Au XXIVe siècle, une
fédération musclée fait régner sur la Terre l'ordre et la vertu, exhortant sans
relâche la jeunesse à la lutte, au devoir, à l'abnégation et au sacrifice de
soi. Mais aux confins de la galaxie, une armée d'arachnides se dresse contre l'espèce
humaine et ces insectes géants rasent en quelques secondes la ville de
Buenos-Aires. Cinq jeunes gens, cinq volontaires à peine sortis du lycée,
pleins d'ardeurs et de courage, partent en mission dans l'espace pour combattre
les envahisseurs. Ils sont loin de se douter de ce qui les attend.
Basic Instinct (1991)
avait beau avoir été le plus gros succès américain de Paul Verhoeven, le retour
à la science-fiction spectaculaire de Starship
Troopers sembla rassurer l’industrie hollywoodienne qui lui accorda des moyens
colossaux. L’aura sulfureuse de son thriller érotico hitchcockien avait autant
créé la controverse que son triomphe mais avec Showgirls (1995), Verhoeven était définitivement allé trop loin
dans la provocation. Retrouvant l’outrance sexuelle et la veine sociale de sa
période hollandaise, Verhoeven y revisitait le Eve de Mankiewicz dans le monde du strip-tease et la ville de tous
les excès, Las Vegas. Après cet échec cuisant Starship Troopers semble donc un succès assuré dans le registre le
plus bankable du « hollandais violent" à Hollywood (après Total Recall (1990) et Robocop (1987)) mais s’avérera son film
le plus provocateur.
Starship Troopers
réunit une grande part de la dream team de Robocop.
Paul Verhoeven bien sûr, mais aussi le scénariste Ed Neumeier et le producteur Jon Davison qui supervisa le
film au sein de la compagnie Orion. Dès 1992, Neumeier lance à Verhoeven l’idée
d’un film de SF dépeignant la guerre entre des aliens arachnides et la race
humaine. Un sujet proche du roman Étoiles,
garde-à-vous ! de Robert Heinlein publié en 1959 et dont Jon Davison acquiert les
droits. L’ouvrage se caractérisait par ses penchants militaires exacerbés, sa
célébration de l’uniforme mais également
un anticommunisme symbolisé par la société collective et la pensée
uniforme des ennemis arachnides. Verhoeven et Neumeier vont précisément s’appuyer
sur ce penchant du roman pour mieux le détourner. Le film (respectant dans les
grandes lignes la trame du roman avec une place plus grande accordée aux
batailles) fonctionne donc comme un immense tract de propagande filmée incitant
à s’engager dans l’armée après avoir assisté aux trépidantes aventures de son
trio de héros.
L’intrigue fonctionne dans une pure logique de soap opéra, le casting
de jeunes premiers aux physiques parfait en étant d’ailleurs pour la plupart
issu. Fraîchement sorti du lycée, Johnny Rico (Casper Van Dien) s’engage ainsi
dans l’infanterie pour les beaux yeux de Carmen (Denise Richards) aspirante pilote tandis que leur
ami surdoué Carl (Neil Patrick Harris) intègre lui le renseignement. La supériorité du soldat et la
célébration de l’usage de la force armée définit cette société comme le
démontrera une scène de classe en début de film. Le professeur (Michael
Ironside) y explique le statut de citoyen supérieur du civil ayant fait ses
classes et y vante les conflits résolus par la brutalité comme Hiroshima. Nos
personnages n’ont que faire de ces réflexions, aspirant avant tout aux
sensations fortes pour n’apprécier et comprendre la « sagesse » de
cet univers au fil de leurs aventures.
On retrouve le style frondeur de Robocop ici, avec une multitude de spots publicitaires assénant et
introduisant la pensée belliqueuse dans l’esprit des concitoyens. Comme souvent chez Verhoeven, tout est affaire d'illusion et manipulation, que ce soit par la religion (La Chair et le sang), le rêve (Total Recall) ou le sexe (Basic Intinct). Si Robocop était le reflet du cynisme et de
la superficialité capitaliste des années 80, Starship Troopers anticipe avec génie tout le martèlement religieux
et guerrier de l’administration Bush afin de convaincre l’opinion américaine du
bien-fondé de l’invasion irakienne. Il est d’ailleurs suggéré dans le film que
la première attaque ayant provoqué cette guerre est du fait des humains,
cherchant à exploiter les ressources des arachnides. Ce serait d’ailleurs le
seul vrai défaut du film, le message et la distance ironique parasitant l’implication
en nous laissant sans référent véritable alors que Murphy/Robocop suscitait une
vraie empathie, seul vrai humain malgré sa cuirasse au sein d’une nuée de
pantins cupides.
