Une mère raconte sa dernière année de
lycée à sa fille : ses amours, son bal de fin d'année, le professeur de
français, sa petite culotte.
Henry King réalise là une
charmante comédie, sortant de lointain ancêtre dessinant avec candeur
les contours du teen movie tel qu'il naîtra en partie avec
La Fureur de Vivre
(en plus torturé) lors de la décennie suivante. Ici, cette vision de
l'adolescence se fait par la voie nostalgique où remontant les objets du
passé (photos, gramophone, culotte ! Tous ayant leur importance dans
l'histoire) dans un grenier à vider une mère va raconter à sa fille
curieuse ses souvenirs de lycée, vingt ans plus tôt. A cette époque,
Margie est une jeune studieuse et gauche qui sous sa maturité n'en rêve
pas moins au prince charmant. Celui-ci pourrait Roy (Alan Young), garçon
un peu balourd aimant lui réciter des poème, Johnny (Conrad Janis)
capitaine de football n'ayant d'yeux que pour son amie Marybelle
(Barbara Lawrence) et surtout M Fontayne (Glenn Langan) le très
séduisant nouveau professeur de français dont son amoureuses toutes ses
camarades.
La transition temporelle se fait par un sublime
flashback où un vieux disque du présent reprend la chanson de manière
tonitruante dans le passé par le biais d'un haut-parleur. L'aspect
idéalisé et radieux de ces souvenirs convient parfaitement au halo
coloré et chaleureux (on pense beaucoup dans l'esprit aux tout aussi
bienveillants
Chant du Missouri ou
Quatre filles du docteur March
de la MGM produit à la même période) de cette Amérique provinciale en
forme de paradis perdu alors que la Deuxième Guerre Mondiale est à peine
achevée.
Dans ce contexte on s'émeut et s'amuse des premiers émois de
Margie , chrysalide pas encore éclose qui va passer par quelques
humiliations et désillusions avant de s'accomplir. Parmi celles-ci, un
running gag désopilant la voit perdre sa culotte (!) dont l'élastique
mal ajusté la plonge dans l'embarras à plusieurs reprises, le plus
souvent en compagnie de l'être désiré (Johnny à la patinoire, Fontayne à
la bibliothèque). Les amours, elle les rêves ou les observe dans le
secret de sa chambre, en espionnant Marybelle ou en chantant son dépit
et ses espoirs dans une des quelques séquences musicales du film.
Jeanne
Crain est absolument craquante dans sa prestation passionnée et
empruntée (la scène de débat), typique de cette adolescence où on passe
du bonheur le plus total au tréfonds du désespoir dans la minute. Ce sera
le cas lors d'un rebondissement final tournant autour du bal de fin
d'année et l'absence de cavalier pour Margie. La solution résout
subtilement une facette du récit sobrement abordée (la relation avec ce
père absent) et transforme la chrysalide en papillon (la scène du bain
moussant la montrant enfin sous un jour sensuel fait la transition) lors
de la sublime scène de bal où débarrassées de ses couettes et
socquettes Margie éblouit l'assistance de sa beauté.
Le film aurait
probablement quelque soucis aujourd'hui avec cette relation
élève/professeur ambiguë (puis beaucoup moins) acceptée voire encouragée
par les adultes mais le beau Glenn Langan (qui a coiffé Cornel Wilde
refusant de jouer dans le film et Richard Jaeckel envisagé avant lui et
qu'on a jamais vu ailleurs par la suite semble-t-il) représente surtout
un idéal charmeur et bienveillant aux yeux de la jeune fille appuyés par
sa présence lisse. Léger comme une bulle de savon et enchanteur.
Et malheureusement c'est toujours inédit en dvd, guettez une rediffusion au cinéma de minuit ou sur TCM pour savourer ce petit bijou. Et contrairement à ce que laissent supposer les photos le film est bel et bien en couleur.
Extrait
Si on résume ce film à : "Une jeune lycéenne passe son temps à perdre sa culotte tout en se faisant draguer par son professeur"... on pourrait presque croire à un pitch de porno des 70's !
RépondreSupprimerMais non, bien sûr. C'est Henry King et c'est une "americana", comme il savait les faire, tout en finesse, élégance et pure beauté. On attend qu'une chaîne TV nous le repasse pour rendre justice à son magnifique Technicolor. A noter que le directeur photo est Charles G Clarke qui fit "Capitaine de Castille", film que je classe, perso, parmi les plus époustouflantes couleurs de cet âge d'or.
A noter aussi Hattie Mc Daniel, la domestique noire qui avait été la Mamma d'Autant en emporte le vent. Et puis Barbara Lawrence qui fait la soeur blonde de Linda Darnell dans "Chaînes conjugales" que vous avez chroniqué cette semaine. Et enfin Vanessa Brown (la lycéenne malicieuse lors du bal) qui a également joué pour Mankiewicz dans "L'Aventure de Mme Muir" et "The Late George Apley".
Merci d'avoir parlé de ce film ! Connaissez-vous "Cette Terre qui est mienne", toujours d'Henry King, avec Jean Simmons et Rock Hudson? J'ai vu ça à 12 ans, à la télé, en V.F., mais je garde un souvenir ébloui de Jean Simmons plongeant ses pieds nus dans les sillons de sa terre labourée...
Lisa Fremont
Encore une chose : Richard Jaeckel a beaucoup joué les seconds rôles importants. Notamment dans "La Cible humaine", un excellent western psychologique de... Henry King, avec Gregory Peck. Et je me souviens de lui, mourant dans l'eau, dans les bras de Paul Newman dans "le Clan des Irreductibles". Et sauf erreur dans les "12 Salopards". Et bien d 'autres.
RépondreSupprimerOui j'ai mal formulé je parlais du professeur joué par Glen Langan qu'on a semble t il revu nul part hormis dans ce film. Merci en tout cas belle découverte tendre et loufoque, Jeanne Crain pour subir avec dignité autant de fois ce gag de la culotte il faut une sacrée grâce tout de même !
RépondreSupprimerPas vu "Cette Terre qui est mienne" qui existe seulement en dvd espagnol semble t il...
C'est vrai, elle est drôlement gracieuse, la Jeanne! Elle est super bien dirigée aussi. La toute première fois du gag, elle a une série géniale de sourires jaunes-coincés vers ses potes et copines qui la croisent en lui lançant "Hi, Margie!". Quand elle leur répond, l'un après l'autre, tout en parlant à Roy et tout en tenant son "bloomer", on comprend parfaitement ce qui se passe dans sa tête et on croit entendre les phrases qu'elle ébauche en silence. De la fine dentelle.
RépondreSupprimerMerci d'avoir posté la fin de cette longue et exemplaire séquence de la patinoire qui est filmée avec une telle intelligence, une subtilité infinie!
Sinon, mais si, mais si : Vous avez forcément vu Glen Langan dans "Ambre" et "Dragonwyck" (le gentil c'était lui). A part ça, j'avoue, je ne vois pas. Mais il est sûrement apparu ailleurs. Cela dit, après avoir tenu dans ses bras Jeanne Crain, Linda Darnell et Gene Tierney, un homme peut aller se coucher heureux, s'pas?
Ce n'est pas pour faire de la pub mais vous trouverez "Cette Terre qui est mienne" et "Margie" sur LCDC, le coin du cinéphile.
RépondreSupprimerJoyeuses fêtes à tous !
Laurent Bauer
Le coin du cinéphile = caverne d'Ali Baba !
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