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mardi 25 août 2020

Le Bateau phare - The Lightship, Jerzy Skolimowski (1985)


En 1955, sur un bateau-phare ancré au large des côtes américaines, 3 gangsters dirigés par le docteur Calvin Caspary menacent l'équipage du capitaine Miller dont le propre fils Alex a déjà eu affaire à la police.

Premier film américain de  Jerzy Skolimowski, Le Bateau phare s’inscrit dans la continuité de son opus précédent Le Succès à tout prix (1984) dont il reprend la thématique de la relation père/fils. C’est d’ailleurs durant la promotion de Le Succès à tout prix au Festival de Cannes que les producteurs ont l’idée de faire appel au réalisateur qui s’engage dans un des seuls films (adapté d’un roman de l'écrivain allemand Siegfried Lenz) dont il ne signe pas le scénario. Cela n’empêche pas Le Bateau phare d’être une œuvre éminemment personnelle pour Skolimowski. Tout comme dans Le Succès à tout prix, le rôle du fils est tenu par Michael Lyndon le propre fils de Skolimowski. Ce choix crée une continuité et un étrange mimétisme puisque Michael Lyndon ressemble énormément à son père jeune, ce dernier se mettant en scène dans ses premiers films à travers un alter-ego nommé Andrzej.

En faisant jouer son fils, Skolimowski à travers le postulat du film rejoue la relation complexe qu’il entretenait également avec son père. Dans le film Alex est un adolescent honteux et défiant envers son père le capitaine Miller (Klaus Maria Brandauer), coupable de lâcheté passée pour la communauté et son équipage, mais dont on ne connaîtra le détail que plus tard. Forcé de séjourner sur le bateau phare commandé par son père après une énième incartade, il assiste à l’intrusion de trois dangereux gangsters, ce qui va mettre à l’épreuve ce rapport père/fils. Le père de Skolimowski était un véritable héros en Pologne, chef de la Résistance  Varsovie qui fut emprisonné et déporté en camp de concentration où il mourut. Le réalisateur façonne donc une figure paternelle pesante pour sa descendance tout en en modifiant la dynamique. 

Quoi qu’il fasse, Skolimowski n’aurait jamais vraiment pu se montrer à la hauteur de ce père d’autant plus idéalisé que désormais absent. A l’inverse dans le film, Alex cherche à se démarquer de cet encombrant père par l’attitude. Ce sera d’abord par sa désinvolture et son insolence, puis quand le danger des gangsters menacera, par des velléités héroïque qu’il ne peut assumer à son jeune âge. Le tempérament conciliant et attentiste de son père cherchant à protéger son équipage est une preuve supplémentaire de sa lâcheté pour l’adolescent immature, et s’oppose à sa fougue et volonté d’en découdre. Par cette dualité illustre ainsi ce qu’est le vrai héroïsme à travers la métaphore que représente même le bateau phare.

Ce moyen de transport symbolisant le voyage, doit pour le bien collectif resté figé à la même place en mer pour servir de guide aux différents navires traversant la région. C’est un statut que ne comprend pas Caspary (Robert Duvall) chef des gangsters qui en fait le reproche moqueur à Miller durant un dialogue. Tout le récit façonne donc un affrontement entre l’immobilité, faussement synonyme de lâcheté et que représente Miller, et le mouvement que symbolise Caspary et ses sbires dont l’agitation perpétuelle met en lumière la nature violente, arriérée et infantile. Il est donc fort intéressant de voir Skolimowski mener en parallèle ces deux tonalités et vitesses contradictoires dans sa narration et mise en scène. 

La violence surgit dans des sursauts brutaux et imprévisibles (la mort de l’oiseau) quand des plages plus calmes s’affichent dans le visage stoïque de Miller, dans les plans d’ensemble du bateau seul en pleine mer. Tout à cette symbolique passionnante, le réalisateur néglige cependant un peu la notion de suspense. La tension ne s’instaure jamais complètement malgré la suavité menaçante de Robert Duvall, le huis-clos n’est pas suffisamment au cordeau et étouffant dans l’ensemble. Donc sur la foi de son synopsis il ne faut pas forcément venir chercher un thriller avec Le Bateau phare sous peine d’être un peu déçu, mais surtout une belle étude de caractères. 

Sorti en bluray chez L'Atelier d'image

1 commentaire:

  1. Revu il y a quelques mois,ce bateau-phare est quand même bien décevant en effet.

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