Daisy Clover, du haut
de ses quinze ans, rêve de devenir une vedette à Hollywood. Remarquée lors
d'une audition par le producteur Raymond Swan, la jeune fille devient très vite
une étoile montante. Mais pour mériter sa place, elle doit laisser son passé de
côté pour donner à la place à son public une image d'un véritable conte de
fées, inventé de toute pièce. Cette fille des quartiers pauvres découvre alors
le monde merveilleux du cinéma mais aussi l'envers du décor.
A première vue, Daisy
Clover semble s’inscrire dans le courant des grands puddings musicaux et rétro
hollywoodiens des années 60 dont l’échec conduira à l’avènement du Nouvel
Hollywood. Robert Mulligan perverti pourtant l’emballage clinquant en adaptant
le roman de Gavin Lambert paru en 1963. Ce dernier était jusque-là surtout
connu pour son travail de scénariste et notamment par le fait de la sensibilité
et problématiques gay qu’il y
glissait, le roman Inside Daisy Clover
étant une manière de montrer frontalement la noirceur de l’envers du décor.
Robert Mulligan ajoute à cela sa thématique récurrente de la perte d’innocence
et du passage à l’âge adulte.
L’adolescente Daisy Clover (Nathalie Wood) ne se doute pas
ainsi de la parenthèse enchantée que constitue sa vie modeste dans une caravane
avec sa mère toquée et excentrique (Ruth Gordon). Le contexte de la Grande
Dépression appelle ainsi la jeune fille à un ailleurs plus lumineux mais cet
environnement lui laisse pourtant encore ce que la célébrité lui refusera
toujours : le choix. La scène triviale où un camarade se montre trop entreprenant
et qu’elle repousse brutalement annonce la suite du film. Dans le contexte
clinquant du monde du spectacle, les assauts sont plus insidieux et tordu avec
pour objectif de vous posséder littéralement, au-delà de la seule facette
sexuelle.
Cette possession prend une dimension funeste avec le glacial « prince
des ténèbres » Swan (Christopher Plummer) prêt à spolier sa vedette en
devenir de son passé, sa famille et son identité pour offrir un joyau vierge à
son public. Le visage plus séducteur de la vedette Wade Lewis (Robert Redford)
n’en dissimule pas moins un autre prédateur qui apaise ses propres démons – une
homosexualité sous-entendue mais qui était explicite dans le roman de Gavin
Lambert, atténuée à la demande de Redford – en soumettant les jeunes femmes à
son charme.
Robert Mulligan fait de ce monde du spectacle un mausolée
(la photo façon musée de cire de Charles lang) fait de gigantesques studios
désertiques où se perd la silhouette frêle de Daisy. La célébrité est une
chimère qui ne se ressent que par des demandes d’autographes (dont l’aspect
factice de bonheur par procuration est annoncé dès le début avec la photo de
Myrna Loy) dans les instants les plus sinistres du récit (l’épisode du motel
lugubre dans un coin perdu d’Arizona) ou des fondus enchaînés de coupure de
journaux. Ce clinquant hollywoodien n’existe que quand il est capturée sur
pellicule dans les rares mais brillantes séquences musicales, toujours
contrebalancée par un réel sinistre.
La solitude de l’héroïne se maintient d’ailleurs
dans ces numéros musicaux, que ce soit la danse au firmament des étoiles dans
le tonitruant You're Gonna Hear from Me
où les jeux de miroirs de The Circus is a
Wacky World. L’envers du conte de fée se signale dans la continuité de ces
maigres moments fastueux, que ce soit la présentation à des spectateurs
fantômes ou la crise nerveuse et silencieuse – la bande-son refusant même cette
perte de contrôle à l’héroïne, constamment muselée – de Daisy ne pouvant plus
masquer son être profond sous les sourires.
Nathalie Wood trouve peut-être là son meilleur rôle (s’appuyant
certainement sur son vécu d’adolescente vedette et exposée), aussi convaincante
dans le registre tourmenté et soumis que celui, indomptable, qui par son seul
charisme empêche le film d’être totalement déprimant. Tout est dit dans les
dernières minutes avec ce suicide avorté par les circonstances qui conduit à un
triomphale reprise en main.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
j'aime beaucoup ce film "méconnu" de Mulligan sur l'envers du décor Hollywoodien. Merci d'en parler..
RépondreSupprimerEffectivement un Mulligan injustement méconnu, je crois que ce fut un gros échec commercial à sa sortie ceci explique cela du coup un peu expliqué pa d'autres titres plus fameux...
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