Quelques adolescents, enfants
d'ouvriers et élèves d'une classe de terminale, traînent leur ennui dans
la ville de Lens, sinistrée par le chômage. Ils se retrouvent
régulièrement chez Caron, le café du coin, pour échapper à leurs parents
qui, à peine plus épanouis qu'eux, n'ont que quatre mots à la bouche :
«Passe ton bac d'abord». Mais eux savent bien qu'ils sont promis au
chômage, aux amours illusoires et aux fuites impossibles...
Maurice Pialat n'avait guère fait fructifier le premier succès de sa carrière Nous ne vieillirons pas ensemble (1972) qu'il enchaîna avec le très âpre et difficile d'accès La Gueule ouverte (1974). L'échec cuisant de ce film le contraindra à rester quatre ans sans tourner mais la réussite de Passe ton bac d'abord
initiera réellement un nouveau cycle créatif qu'il l'installera
définitivement dans le paysage cinématographique français. Le film
semble former une vraie trilogie avec Loulou (1980) et À nos amours (1983), donnant le sentiment de retrouver le même type de personnages dans des
cadres et à des âges différents (le marginal sans but que joue Depardieu
pourrait très bien être un des personnages de Passe ton bac
à l'âge adulte et exilé à Paris) ou encore de creuser plus profondément
le sillon de ce premier film (là encore Sandrine Bonnaire en
adolescente rebelle semble un prolongement plus fouillé de Sabine
Haudepin dans Passe ton bac d'abord).
Pialat tout en capturant une forme d'errance au quotidien construira
néanmoins les deux films suivant dans de progression dramatiques
construites alors que Passe ton bac d'abord s'inscrit bien plus en creux.
On
y suit tout au long d'une année scolaire différentes tranches de vie
d'un groupe d'amis en classe de terminale. Il faudra pourtant attendre
la dernière scène pour apercevoir une salle de classe, le reste du film
nous promenant dans une errance sans but où tout semble joué pour ces
adolescents issus de la classe ouvrière. Dès lors l'ensemble du récit
repose sur l'éphémère et le renoncement, tout n'étant qu'une attente
ténue avant une vie forcément ennuyeuse et sans but dans la grisaille
lensoise. Les amours se partagent ainsi entre étreintes et conquêtes
fugaces (le séducteur en herbe Bernard) ou engagement trop précoce (ces
deux jeunes mariés amenés à se déchirer), le tout symbolisé par
Elisabeth (Sabine Haudepin) passant d'une sexualité débridée à une
monogamie tout aussi austère. Les parents sont sans réponses ni
solutions pour nos jeunes paumés, le renoncement, la morale et même
l'hystérie des aînés (les figures de parents annoncent toutes en ébauche
ceux de À nos amours)
n'incitant guère à grandir vu l'horizon morose.
Les autres figures
d'adultes représentent deux spectres tout aussi vains avec le patron
concupiscent amateur de jeune fille et le professeur de philosophie (où
l'on devine aussi une attirance plus intéressée) incapable d'éveiller la
flamme du savoir chez nos adolescents apathique. Les personnages
cherchent un ailleurs plus exaltant qui ne dépassera pas les murs du bar
Caron où ils se réunissent, la réalité les rattrapant chacun peu à peu
avec des emplois de caissière ennuyeux, des grossesses et mariages les
installant dans une vie rangée avant d'avoir réellement vécus.
Pialat
capture leurs émotions contrariées sur le vif, l'insouciance de
l'instant dévoilant une gravité et une peur de l'avenir qui s'exprime en
sourdine à travers les dialogues et situations. Les échappatoires reste
flous (le départ final pour Paris) et superficiels (la proposition fort
douteuse de séance photo pour une des jeunes filles), l'angoisse
latente restant le sentiment dominant. Même si très rattaché au contexte
de l'époque (la libération sexuelle est passée par là avec ce père
observant sans ciller la coucherie de sa fille dans le jardin) et de
cette région du nord, Pialat parvient à rendre ces angoisses
existentielles universelles.
Sorti en dvd zone 2 français chez Gaumont
Tótem (2024) de Lila Avilés
Il y a 48 minutes
Je crois que je vais essayer de voir ce film, surtout que "A Nos Amours" est jusqu'ici mon film préféré de Pialat, merci pour cette chronique Justin. L'enchainement avec "Dernier Domicile Connu" c'est une liaison mentale avec "Nous ne vieillirons pas ensemble" (cf: Marlène Jobert) ??
RépondreSupprimerAh oui, j'ai beau le répéter mais on me le demande quand même à chaque message: je ne suis pas un robot (c'est juré) !!
RépondreSupprimer==> variante du fameux 'cri' dans "Le Prisonnier" : je ne suis pas un numéro !!
Ha ha.
Et sinon simple hasard de visionnage pour l'enchaînement Pialat/ José Giovanni ^^. Tu peux foncer c'est vraiment la matrice de A nos amours et Loulou tu devrais apprécier je pense.
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