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mercredi 25 septembre 2019

Hana et Alice mènent l’enquête - Hana to Arisu Satsujin Jiken, Shunji Iwai (2015)


Alice intègre un nouveau collège où circule une étrange rumeur concernant un meurtre commis un an plus tôt. La victime est un mystérieux "Judas". Une de ses camarades de classe et voisine, Hana, vit recluse chez elle. De nombreux commérages courent à son sujet, notamment le fait qu'elle connaîtrait des détails à propos de l'affaire "Judas". Un jour, Alice pénètre secrètement dans la maison de Hana mais celle-ci l'y attend déjà. Pourquoi Hana vit-elle isolée du monde ? Qui est Judas ? Alice décide de mener l'enquête et se lance dans une aventure qui lui fera découvrir une amitié sincère.

Shunji Iwai semblait avoir offert son ultime chronique adolescente avec le merveilleux Hana et Alice (2004) mais, dix ans plus tard, l’envie lui prend de revenir à l’univers d’un de ses films les plus radieux. Il s’agira d’un prequel qui racontera la rencontre entre les deux héroïnes, avec le choix singulier de le faire sous forme de film d’animation. Cette option élimine l’écueil de l’âge désormais adulte des actrices Yu Aoi (Alice) et Anne Suzuki (Hana) qui peuvent donc reprendre leur rôle par le doublage. Bien qu’il s’agisse de son premier essai dans l’animation, Shunji Iwai possède des aptitudes certaines pour le dessin, habitué qu’il est à croquer lui-même ses story-boards et surtout il avait dessiné à l’époque l’adaptation manga d’Hana et Alice.

Le film revient donc sur la période du collège des deux personnages (entrevue au tout début de premier film) traite de nouveau sous forme de chronique de la (con) quête d’un garçon. Hana et Alice nouait un triangle amoureux autour de la coquille vide d’un garçon amnésique que nos héroïnes nourrissaient d’une mémoire factice afin de s’attacher son cœur. Dans ce second film, le garçon est au contraire un fantôme, une chimère à poursuivre et dont le souvenir hante Hana et Alice soit par culpabilité, soit par goût du mystère. Alice nouvelle venue au collège s’y intègre rapidement et est mise au fait de la « disparation » d’un élève l’année précédente, la légende urbaine et les symboles folkloriques nourrissant l’imaginaire de l’établissement. Hana quant à elle vit recluse dans sa chambre depuis plus d’un an soit précisément le moment de la disparition du garçon, ce qui laisse à supposer que les deux évènements sont liés. L’intérêt purement curieux et amusé d’Alice et celui qu’on devine plus intime d’Hana vont ainsi se rencontrer dans une quête semée d’embûches pour avoir le fin mot de l’histoire.

Shunji Iwai utilise en partie la technique de la rotoscopie, qui consiste à d’abord filmer les acteurs en live puis redessiner sur eux l’allure de leur personnage puis ensuite d’y ajouter des éléments de décor. Cela va créer une vraie continuité avec le premier film et notamment en retrouvant la gestuelle singulière des deux adolescentes. On retrouve ainsi toutes les attitudes facétieuses et bondissantes de Yu Aoi en Alice, savant mélange de désinvolture et de grâce. Anne Suzuki renoue elle avec la raideur d’Hana, dissimulant sous les stratagèmes et la distance les émotions qui l’agitent. Les décors sont eux conçus en 3D CGI, une forme de photo réalisme (rapprochant parfois le film de Makoto Shinkai, de son côté très influencé par les films live de Shunji Iwai) des environnements se mariant avec la spontanéité du rendu crayonnés et saccadés de l’animation des personnages. Shunji Iwai s’en amuse en reprenant l’attitude nonchalante typique des adolescents (démarche le dos raide et traînant les pieds) les expressions cartoonesques et outrées des visages (déjà bien significatives dans le film live) et en amenant des mouvements de caméras juste ce qu’il faut de plus exagérés (la chute d’Alice dans les escaliers, la poursuite finale) par apport à ses effets de mise en scène habituels.

On est captivé par la capacité de ses héros juvéniles à façonner un imaginaire qui en sous-texte est là pour combler des maux qu’ils peuvent/savent pas exprimer, explicite pour Alice découvrant un nouvel environnement ou sous-jacent pour Hana et sa fuite du cadre du collège. Sous l’aspect enjoué, Iwai reprend d’ailleurs certains éléments sombres de ses autres chroniques adolescentes comme le ijime (harcèlement scolaire) au centre d’All about Lily Chou-Chou (2001) et qui sera ici résolu d’une manière aussi inventive que désopilante. Les personnages vulnérables de Shunji Iwai doivent toujours en passer par des chemins de traverse pour surmonter leurs failles et le réalisateur se plaît à décanter cela par une révélation, un rebondissement et/ou une rencontre inattendue. C’est ainsi qu’il nous cueillait dans les dix dernières minutes envoutantes d’April Story (1998) où toute la rêverie timide qui précédait trouvait tout à coup un sens - idem pour la conclusion de Love Letter (1995). 

Il en va de même ici où une situation cocasse débouche sur un poignant aveu en flashback (là encore élément déclencheur d’April Story) d’Hana et de retrouvaille qui vont enfin l’apaiser. C’est d’ailleurs amusant comme Iwai inverse la dynamique d’Hana et Alice où, tout en suivant Hana le déroulement et l’épilogue fait d’Alice la vraie héroïne. C’est l’opposé ici où les facéties d’Alice débouchent finalement sur un beau portrait d’Hana. Si le film peut être vu et apprécié sans connaître la version live, on y perd cependant toutes les belles réminiscences formelles qui en décuple le plaisir (le cours de danse, des environnements utilisés de façon différentes, les cadrages sur Alice alanguie dans le métro) et notamment la si iconique posture d’Hana et Alice en uniforme de collège devant un parterre de fleur. Sans égaler complètement la réussite de l’original, c’est un vrai bonheur de renouer avec cet univers et ses personnages, et une nouvelle preuve des talents multiples de Shunji Iwai. 

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez All the anime 

 

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