Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 27 octobre 2019

Oleg - Juris Kursietis (2019)

Oleg quitte la Lettonie pour Bruxelles, où il espère travailler contre un salaire décent. Trahi par un collègue, son expérience tourne court. Oleg est alors recueilli par un criminel polonais, avant de tomber sous son emprise mafieuse. 


Si le fantasme du « travailleur polonais » fut en son temps l’épouvantail agité par les anti-européens les plus primaires, Oleg vient nous montrer le cauchemar que peut être le quotidien de ses travailleurs détaché. Ce quatrième film du réalisateur letton Juris Kursietis nous montre ainsi la réalité méconnue de certaines de ses petites mains. On découvre ainsi une incongruité du système actuel avec la jeune génération de letton « apatride » puisque descendants de travailleurs letton déporté dans l’ancienne URSS pour travailler mais jamais naturalisés russe lorsque le bloc implosa dans les années 90. Il en résulte une incertitude identitaire pour les jeunes générations coincées entre deux mondes sans résolution officielle.

On en découvre les effets concrets avec le personnage-titre Oleg (Valentin Novopolskij) doté d’un passeport intermédiaire qui l’empêche de travailler où bon lui semble lorsqu’il viendra exercer sa profession de boucher en Belgique. Ce statut incertain va exposer notre héros à toutes les malveillances où un rien suffit à vous placer dans la précarité la plus totale. Ici cela fera tomber Oleg sous la coupe de l’imprévisible Andrzej (Dawid Ogrodnik), tyrannique patron qui exploite la vulnérabilité de ses travailleurs. Dawid Ogrodnik livre une prestation diablement inquiétante dans la peau de ce vrai pervers narcissique, caressant pour mieux frapper ses victimes réduites à l’état d’enfants sans défense (les parties de playstation démarrées ou brutalement interrompues déterminant la nature de son humeur et de la place de la victime dans la pyramide du pouvoir). 

Le vrai tour de force reste cependant cette caméra à l’épaule qui ne lâche pas Oleg d’une semelle, les déambulations sans but le ramenant constamment à son impitoyable tortionnaire. Le choix du format carré permet d’envahir l’écran du visage de plus en plus halluciné d’Oleg au moindre gros plan et de scruter méthodiquement le processus d’aliénation, domination et peur instauré par Andrzej. Il en va de même pour tous les personnages satellites dont la détresse s’imprègne en arrière-plan comme Malgosia (Anna Próchniak). L’espace de la maison est essentiel dans la description de cette chute dans l’abîme, Oleg passe d’une chambre à l’étage à la cave avant d’avoir expérimenté le canapé du salon, et cela est pire lorsqu’on est exclu du lieu avec l’avilissement de Malgosia. Ce monde extérieur oscille d’ailleurs entre la lâcheté de la police et l’égoïsme du quidam ordinaire.

Le réalisateur et sa scénariste Liga Celma-Kursiete se sont longuement documentés notamment auprès des victimes de ses méthodes mafieuses. Le film transpire donc le réel tout en se montrant à sa manière brute très stylisée (notamment les passages oniriques sous la glace soulignent l’enfermement du personnage) et aussi dans un tournage ayant beaucoup misé sur l’improvisation.  Une œuvre coup de poing. 

En salle 

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