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mercredi 15 juillet 2015

Suez - Allan Dwan (1938)

L'histoire de la construction de canal de Suez par Ferdinand de Lesseps. Louis Napoléon, qui soupçonne Ferdinand de Lesseps de s'intéresser de trop prêt à Eugénie de Montijo, l'envoie en mission en Egypte. Lesseps conçoit le projet fou pour l'époque d'un canal reliant la Méditerranée à la Mer Rouge.

Allan Dwan réalise une des productions les plus célèbres et nanties de sa longue filmographie avec cette spectaculaire évocation de la construction du canal de Suez. Le film s'inscrit dans plusieurs tendances en vogue dans le Hollywood d'alors, le grand biopic historique popularisé à la Warner par William Dieterle (La Vie d'Emile Zola (1937), La Vie de Louis Pasteur (1936)), le film d'aventures exotique (Les Trois Lanciers du Bengale, Gunga Din), deux genres qui purent aisément se mélanger au film catastrophe dans des succès comme La Mousson (1938, Clarence Brown) ou San Francisco (1936, W.S. Van Dyke). Le scénario de Philip Dunne et Julien Josephson donne le versant le plus romanesque des évènements, que ce soit par les relations entre les personnages (L'Impératrice Eugénie ancien amante de Ferdinand de Lesseps jouant sur le soutient réelle qu'elle apporta au projet), les raccourcis (les manœuvres politiques de Napoléon III) et clins d'yeux grossiers (l'apparition de Victor Hugo et si l’on n’avait pas bien saisit un protagoniste lisant les pages des Misérables au même moment).

Là où le film joue le plus de cette fibre romanesque, c'est par l'image idéalisée de grand rêveur associée à Ferdinand de Lesseps. Sa destinée s'inscrit ainsi de manière mystique lorsqu'un voyant lui prédit qu'il "creusera des fossés" tandis que sa fiancée Eugénie est portera elle un couronne. Le grand dessein du canal de Suez lui apparaîtra également dans une pure épiphanie jouant sur ce côté mythologique avec ce semblant de cours d'eau se traçant dans le désert après un orage. L'ensemble du film confronte ainsi la vision du bâtisseur/rêveur à la réalité, toutes les entorses historiques volontaires jouant sur cette opposition. 

De Lesseps voit ainsi le projet se briser sur le mur du jeu politique, que ce soit Louis-Napoléon Bonaparte (Leon Ames) tissant sa toile pour devenir empereur, les anglais refusant ce canal sous tutelle française malgré l'apport économique. Les enjeux ainsi simplifiés sont limpide et toujours teinté de cette veine romanesque rattaché à l'intimité des personnages, tel cette trahison faisant De Lesseps un paria auprès de ses amis politiques et faisant du canal de suez la quête d'une vie, le seul élément auquel il peut désormais se raccrocher.

Tyrone Power excelle à exprimer la dimension exaltée et romantique du personnage, sa beauté juvénile se teintant de gravité au fil du récit. Les deux figures féminines expriment bien la dualité entre rêve et réalité du récit. Annabella incarne une sorte d'ange gardien passionné et plein d'entrain suivant et redressant de Lesseps face à toutes les épreuves, sa nature simple et son allure garçonne contrebalançant la sophistication et la beauté élégante d'une Loretta Young magnifique mais symbole de déconvenues, amoureuses comme politiques (même le triomphe final s'avérant amer dans de l'ultime rencontre lors de l'inauguration du canal). 

 L'alchimie entre les trois acteurs fonctionne d'autant mieux qu'entre eux se nouait une romance passée (Tyrone Power et Loretta Young) ou en devenir puisqu'Annabella (qui nous offre un joli moment érotisant avec ses seins bien visibles sous sa chemise trempées en début de film) épousera Tyrone Power à l'issu du tournage. 

Allan Dwan excelle dans tous les registres abordés par le film, d'abord par l'éblouissante reconstitution qui enchante lors des premières scènes parisiennes (le Jeu de Paume, le bal). Les moments spectaculaires illustrent les puissances humaines et mystiques qui entraveront la construction du canal avec deux morceaux de bravoures étourdissant. Un attentat provoquant un éboulement apocalyptique et une tornade dévastatrice arrachant les derniers liens de Lesseps, le confondant définitivement à sa création pour laquelle il aura tout perdu. L’ultime regard sur le canal de suez enfin terminé se chargera alors de fierté et mélancolie pour de Lesseps dans la magnifique conclusion où le mythe et l’esprit d’entreprise triomphe amèrement.


Sorti en dvd zone   français chez Sidonis

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