Le film ne se suit pas non plus au second degré et constitue
un vrai grand spectacle guerrier et d’aventures. Seulement le curseur est
toujours poussé un peu trop loin dans la violence (l’entraînement militaire
féroce faisant passer le début de Full
Metal Jacket (1987) pour une colonie de vacances) et les personnages
unidimensionnels. Fils de militaire, Casper Van Dien trouve le rôle de sa vie
avec ce Johnny Rico aux mâchoires carrée incarné avec une candeur virile de
tous les instants. Denise Richards en ambitieuse prête à tout abandonner pour
sa carrière ne suscitera guère d’empathie, au contraire d’une Dina Meyer très
attachante en amoureuse éconduite et le sort tragique de son personnage est le
seul vrai moment d’émotion sincère tout au long du film.
La superficialité assumée et la distance du brûlot s’oublie
par contre totalement lors des extraordinaires morceaux de bravoures du film.
Verhoeven reprend à son compte l’imagerie des films de guerre des années 40,
les arachnides acquérant une même aura abstraite et inhumaine que les japonais
d’un Aventures en Birmanie (1945). Ce
sont des êtres féroces et à l’intelligence primitive n’existant que pour nous
tuer dans d’atroces souffrances (décapitations, déchiquètements et
démembrements à pelle où Verhoeven laisse éclater son sadisme légendaire), et
qu’il faut donc trucider avec une hargne tout aussi prononcée. La nature autre
de l’ennemi autorise également tous les débordements, que ce soit les tortures
entraperçues dans les spots télévisés ou une certaine jouissance à vider son
chargeur sur un arachnide pourtant bien mort. Phil Tippet, ancien maître de la
stop-motion (l’ED-209 de Robocop) s’était
réinventé après l’avènement des effets numériques de Jurassic Park et crée des
créatures parmi les plus terrifiantes du cinéma de science-fiction.
Véloces,
grouillantes et au bestiaire varié (la première apparition d’une sorte de
cancrelat gigantesque est fabuleuse), les aliens n’en demeure pas moins de purs
êtres organiques dont le script de Neumeier entoure de mystère tout en
dévoilant l’organisation. La maestria filmique de Verhoeven fait le reste,
alternant confusion apocalyptique (le guet-apens nocturne sur la planète
Klendathu), tradition du film de guerre (la campagne exaltée en plein désert
brûlant) et imagerie de western avec un étourdissant siège façon Fort Alamo. Le
spectacle demeure tout aussi stupéfiant aujourd’hui, autant dans la qualité des
effets que dans l’exécution qui humilie tous les dispendieux et chiches
blockbusters actuels. N'oublions pas un score martial tonitruant d'un Basil Poledouris au sommet de son art.
Profitant de la confusion régnant au sein du studio Sony
et de la valse des patrons d’alors, Verhoeven aura eu toute latitude pour
tourner ce récit iconoclaste sans qu’aucun exécutif ni même la censure de la
MPAA (si ce ne sont pas des humains aucun problème à montrer un festival de
morts sauvages) ne viennent perturber sa vision. Les problèmes n’interviendront
qu’à la sortie où la critique américaine passera totalement à côté du film en
le qualifiant de nazi (l’apparition de Neil Patrick Harris en imperméable
simili SS à la fin). Le succès sera ainsi très mitigé, autant au niveau du
box-office que des récompenses techniques (une nomination aux Oscars des
meilleurs effets spéciaux perdue face à un Titanic moins abouti même si
impressionnant) et ôtera toute liberté de manœuvre à Verhoeven forcé de quitter
les Etats-Unis après un décevant Hollow
Man (2000). Grand film dont la provocation et la démesure demeurent
intacts.
Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Sony
Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Sony
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