec son petit ami Steve où refaire du cheval, une chute étant la cause de sa cécité. La musique d’Elmer Berstein joue habilement de cette dualité, les envolées de cordes à la limite du sirupeux accompagnant Sarah étant contrebalancées par le thème menaçant du tueur, parfois joué par une simple ligne de basse qui anticipe certains scores de giallo.

Toute cette longue mise en place confine au génie lorsque l’action se met en place avec une Sarah seule dans la maison. Richard Fleischer fait naître la tension de l’évitement plus que de la confrontation, le handicap de l’héroïne la protégeant de l’horreur tout en l’y exposant. Toute les vas et vient ordinaire de Sarah dans la maison sont auréolé de l’horreur que l’on sait s’y être déroulée et que la mise en scène révèle par fragment. Du verre brisé dans une cuisine qu’elle manque de piétiner, un cadavre entraperçu dans l’entrebâillement d’une porte voir l’avoisinant dans sa chambre, Sarah cohabite avec la mort sans le savoir. Ce moment est plus inquiétant que les rares et brefs face à face avec le tueur et c’est de la perte de repère de l’héroïne paniquée avec son environnement que naît le vrai chaos. Les cadrages précis et élégant cèdent à une mise en scène heurtée où chaque élément familier devient soudainement un obstacle contre lequel cogne Sarah dans sa fuite (un meuble, le verre brisé, la porte de la cave innocemment présentée auparavant). 

Richard Fleischer ne fait qu’étendre à plus grande échelle ce parti pris par la suite. Toutes les embûches physiques (cette branche stoppant brutalement sa fuite en campagne) ou personnifiées (le camp de gitans) observé de manière anodines deviennent également des entraves à la survie de Sarah. Mia Farrow arbore encore son aura de proie du mal de Rosemary’s Baby (1968) et donne grandement de sa personne pour une empathie maximale. Le film est grandement novateur par son sens du macabre et anticipe les extravagances du giallo tandis que la figure du mal invisible et brutale (déjà annoncée dans Assassin sans visage) annonce le slasher – notamment une brutale confrontation finale. Un thriller brillant qui tint en haleine jusqu’à la dernière minute.

Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Carlotta 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire