Sans doute un peu vite proclamé maître contemporain du
cinéma fantastique, Guillermo Del Toro montre une fois de plus ses limites avec
ce nouvel opus. Le réalisateur souffre d’un énorme problème : trop de
personnalité pour être un faiseur très doué, mais pas assez de choses à dire
pour véritablement être considéré comme un auteur. Le propos naïf et la
lourdeur de ses œuvres les plus personnelles (L’échine du diable (2001), Le
Labyrinthe de Pan (2006)) se dispute à la l’efficacité euphorisante de ses
purs divertissement (le génial Blade 2
(2002) et l’efficace Hellboy (2004))
et quand il cherche à croiser les deux (Hellboy
2 (2008), Pacific Rim (2013)) il
s’égare totalement. L’énorme culture et la profonde sensibilité artistique de
Del Toro ne s’épanouit donc réellement qu’en reposant sur un matériau solide (l’univers
du premier film Blade (1998) qu’il
enrichit considérablement et la superbe illustration qu’il donne du comic de
Mike Mignola dans Hellboy) tourne à
vide dans ses films « d’auteur ». Crimson
Peak en est malheureusement l’illustration avec un train fantôme d’une rare
lourdeur.
Del Toro tente de ressusciter la tradition du film gothique
avec ici pour influence les films de la Hammer mais aussi les classiques de
Mario Bava (Le Corps et le fouet, Les Trois visages de la peur, Opération peur…) sur une trame plutôt
dans l’esprit littéraire anglo-saxon (Rebecca, Jane Eyre, Les Hauts de Hurlevent…). Malgré la direction artistique impressionnante, l’imagerie est tellement
stylisée et chichiteuse visuellement que cela finit par faire toc par effet
d'empilement où le réalisateur a casé tous ce qu’il aimait dans les influences
précitées mais sans finesse. Cela ne compense pas une intrigue cousue de fil
blanc pour l’amateur du genre (la véritable nature du personnage de Jessica
Chastain éventé dès sa première apparition) et qui un comble est nettement plus
intéressante dans sa première partie (intrigue de mœurs dans la veine du Temps de L’innocence) et dénué de
surnaturel.
Dès l’arrivée au manoir le melting-pot de références parasite donc
aussi le récit, provoquant l'ennui poli puis le franc agacement sur la dernière
partie grand guignol expédiée. Jessica Chastain survoltée et Tom Hiddleston en
amoureux tragiques amènent un peu de vie malgré les clichés que véhiculent leur
personnages (car restant en surface de ce lien scandaleux Del Toro ayant
toujours été timoré dans le registre sensuel pourtant essentiel au récit
gothique) tandis que Mia Wasikowska ne
dépasse jamais celui de jeune femme en détresse.
Malgré le brio de la mise en
scène (et de vraies belles idées comme ce manoir reposant sur une mine d’argile
rouge) c'est vraiment une coquille vide où Del Toro n'amène sa personnalité que
par un apparat superficiel. Il rate ainsi tout ce qu'avait réussi Alejandro Amenabar
avec Les Autres (2001)
bien plus équilibré, à la vraie montée en puissance horrifique
(quand au bout de 5 minutes Del Toro en a déjà étalé partout en vain avec ces
fantômes inutiles à l’intrigue et dont la présence aurait gagnée à être plus ambiguë)
et bien plus subtil dans son côté référencé (la seule force émotionnelle de
l'histoire faisait marcher un twist venant pourtant juste après Sixième Sens) qui lui faisait
égaler les grands classiques du genre. Là malheureusement comme dans Pacific Rim Del Toro semble
s'amuser tout seul avec ses jouets, laissant le spectateur à l’écart.
En salle
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