Transylvanie, 1462. Le comte Vlad Dracula, chevalier roumain, part en guerre contre les Turcs en laissant derrière lui sa femme Elisabeta. Cette dernière met fin à ses jours lorsqu'elle apprend la fausse nouvelle de la mort de son bien-aimé. Fou de douleur, Vlad Dracul renie l'Église et déclare vouloir venger la mort de sa princesse damnée à l'aide des pouvoirs obscurs, devenant ainsi un vampire sous le nom de Dracula. Quatre siècles plus tard, en 1897, Jonathan Harker, un jeune clerc de notaire, est envoyé en Transylvanie afin de succéder à son collègue Renfield, devenu fou, pour conclure la vente de l'Abbaye de Carfax à un mystérieux comte qui n'est autre que Dracula. Au moment de la signature finale de la vente, Dracula découvre un portrait de Mina, la fiancée de Harker, semblable en tous points à sa défunte épouse Elisabeta. Dracula décide d'aller la retrouver à Londres et se fait transporter sur le Demeter dans des caisses remplies de sa terre natale.
Cette flamboyante adaptation du roman de Bram Stoker signifiait
un retour en force pour Francis Ford Coppola après des années 80 difficiles. Le
réalisateur avait continué à y délivrer des œuvres passionnantes,, entre épure
formelle sophistiquée (le diptyque Rusty
James/Outsiders), pétages de plomb mégalo et expérimental dont
il a le secret (Coup de cœur) et œuvres
plus intimiste et sensible avec Peggy Sues’est mariée. Problème pratiquement tous ces films avaient été des échecs
cuisant au box-office (on peut y ajouter l’échec artistique également de Cotton Club) et le retour aux sources
raté du Parrain 3 (malgré de vraies belles fulgurances) n’avait pas redoré le
blason de Coppola au box-office. Dracula
sera donc le dernier vrai grand succès commercial du réalisateur tout en étant
un film aussi génial que discutable sur le plan artistique.
Le film pêche en fait par sa profonde schizophrénie. Les
costumes d'Eiko Ishioka (qui a œuvrée sur le Mishima de Paul Schrader et plus
récemment associée à Tarsem sur The Fall
et The Cell) sont d’une audace rares
(l’armure façon chair à vif écarlate au début) et se marient fort bien à l’apparat
gothique classique des décors de Thomas E. Sanders certes déjà vus mais d’un aboutissement
et raffinement impressionnant. La note d’intention de Coppola était de
transcender une inspiration issue du gothique des grandes heures de la Universal
mais aussi du fantastique poétique français avec La Belle et la Bête de Jean Cocteau. Coppola travaillant toujours
en famille aura cependant beaucoup délégué, notamment à son fils Roman ici
réalisateur de seconde équipe et qu’on pourrait presque qualifier de
réalisateur officieux.
Les influences de Roman Coppola sont toutes autres (se souvenir de sa seule réalisation
officielle le sympathique CQ hommage
au cinéma pop 60’s et notamment le Barbarella de Vadim) puisque lorgnant plus
vers le cinéma bis avec une esthétique très rococo au croisement des
productions Hammer et Mario Bava (on est même pas loin du Caligula de Tinto Brass lorsque les femmes vampires séduisent
Harker dans une scène à l’érotisation brûlante où on reconnaîtra une toute
jeune Monica Bellucci) jurant avec le classicisme revendique par Francis (Todd
Browning, James Whale). Tout cela
traduit la mainmise invisible de Roman Coppola et déteint sur l’ensemble du
film ne sachant choisir une direction claire sous dans toutes ses facettes.
Le romantisme le plus éclatant côtoie donc ainsi le
grotesque, le génie alterne avec le
franchement risible (le cocher de Dracula qui soulève Harker pour le mettre
dans sa voiture) parfois dans la même scène tel ce face à face entre un Harker
apeuré et Dracula ultra maniéré et provoquant plus les gloussements que l’effroi.
L'interprétation est du même ordre et sans juste milieu : Keanu Reeves est insipide en Jonathan Harker
(mais tout terne qu’il soit il est paradoxalement le plus juste face aux excès
des autres) tandis qu’Anthony Hopkins délivre un cabotinage honteux en Van
Helsing faisant le film dans la
pantalonnade. Le Dracula transformiste incarné par Gary Oldman est une
fausse bonne idée vu l’option romantique prononcée car difficile pour provoquer
l’empathie (humain/animal, jeune/vieux, amoureux/monstrueux qu'est il vraiment au fond ?) nécessaire à un personnage qui n’a pas d’image réellement définie.
Malgré
tout l'histoire d'amour est vraiment belle et cette orientation romanesque plus
marquée touche vraiment dès que Mina (Winona Ryder superbe) et Dracula (Gary
Oldman habité, quand on distingue ses trait en tout cas) sont réunis, que ce
soit la première rencontre au
cinématographe, le dîner romantique où la poignante scène où Mina s'abandonne à
Dracula et boit son sang. Coppola a vraiment réussi à faire de Dracula un
monstre et un personnage tragique à travers cette histoire et provoquer un
sentiment mitigé où l’on souhaite autant le voir périr pour ses exactions (les
débordements sanglants sont particulièrement réussis) que de retrouver Mina.
Dracula
est donc une œuvre très inégale mais captivante même dans ses défauts et de
toutes façon traversée de fabuleux moments de cinéma et porté par un score inoubliable de Wojciech Kilar C’est aussi le dernier
vrai bon film de Coppola avant son retour en grâce récent dans des œuvres plus
modestes car la suite des 90’s allait s’avérer sinistre (Jack, L’Idéaliste). Le
grand écart entre excès et classicisme manqué par Coppola ici serait par contre
brillamment réussit par Kenneth Branagh et son Frankenstein d'ailleurs produit par Coppola qui devait le réaliser au départ.
Sorti en dvd zone 2 français chez Sony
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