Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 28 mai 2023

Following - Christopher Nolan (1998)


 Bill est un jeune écrivain qui, par curiosité, prend des inconnus en filature dans les rues de Londres. Ses maladresses et son manque de rigueur lorsqu'il cherche à trop s'approcher de ses sujets le conduisent à être repéré et à être lui-même suivi par Cobb, un cambrioleur psychopathe, sophistiqué et risque-tout. Cobb persuade peu à peu Bill de sauter le pas entre filer et entrer par effraction dans les maisons des personnes qu'il suit.

Premier long-métrage de Christopher Nolan, Following est une œuvre recélant déjà tous les motifs du réalisateur. Passionné très tôt de cinéma, Nolan s’exerce dès l’adolescence à la réalisation de court-métrage en 8 mm, et poursuivra des études de littérature à l’University College de Londres, tout en profitant du matériel (caméra 16 mm, banc de montage, pellicule) pour se former et signer d’autres court-métrages sur son temps libre. Ses études terminées, il végète en réalisant des vidéos d’entreprises, tout en voyant les portes se fermer dans le financement des scénarios qu’il propose. Il va donc prendre les choses en main en réalisant Following à l’économie (un budget d’à peine 3000 livres) sur un tournage qui va s’étaler sur un an chaque week-end. Cette production à l’économie va inaugurer la maniaquerie dont il ne se départira pas dans les blockbusters à venir, par exemple en faisant de rigoureuses répétitions en amont avec ses comédiens afin qu’ils bons dès les premières prises et permettent ainsi d’économiser de la pellicule.

La force de Nolan, c’est de plaquer un « high-concept » sur des genres emblématiques qu’il va soumettre à ses obsessions. Inception (2010) est un film de casse auquel s’applique un argument de SF, Dunkerque (2016) un film de guerre dépeignant une grande bataille selon une narration déconstruite, la trilogie Batman (2005, 2008, 2012) des films de super-héros situés dans un environnement réaliste. Following ne fait pas exception puisque s’avérant un film noir assumant ses archétypes (manipulations, femme fatale) tout en étant porté par ce fameux « high-concept » qui le démarque du tout-venant. Bill (Jeremy Theobald) est un aspirant écrivain sans but qui va chercher l’inspiration dans une curieuse occupation, suivre des inconnus dans la rue. Dérogeant assez vite aux règles rigoureuses qu’il s’est imposé dans cet exercice, il va être repéré par l’un d’entre eux, le charismatique Cobb (Alex Haw) qui va l’initier à un « jeu » plus périlleux encore, faire suivre la filature du cambriolage des appartements des quidams dont on aura observé le quotidien.

Le bagout de Cobb, le petit frisson de danger des cambriolages et la matière littéraire de chaque larcin (et autant d’intérieurs et personnalités différentes à analyser chez les victimes) grisent rapidement notre héros qui ne voit pas l’implacable piège se refermer sur lui. Nolan complexifie ce beau postulat en introduisant la narration fragmentée à venir de ses films (et plus particulièrement Memento (2000)) avec plusieurs niveaux temporels de récits dont les indices nous guident vers le grand retournement final (là un motif plus spécifique à Le Prestige (2006)). L’allure vestimentaire, la coupe de cheveux et la nature de sa relation avec Cobb (amitié dominant/dominé puis rupture consommée) nous permet de faire la différence entre ces temporalités. 

La maîtrise du montage alterné pour créer une dynamique surprenante et captivante dans cette narration brille déjà à l’état brut, avant les cathédrales narratives virtuoses de Inception, Interstellar (2014), Dunkerque et Tenet (2020). Le travail sur le sound-design qui contribuera au ton de ses films (notamment son travail avec le compositeur Hans Zimmer) est déjà repérable dans la bande-originale de David Julyan qui recherche l’exploration d’une atmosphère mystérieuse ou d’un sentiment de confusion à travers ses compositions, mais pas réellement un thème ou une mélodie marquée. 

L’essai est assez brillant et, à la manière de Memento (ou d’un Pulp Fiction (1994) pour comparer avec un autre genre de narration éclatée), tout l’intérêt du film tient à cette construction très originale (même si un montage chronologique de Memento existe en bonus du dvd) où tout se prête à servir les grands thèmes de Nolan. La froideur et le sentiment de maîtrise des personnages est bousculé par leurs sentiments, qui en fait les artisans de leur réussite ou de leur perte. Tout comme dans ses meilleurs films à venir, Nolan parvient, à une moindre échelle certes, à dépasser l’exercice de style et la grande horlogerie implacable pour rendre le tout incarné et touchant, notamment grâce à une interprétation sans faille (on peut même regretter de ne pas avoir revu ou si peu ensuite les comédiens amateurs mais très charismatiques Jeremy Theobald et Alex Haw). Un beau et prometteur galop d’essai qui emmènera Nolan loin de la grisaille anglaise et vers les sirènes d'Hollywood dès le film suivant.

Sorti en dvd zone 2 français chez Film Office

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