Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 3 juillet 2018

Jassy - Bernard Kwowles (1947)

Jassy est considéré comme le dernier grand mélodrame du studio Gainsborough. En 1947 Maurice Ostrer, directeur de la production du studio et élément créatif majeur de ses mélodrames à succès, est remplacé par Sidney Box. Ce dernier goutte très peu l'extravagance du registre habituel de la Gainsborough et va réorienter les productions suivantes vers une veine plus réaliste qui ne prendra pas et conduira à la fermeture du studio au début des années 50. En attendant ce virage, Sidney Box est forcé de laisser se faire Jassy dont la pré-production est déjà bien avancée. Il s'agira du plus gros budget de la Gainsborough et de son premier film en couleur.

Jassy (adapté du roman de Norah Lofts paru en 1944) semble réfréner l'outrance habituelle du studio, du moins dans l'intrusion d'éléments fantastiques (réduits aux dons de voyance de l'héroïne) mais très vite l'avalanche de rebondissements (il y a au moins 4 films à faire en creusant les évènements des seules premières 40 minutes) nous ramène en terrain connu. Le jeune Barney Hatton (Dennis Price) s'est juré de reprendre un jour le domaine de Moderlaine, perdu au jeu par son père face à l'infâme Nick Helmar (Basil Sidney). Réduit à une existence de fermier, Barney se lie d'amitié avec Jassy (Margaret Lockwood) fille de gitane rejetée par la communauté car considérée comme une sorcière. Celle-ci sera également victime de la brutalité de Nick Helmar quand ivre il abattra accidentellement son père. Le récit suit plus particulièrement le parcours de Jassy parvenant au fil des difficultés à s'élever, tout en formant un triangle amoureux déchirant avec Barney et Dilys (Patricia Roc) fille de Nick Helmar.

Le grain de folie formel des mélos Gainsborough s'estompe grandement (alors que Bernard Knowles est capable du meilleur dans ce registre en tant que directeur photo sur Love Story (1944) ou réalisateur dans The Magic Bow (1946) voir même plus tard puisqu'on lui doit le téléfilm The Magical Mystery Tour des Beatles) pour ressembler à un drame en costume plus classique, sans la démesure rococo habituelle. Il en va de même du côté sexuel sulfureux habituel du studio, certains éléments de l'intrigue reprennent des éléments de The Wicked Lady (1945) ou The Man in grey (amitié puis rivalité amoureuse entre Patricia Roc et Margaret Lockwood, cette dernière confrontée à un châtelain ombrageux) mais au service d'un romanesque plus lumineux, moins perfide.

Margaret Lockwood a ainsi pour une fois le bon rôle avec ce personnage de basse extraction mais déterminé à réussir par amour. La façon dont son personnage est le seul à rester droit face à la cruauté (Basile Sidney délectable en grand méchant même si moins fin qu'un James Mason), la frivolité (Patricia Roc plus intéressée qu'amoureuse) ou faiblesse de caractère (Dennis Price qui prépare déjà son rôle de Noblesse Oblige (1949)) de ceux qui l'entoure n'est pas sans rappeler la Fanny du Mansfield Park de Jane Austen ce qui tend à ramener effectivement Gainsborough à un courant romanesque plus classique.

Le film n'en reste pas moins réussi et prenant. Bernard Knowles déploie une mise en scène élégante qui fait de la multitude d'environnement (en particulièrement le château de Moderlaine entre maquette stylisée et intérieur fastueux) un régal pour l'œil et l'intrigue dense nous ballade de coup de théâtre en rebondissements où malgré l'excès la cohérence demeure dans la caractérisation des protagonistes. Sans retrouver l'équilibre ténu d'un Leslie Arliss dans les ruptures de ton, le réalisateur pose habilement éléments anodins, personnages secondaires (le très beau rôle de muette d'Esme Cannon) qui prendront tous leur importance dans le drame en cours.

La couleur amène aussi une fraîcheur bienvenue (belle photo de Geoffrey Unsworth) pour l'habitué du studio. Pour résumer donc un Gainsborough plus sage mais qui reste plaisant. Le public anglais ne s'y trompera pas en en faisant le septième plus gros succès de l'année au box-office anglais, un beau chant du cygne aussi pour Margaret Lockwood dont la carrière déclinera lentement ensuite.

Sorti en dvd zone 2 espagnol sans sous-titres français. Le film est également trouvable en entier sur youtube, voilà le lien tant qu'il marche ! 

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