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lundi 16 septembre 2019

Un matin comme les autres - Beloved Infidel, Henry King (1959)


Criblé de dettes et destinant tout l’argent qu’il gagne à payer les soins psychiatriques de sa femme internée, l’écrivain Francis Scott Fitzgerald se résigne à mettre sa plume au service des studios hollywoodiens. Sous l’emprise croissante de l’alcool et hanté par le souvenir du bonheur qu’il a connu quelques années plus tôt, il rencontre Sheilah Graham, une journaliste anglaise dont il s’éprend. Sa descente aux enfers ne se poursuit pas moins. En le poussant à écrire un nouveau roman après qu’il ait annoncé l’intention à se suicider, Sheilah tente de lui redonner goût à la vie...

Les grands succès d’Henry King à la Fox durant les années 40 furent souvent associés aux films d’aventures et historiques prestigieux comme Le Cygne noir (1942), Capitaine de Castille (1947) ou encore Echec à Borgia (1949), même si les détours par le mélodrame et la romance sont tout aussi réussis avec Le Chant de Bernadette (1943) ou Margie (1946). Lors de la décennie suivante, King s’oriente cependant plus nettement vers l’adaptation prestigieuse tout en s’inscrivant dans le mélodrame flamboyant des années 50. Il devient une sorte de spécialiste de la transposition des écrits des auteurs de la « Génération Perdue », ces auteurs américains exilés en Europe durant les années 20/30. Le réalisateur adapte ainsi Ernest Hemingway par deux fois avec Les neiges du Kilimandjaro (1952) et Le Soleil se lève aussi (1957), puis finira sa carrière en mettant en image Tendre et la nuit (1962) d’après F. Scott Fitzgerald.C’est avec un projet hybride que King croise une première fois la route de Fitzgerald avec Un matin comme les autres, narrant les dernières années de l’auteur d’après les mémoires de Sheila Graham son dernier amour, parues en 1958 sous le titre de Beloved Infidel.

Cette orientation de carrière avait associé Henry King à un autre alter-ego, Tyrone Power (jouant néanmoins dans Le Soleil se lève aussi) laissant place à Gregory Peck ici dans le rôle de Fitzgerald. C’est néanmoins le point de vue de Sheilah Graham (Deborah Kerr) qui domine dans la vision de l’auteur. Le scénario se plaît à opposer leurs trajectoires respectives. Fitzgerald à ce stade de sa vie est un écrivain prestigieux mais sur le déclin que les contraintes familiales et économiques (sa femme Zelda internée, sa fille dont il doit payer l’éducation) obligent à faire le scénariste à Hollywood, travail lucratif mais peu épanouissant pour lui. A l’inverse Sheilah Graham est une exilée anglaise qui se fond à merveille dans cette superficialité hollywoodienne, aussi détestée que crainte dans le journaliste mondain. Sous ces différences, tous deux dissimulent de douloureuses fêlures. La situation financière de Fitzgerald est révélée par un tiers quand lui affiche une certaine bonhomie dans sa prison dorée, et sous ses airs aristocratiques, Sheilah cache un passé plus modeste qu’elle a surmonté à force de volonté et d’ambition.

La romance fonctionne ainsi en les autorisant à mutuellement se montrer sous un jour plus vulnérables et à s’entraider, notamment lorsque Fitzgerald s’attache à faire l’éducation culturelle de Sheilah. King entoure ces moments heureux d’un contour chatoyant à travers le décorum hollywoodien à la fois luxueux et romantique mais l’ensemble ne se déleste malheureusement pas d’une dimension compassée, figée et dépassée. L’aspect biopic semble comme clouer toute bascule, tout envol du récit, qui déroule donc mécaniquement les hauts et les bas de la romance. Si Deborah Kerr livre une magnifique prestation, passionnée et sensuelle, c’est loin d’être le cas pour Gregory Peck. La star excelle à incarner les rocs qui basculent, à jouer de sa normalité pour figurer une image rassurante ou au contraire partir à la dérive. Mais dès qu’il s’agit de proposer une interprétation plus complexe et nuancée d’un personnage sous l’emprise de ses démons, cela ne fonctionne plus. On avait pu le constater dans Les neiges du Kilimandjaro où il interprétait laborieusement une forme de double d’Ernest Hemingway (où une nouvelle fois il était supplanté par la star féminine Ava Gardner). 

La soudaine bascule de Fitzgerald dans la dépression et l’alcoolisme est donc très poussive dans le jeu forcé de Peck, que la mise en scène académique de King – pourtant autrement plus inspiré dans La Colline de l’adieu (1955) autre histoire vraie - ne transcende pas. La construction du film semble fortement influencée (le milieu dépeint, la dérive des rapports entre jalousie et les trajectoires inversée des carrières) par Une étoile est née de George Cukor (1954) mais la comparaison dessert constamment le film de King. Le film est trop sage à la formellement que dans les thématiques abordées quand on voit ce que de Douglas Sirk à Delmer Daves, les territoires bien plus inquiétants vers lesquels allaient le mélodrame hollywoodien. Henry King fera un peu mieux avec son adaptation de Tendre est la nuit, vestige d’un autre hollywood aussi mais plus tenu et touchant.

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez BQHL

6 commentaires:

  1. bonsoir. Je n'ai pas vu ce film mais Henry King est en effet, souvent, trés académique.

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    1. Celui-ci est clairement très plan-plan mais pas d'accord sur l'académisme généralisé d'Henry King. Sest films d'aventures et historiques avec Tyrone Power sont débordant d'énergie et foisonnant de détails, et n'ont rien à envier à ceux d'Errol Flynn à la Warner. Dans le registre plus mélo exalté "Le Chant de Bernadette" est un très beau film aussi très inventif pour capturer la foi religieuse par l'image.Il a des réussites dans tous les genres comme le western avec un "Brigand bien-aimé" très dynamique et un crépusculaire "The Bravados". Il a vraiment une filmographie passionnante, après lui aussi il doit composer avec le matériau qu'on lui fournit...

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    2. Je ne voulais pas être excessif et taxer King d'académisme total mais je me souviens de films plutôt plan-plan vus il y a longtemps à la télé. Brion défendait King. Académisme et classicisme sont parfois voisins. Par contre Je suis d'accord avec vous pour ces westerns qui sont excellents, notamment le très beau La cible humaine. J'aime bien certains de ses films d'aventure et leur technicolor flamboyant mais de là à les comparer aux films de Curtiz avec Errol Flynn, je ne saurais vous suivre.bonne soirée.

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    3. Oui j'avais oublié d'évoquer La cible humaine qui est sûrement son meilleur western. Pour les films d'aventures, Le Cygne noir semble sans doute un peu trop être une réponse aux Errol Flynn/Michael Curtiz de la Warner (même si très plaisant) mais honnêtement Capitaine de Castille et Echec à Borgia sont de vraies propositions différentes dans le respect du contexte historique, le faste formel et la mélancolie qu'ils dégagent. Je ne les trouvent pas en dessous du tout des Flynn de la Warner qui sont de hautes tenues bien sûr on sera au moins d'accord là-dessus ;-)

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  2. Merci de votre réponse. oui, Capitaine de Castille est excellent. Je ne me souviens pas d'Echec à Borgia. A voir donc et Henry King reste un cinéaste attachant à redécouvrir.

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    1. Je parlais d'Echec à Borgia ici, si ça peut d'autant plus vous donner envie de le découvrir https://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.com/2018/06/echec-borgia-prince-of-foxes-henry-king.html

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