1500. Ayant des vues
de conquête sur toute l'Italie, le duc César Borgia ordonne à son serviteur
Andréa Orsini d'aller espionner le comte Varano qui règne, avec son épouse
Camilla, sur la ville de Citta Del Monte. Mais arrivé sur place, Orsini, qui
devait séduire la femme du comte pour mieux assassiner Varano par la suite, se
range aux côtés des ennemis de Borgia...
Échec à Borgia
poursuit la fructueuse collaboration entre Henry King et Tyrone Power, et plus
précisément les prestigieux films historiques et d’aventures initiés par la Fox
durant les années 40 comme Le Cygne Noir
(1942) et Capitaine de Castille
(1947). Ce registre du film historique est particulièrement présent dans la
filmographie de Tyrone Power, que ce soit dans un emploi d’héros bondissant où
il s’avère un rival d’Errol Flynn (Le Signe de Zorro de Rouben Mamoulian (1940)) ou plus sobre dans lequel il
peut montrer la subtilité et la sensibilité de son jeu comme Suez d’Allan Dwan (1938), Marie-Antoinette de W. S. Van Dyke
(1938), Arènes sanglantes de Rouben
Mamoulian (1941).
Échec à Borgia va
lui permettre d’exploiter toutes ses aptitudes dans une œuvre assez différente
de ses précédents travaux avec Henry King. Le
Cygne Noir et Capitaine de Castille
étaient de purs produits hollywoodiens de leur temps avec une reconstitution
studio luxueuse et un technicolor flamboyant. Échec à Borgia anticipe à l’inverse les tendances de production à
venir pour les studios. Le film prolonge ainsi dans la production à grand
spectacle les velléités réalistes de la Fox dans ses films noirs (avec des
tournages se faisant de plus en plus en extérieurs) puisque Darryl Zanuck fera
le choix de tourner le film en Italie et à Saint-Marin dans des lieux
prestigieux ayant pour certains été le vrai cadre de certains évènements
historiques évoqués. C’est également une anticipation du modèle économique des
années 50 qui délocalisera de plus en plus de tournages en Italie ou en
Angleterre pour des raisons financières. Le seul écueil ici (en tout cas pour
la carrière commerciale du film) sera le choix du noir et blanc puisque Zanuck
juge la logistique d’un tournage en couleur trop couteux avec les lourdes
caméras Technicolor.
Tyrone Power en impose tout en élégance et bagout,
sachant charmer hommes et femmes par la flatterie ou savant marché de dupe (la
manière dont il retourne Mario Belli (Everett Sloane initialement venus l’assassiner).
Les intérieurs raffinés, le port altier des costumes, la majesté des décors,
tout cela est l’envers clinquant d’un jeu de domination impitoyable où Orsini
excelle. Le personnage pourrait être détestable sans la manière très ludique
dont Henry King met en place ses manigances, avant qu’une révélation sur ses
vraies origines ne nous le rende plus vulnérable. La seconde partie du film place d’ailleurs le personnage
face à ses failles lorsqu’il devra séduire Camilla (Wanda Hendrix), femme du comte Verano (Felix Aylmer) et maître de la
Città del Monte que Cesare Borgia convoite.
En déplaçant l’intrigue des
intérieurs aux sentiments factice pour les hauteurs grandioses de Città del
Monte – qui n’existe pas mais qui est une citadelle de Saint-Marin restaurée
par la Fox et réelle conquête de Cesare Borgia – l’âme d’Orsini semble
également s’élever. La noblesse d’âme du paisible comte Verano éveille les
scrupules de notre héros tombé amoureux de Camilla. Henry King parvient à
traduire cette bascule grâce à l’interprétation d’ensemble remarquable mais
surtout en l’exprimant par de pures idées formelles. Une image résume ainsi
magistralement tout le dilemme d’Orsini : ce plan d’ensemble où il peint
Camilla sur un rempart tandis que la citadelle se dresse magnifiquement en
arrière-plan dans une composition de toute beauté. La passion inavouable chaste
et inavouable ainsi que la force apaisante et purificatrice des lieux passe
ainsi visuellement, faisant ressentir le temps qui passe et l’évolution d’Orsini
sans donner l’impression de facilité narrative.
Ce sont là les moments les plus captivants du film qui
raccroche sur la fin les wagons du spectaculaire. La maestria de King nous
offre ainsi notamment un mémorable assaut de château avec tous les éléments
exaltants d’une bataille médiévale (ascension de rempart stoppé par des litres
d’huile bouillante) mais le film perd un peu de vue son intérêt émotionnel
prédominant. Alors que s’esquisse une conclusion en forme de poignante
rédemption tragique, les dix dernières
minutes enchaînent les raccourcis hasardeux pour un happy-end un peu forcé.
Dommage car l’on n’était pas loin du meilleur film du duo Tyrone Power/Henry
King, ce titre demeurant donc à Capitaine
de Castille. Échec à Borgia n’en reste pas moins une production très
réussie.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez ESC
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