L'histoire se déroule dans le Japon médiéval (ère Muromachi). Ashitaka, le prince de la tribu des Emishis, est frappé d'une malédiction après avoir tué un dieu sanglier devenu démon. La chamane du village le dit condamné à mourir et lui conseille de quitter le village afin d'aller chercher à l'ouest la cause de la colère de la nature et l'espoir de trouver la raison de sa malédiction. Il se retrouve mêlé à une guerre entre les esprits de la forêt, animaux gigantesques et doués de parole (auxquels il faut ajouter San, la princesse Mononoké élevée par la louve Moro), et Dame Eboshi, dirigeante du village des forges qui exploite la forêt…
Au moment de réaliser Princesse
Mononoké, Hayao Miyazaki pense signer là son ultime film et testament
cinématographique. Le réalisateur semble alors avoir relevé tous les défis
qu’il s’était fixé. En fondant le Studio Ghibli, il a su imposer une
structure lui laissant toute latitude créative et ayant imposé de nouveaux
standards de qualité dans le paysage de l’animation japonaise. Il y affinera son
art en sachant le faire évoluer d’une veine allant de l’épique (Nausicaa, Le Château dans le Ciel) à un intimisme sensible (Mon
voisin Totoro, Kiki la petite
sorcière) et une maturité et mélancolie plus adulte sur Porco Rosso (1992). La relève du studio
est également assurée par le brillant Yoshifumi Kondo qui s’est montré digne du
maître avec son merveilleux premier film Si tu tends l’oreille (1995).
Miyazaki semble ainsi avoir tout mis dans ce supposé dernier
film. On retrouve ici par le prisme de la grande épopée les grandes thématiques
de l’auteur comme l’écologie et plus précisément l’opposition entre nature et
modernité, la coexistence entre l’homme, son environnement et ses traditions.
Tous ces questionnements s’articulent dans un Japon médiéval et
mythologique où cohabitent encore douloureusement humains et Dieux. Dans ce qui est sans doute son film le plus
sombre, Miyazaki montre comme inéluctable l’opposition de ces deux forces.
Le
drame naît de la malédiction dont est victime le héros Ashitaka en défendant
son village d’un dieu sanglier devenu démon. La déité a ainsi muté après avoir
été blessée par balle et perdue la raison, renfermant toute sa rancœur et sa
haine des hommes dans la douloureuse blessure infligée à Ashitaka. En remontant
la piste de la bête qui a causé sa perte, il va découvrir à une échelle plus
vaste un conflit où chaque partie à des motifs justifiés dans son attitude.
D’un côté Dame Eboshi gère des forges qui font vivre tout un
village et dont l’extension nécessite une exploitation de plus en plus vaste
des ressources de la forêt. Voyant ainsi leur territoire se restreindre, leur
pouvoir s’amenuiser, les créatures et déités ancestrales livrent une guerre
sans merci à maîtresse des forges. Pour montrer l’aspect insoluble de cette
opposition, Miyazaki montre sous leur meilleur jour le quotidien humains et la
vie de la forêt. Son féminisme ressurgit à travers le personnage de Dame Eboshi
et la place accordée au femmes dans le fonctionnement de la forge, celle-ci
ayant accueillie et rassemblés les plus faible et démunis pour créer un cadre
solidaire et prospère qu’on découvre ici avec une chaleur palpable dans les vignettes
enjouées qui parcourent la description.
Quant à la forêt, la première traversée
par Ashitaka est un instant de magie pure où cette nature devient un personnage
à part entière grouillant de vie, de faune luxuriante et de créatures étranges
tel les sylvains guidant notre héros dans son trajet. Cette vision teintée de
religion animiste culmine avec l’apparition contemplative et hypnotique du Dieu Cerf dont
le regard doux et bienveillant semble réunir tout le salut et savoir contenu
par cette forêt à préserver.
Miyazaki délivre une version plus aboutie de son déjà
grandiose Nausicaa avec notamment à
nouveau une héroïne prise entre deux feux, ici avec San humaine élevée parmi
les loups et partagée entre ses sentiments pour Ashitaka et sa haine de Dame
Eboshi et ceux qui saccagent la forêt. Le souffle épique et la puissante solennité
dégagée par l’ensemble se trouve encore décuplée par la partition magistrale de
Joe Hisaishi qui délivre son score le plus abouti pour Miyazaki. Cette musique
illustre également le virage du réalisateur vers une imagerie plus baignée de culture japonaise qu’occidentale (ce que
confirmera Le Voyage de Chihiro à
venir), où les thèmes symphoniques majestueux se mêlent à des sonorités plus excentriques et bizarres
emprunts de la spiritualité véhiculée par le film.
Le final est à la fois résigné et teinté d’un mince espoir.
La cupidité des hommes et la violence incontrôlable des animaux (ce retour à l’état
animal stupide étant causée par la perte de ce patrimoine) ira jusqu’à toucher
le Dieu Cerf dans une conclusion destructrice et symbole de recommencement. L’ère
moderne et le temps des hommes est venu et désormais l’héritage des dieux n’a
plus sa place au sein d’une entité tangible mais nous entoure par cette nature
qu’il ne faut cesser de préserver.
Miyazaki rejoint là le John Boorman d’Excalibur dans sa réflexion (voir le
Tolkien du Seigneur des Anneaux on
connaît l’influence de la littérature et des mythes occidentaux chez Miyazaki
parfaitement assimilés), la magie est bien morte mais ne cesse pourtant de nous
entourer. La scission est pourtant inéluctable et consommée entre le monde des
hommes et celui des bêtes et le monde industriel naissant évoqué dans le film
ne cessera de s’étendre. Ce constat amer est tempéré par les touchants adieux
entre San et Ashitaka qui font néanmoins quitter cet univers sur une note
heureuse.
La mort inattendue du successeur annoncé Yoshifumi Kondo obligea finalement Miyazaki à revoir sa décision de retraite. Alors qu’il semblait avoir tout dit, il se renouvellerait miraculeusement loin du bruit et de la fureur de Princesse Mononoké en adoptant le point de vue d’une petite fille dans Le Voyage de Chihiro, le film de la reconnaissance internationale.
Sorti en dvd zone 2 chez Disney, notamment dans un très belle édition collector exclusive à la France mais peu être difficilement trouvable aujourd'hui.
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