Après la mort de son
père dans un étrange accident de voiture, India, une adolescente, voit un oncle
dont elle ignorait l’existence, venir s’installer avec elle et sa mère.
Rapidement, la jeune fille se met à soupçonner l’homme d’avoir d’autres
motivations que celle de les aider. La méfiance s’installe, mais l’attirance
aussi…
Vertigo (1958) fut pour Park Chan-Wook un véritable choc qui
éveilla sa vocation de cinéaste. Il y avait donc comme une évidence à le voir
enfin s’essayer à l’exercice Hitchcockien avec Stoker qui est son premier film américain. Le modèle ici sera plus précisément
L’Ombre d’un doute avec ici un postulat
voisin où une jeune fille va se confronter à la présence néfaste d’un
charismatique membre de sa famille. Stoker
remet pourtant l’idée au goût du jour thématiquement et formellement. L’Ombre d’un doute illustrait la
découverte de l’existence du mal par l’innocente Theresa Wright, découvrant le
monstre que dissimule l’oncle adoré (Joseph Cotten) dans une forme de souillure
de l’imagerie americana en arrière-plan. Stoker n’évoque pas la découverte du
mal, mais plutôt sa révélation et son apprentissage pour la jeune India (Mia
Wasikowska).
Dans sa « trilogie de la vengeance » (Sympathy for Mister Vengeance (2002), Old Boy (2003) et Lady Vengeance (2005)), Park Chan-Wook articulait des drames qui
poussaient ses protagonistes à s’abandonner malgré à ce mal avec des
conséquences tragiques pour eux. Dans Stoker
la dimension de thriller à tiroir déleste l’intrigue de ce motif tout en
laissant entendre en filigrane que l’oncle Charlie (Matthew Goode) est impliqué
dans la mystérieuse disparition du père d’India. Cependant la vengeance n’a
rien à faire dans le cheminement de la jeune fille et le scénario ne tient pas
sur un twist que l’on voit largement venir. Ce qui intéresse le réalisateur c’est
la notion de passage à l’âge adulte d’India qui passe par cette révélation et
délectation du mal.
Tant qu’elle reste cette enfant apeurée, tout ce qui tient
du monde extérieur revêt des contours menaçant notamment les garçons qui
la tourmentent au lycée. Tout cela passe par une notion sensorielle et la
gestion du décor dans la mise en scène de Park Chan-Wook. India découvre et
subit les évènements à distance comme une enfant apeurée comme l’attirance
entre sa mère (Nicole Kidman) et l’oncle Charlie, ce dernier devenant quasi
omniscient pour toujours surprendre notre héroïne en faute. Park-Chan Wook
appuie cet aspect ou bouleversant les notions de temporalité et de lieu (le
premier face à face impossible où pour s’isoler avec India, Charlie semble se
trouver dans deux pièces en même temps) puis tout simplement de logique
rationnelle quand Charlie surgit tel un ange-gardien démoniaque quand India
sera en difficulté.
Cependant Charlie n’est pas qu’une présence menaçante, mais
aussi séduisante pour India. Le spectre de l’inceste plane sans être franchi
(nul doute que dans une production coréenne le tabou aurait été effectif vu le
sens de la provocation habituel du cinéaste) et est d’ailleurs latent avec le
père défunt comme il est plusieurs fois souligné. La tension sexuelle règne le
temps d’un duo au piano ou d’autres instants de proximité mais c’est bien dans
l’accomplissement du mal qu’elle est symboliquement consommée. Park Chan-Wook
joue de la notion de point de vue pour nous offrir deux interprétations
possibles dans une scène qui amorce la mue d’India.
Lorsqu’elle manque d’être
violée par un camarade de lycée en forêt, le montage joue sur l’ambiguïté avec
l’arrivée salvatrice de Charlie. Dans un premier temps il stoppe l’action et
laisse sa nièce se défouler sur son agresseur ficelé mais encore bien vivant.
Un second flashback nous montrera pourtant le violeur tué aussi sec par
strangulation par Charlie. C’est la réaction lors du retour au présent qui fait
basculer le tout. Park-Chan Wook adopte une imagerie et un jeu affecté pour
India afin de nous signifier qu’elle a subit le meurtre comme une forme de viol
et doit s’en laver sous la douche dont le jet se confond avec les larmes de la
jeune fille. Lorsque le flashback révèle sa nature ambiguë, c’est la jouissance
de la violence commise qui se devine dans la réaction d’India se masturbant au
souvenir de son acte sous la douche.
L’oncle Charlie n’a fait qu’éveiller au mal sa nièce déjà
ouverte à la chose (tous les flashbacks de chasse). La mise en scène fétichiste
du décor gothique de la maison – mais également vestimentaire voir l’importance
du changement d’une paire de chaussure - ne pèse plus sur l’héroïne mais se
déploie avec elle, notamment dans de fabuleuse idée de transition au montage
(la chevelure peignée de Nicole Kidman devant les épis d’un champ où chassait
India et son père). S’abandonner à ses bas-instincts ne mène plus à une
déchéance comme dans les précédents Park Chan-Wook mais à la renaissance et l’émancipation.
La chrysalide est devenue est papillon sanglant et le mal semble comme héréditaire. Un belle leçon de maîtrise où
le réalisateur reste lui-même malgré le cadre de production différent, même si
on déplorera une certaine froideur. Cependant toutes les bases sont posées pour
le flamboyant Mademoiselle (2016) à
venir.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Fox
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