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lundi 13 janvier 2020

L'Adieu - The Farewell, Lulu Wang (2020)

Lorsqu’ils apprennent que Nai Nai, leur grand-mère et mère tant aimée, est atteinte d’une maladie incurable, ses proches, selon la tradition chinoise, décident de lui cacher la vérité. Ils utilisent alors le mariage de son petit-fils comme prétexte à une réunion de famille pour partager tous ensemble ses derniers instants de bonheur. Pour sa petite fille, Billi, née en Chine mais élevée aux Etats-Unis, le mensonge est plus dur à respecter. Mais c’est aussi pour elle une chance de redécouvrir ses origines, et l’intensité des liens qui l’unissent à sa grand-mère.

L’Adieu est le second long-métrage de la réalisatrice sino-américaine Lulu Wang. En plein montage de son premier film Posthumous (2014), elle apprend que sa grand-mère résidant en Chine est atteinte d’un cancer en phase terminale. Les réactions opposées entre sa famille et elle quant à ce drame susciteront chez elle un profond questionnement qui conduira à l’écriture du scénario et la réalisation de L’Adieu, qui est donc une œuvre profondément autobiographique. 

Billi (la rappeuse et actrice Awkwafina, récompensée d’un Golden Globe il y a quelques jours) est donc le double de Lulu Wang, une jeune femme installée avec ses parents depuis ses 6 ans aux Etats-Unis mais demeurée proche de sa grand-mère Nai Nai (Zhao Shuzhen), restée en Chine. La triste nouvelle de sa maladie sera l’occasion d’un retour aux sources pour Billi mais également de l’illustration des différences culturelles entre Asie et Occident dans ce type de situation. La famille souhaite dissimuler le diagnostic à Nai Nai quand Billi est partisane de dire la vérité à l’intéressée. Cela s’amorce d’ailleurs dès l’annonce de la nouvelle aux Etats-Unis lorsque les parents de Billi ne lui avouent que contraints et ne souhaitent pas l’emmener en Chine par peur d’une réaction à fleur de peau toute « occidentale ».

L’aspect intéressant est l’absence de choix entre une forme de résilience asiatique et la franchise occidentale. Cela tient en la présence bienveillante et truculente de Nai Nai, symbolisant un socle paisible que l’on n’a pas envie de voir vaciller. D’un autre côté, Billi représente l’anxiété et l’indécision de celle ayant grandi entre deux mondes. Au fil du récit et de la redécouverte de sa famille et des traditions locales, Billi comprend ce point de vue et prend conscience des raisons de sa résistance initiale. Lulu Wang ravive ainsi de manière très impudique ce sentiment d’être déraciné, étranger dans sa terre d’origine comme celle d’adoption. Cela soulève la schizophrénie des secondes générations de migrants.

La volonté d’intégration se fit parfois au prix d’un déni parfois involontaire de leur personne, de leur culture, ce qui créera ce sentiment contradictoire d’être d’ici et d’ailleurs pour leurs enfants. Ce sont eux que représente Billi baignant dans les doux souvenirs d’une Chine dont elle fut arrachée si jeune, un cocon qui contraste avec la précarité de sa situation personnelle (la bourse qui lui a été refusée) et accentue ce sentiment d’insécurité. L’ancrage passé est amené à disparaître quand celui du présent est incertain, un ressenti que parvient à magnifiquement traduire Awkwafina.
Ce descriptif pourrait laisser croire que L’Adieu est un film grave et solennel alors que c’est précisément l’inverse. La complicité, les petites rancœurs et tout ce qui constitue les joies et les heurts des réunions familiales sont parfaitement capturés grâce à l’attachant casting. C’est vraiment par la justesse de cette observation de l’intime et de son universalité que le film échappe aux conventions et fait mouche.

En salle

 

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