Trois jeunes femmes originaires de
Taiwan débarquent à Hong Kong avec la ferme intention de devenir
célèbre. Elles font la connaissance d’un jeune homme dans un bar avec
qui elles se lient d’amitié et partagent des moments d’intimité.
Jusqu’au jour où l’une d’entre elles est retrouvée morte. Un inspecteur
de police mène l’enquête et cherche à comprendre ce qui liait réellement
les quatre amis profondément affectés par la disparition de la jeune
femme.
Deuxième réalisation de Stanley Kwan,
Love Unto Waste
est un poignant récit intimiste qui annonce les grandes réussites à
venir du réalisateur dans une veine plus brute. Les deux grands chefs
d'œuvre de Stanley Kwan
Rouge et
Center Stage traitait des liens impossible à nouer par les individus soumis à un environnement oppressant et néfaste. Dans
Rouge
le clivage social empêche l'épanouissement amoureux du fils de bonne
famille joué par Leslie Cheung et la prostituée Anita Mui, la douleur de
la séparation se prolongeant dans le temps et l'au-delà.
Center Stage
relatait dans une forme hybride les tourments de la star de cinéma
chinoise Ruan Lingyu (jouée par Maggie Cheung) que la pression du
vedettariat allait pousser au suicide. Le cadre environnant et la
lâcheté masculine ordinaire était la cause de la perte de poignant
personnages féminins écorchés vif comme seul Stanley Kwan sait les
dépeindre. Tous ces élément sont présents dans ce
Love Unto Waste
mais par une stylisation moins marquée et un cadre contemporain dont
les questionnements s'avéraient en phase avec la jeunesse hongkongaise.
Le
film est divisé en deux parties similaires et distinctes à la fois où
l'on assistera à l'amitié et les chamboulements amoureux d'un groupe de
personnage stoppé par le spectre de la mort à chaque fois. La première
partie narre la rencontre entre Tony Cheung (Tony Leung Chiu Wai) jeune
fils à papa oisif et les trois amies Billie (Irene Wan) jeune mannequin
introvertie et mystérieuse, Suk Ping (Elaine Jin) aspirante actrice se
rêvant nouvelle Brigitte Lin et Su Ling (Tsai Chin) chanteuse de bar
dont la carrière n'a pas décollé.
Tous sont frustrés à leur manière
notamment Suk Ping et Su Ling ayant émigrées de Taiwan la tête pleine de
rêves et confrontés à la dure réalité tandis que Tony ne goute guère le
destin (et l'épouse) toute tracée promise par l'entreprise de vente de
riz de son père. La gravité du fond se mêle à une joie et insouciance
juvénile où se tisse le lien entre les protagonistes à travers des
moments légers et amusant (la première rencontre éméché dans le bar, la
soirée d'anniversaire) même si le marivaudage amoureux latent jette déjà
les bases des conflits venir. L'intrigue bascule avec la mort
inattendue de Su Ling dont l'assassinat fait faussement bifurquer le
film vers le policier.
Ce sera au contraire l'occasion
d'introduire une autre solitude plus pathétique encore avec l'inspecteur
incarné par Chow Yun Fat. L'insistance de ce dernier à se lier au trio
d'amis se moque des structures à la
Columbo
pour réellement insister sur la solitude de cette homme se raccrochant à
des êtres aussi perdus que lui qu'il a reconnu comme tel. Un profond
spleen traverse le film où le malaise introspectif provoque plus de
tristesse que les drames manifestes (dont un avortement) à travers le
renoncement que semble véhiculer les personnages.
Les fulgurances
passionnées sont magnifiquement filmées par Kwan (la scène d'amour sous
un torrent de riz, l'étreinte consolatrice entre Tony et Suk Ping) mais
ne débouche sur rien, les héros ne s'étant guéri que pour un temps mais
surtout plongée dans leur mélancolie égoïste. Tony Leung Chiu Wai tout
jeunot personnifie déjà les figures d’hommes faibles à venir à travers
cet homme indécis et papillonnant, tout comme Irene Wan trop distante.
La plus poignante est Suk Ping dont Elaine Jin délivre une prestation
passionnée et sincère, seule héroïne maintenant une flamme, une fois en
l'avenir professionnel et un futur amoureux mais la déception sera aussi
au rendez-vous. Belle découverte que cette actrice qui semble-t-il n'a
pas fait une grande carrière à Hong Kong par la suite.
L'épilogue est
d'une rare noirceur en dénouant toutes les attaches et montrant le
destin cruel de Chow Yun Fat (loin des grands héros virils à venir chez
John Woo et d'autres il est étonnant de fragilité et de retenue) dans
une ultime scène où l'image floutée tisse un des seuls moments de
confidences sincère tout en le figeant dans l'éphémère de cette
blancheur hospitalière mortelle. Beau film traversé d'un mal être urbain
où Hong Kong est un personnage à part entière. Le meilleur était
pourtant encore à venir pour Stanley Kwan dès l'année suivante avec
flamboyant
Rouge.
Sorti en dvd zone 2 français chez HK Vidéo dans un coffret réunissant Center Stage et Rouge déjà évoqué sur le blog.
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