La planète Terre se
meurt par trop de pollution et de gaspillage des ressources naturelles. Cooper
est un ancien de la Nasa. Veuf et soucieux de l'environnement, il essaie de
mener une vie normale auprès de ses enfants à la campagne. Pendant ce temps, les
autorités ont découvert un tunnel cosmique qui permettrait de trouver une
nouvelle planète, susceptible d'accueillir les humains. Cooper doit laisser sa
famille et prendre les commandes d'une navette. Dans ce voyage périlleux en
dehors de la galaxie, il est accompagné par deux autres explorateurs, Brand et
Doyle.
La cultissime fin ouverte d’Inception (2010) et sa toupie à la rotation incertaine avait ouvert
la brèche. Christopher Nolan, maître des architectures narratives complexes, ne
s’aventurant dans les mondes de l’imaginaire que pour mieux les rationaliser –
l’artifice expliqué du final de Le
Prestige (2006), Batman et son arsenal militaire dans la trilogie Batman Begins (2005), The Dark Knight (2008) et The Dark Knight Rises et même les rêves
ramenés à une manipulation à la Mission :
Impossible dans Inception –
esquivait l’enchâssement géométrique parfait qui le caractérise pour laisser
place à l’incertitude, et donc à l’émotion. S’abandonner à cette émotion était
jusque-là synonyme de dérèglement mental chez Nolan, que ce soit la
vengeance éternelle du héros de Memento
(2000), Marion Cotillard ne distinguant plus la réalité dans Inception ainsi que les agents/victimes
du chaos de The Dark Knight avec le
Joker et Double-Face.
L’émotion à fleur de peau et la rigueur scientifique se
croisent ainsi dans l’épopée SF d’Interstellar
pour un Christopher Nolan enfin prêt à se mettre à nu. Au départ destiné à
Steven Spielberg, le script du projet est confié à Jonathan Nolan qui en
échange quelques idées avec son frère Christopher dont il ressent le vif
intérêt pour le sujet. Lorsque Spielberg se désiste Christopher Nolan saute sur
l’occasion, unissant la Paramount et Warner à la production en réécrivant
entièrement le script avec Jonathan. Contre toute attente, la première mouture
avec Spielberg était plus sombre et spectaculaire tandis que l’habituellement
cérébral Nolan va y intégrer cette candeur et suspension dont le réalisateur d’E.T.
n’est plus totalement capable aujourd’hui.
Dans un Terre tarie de ses
ressources et plongée dans une poussière permanente, le rêve a laissé place à
la seule survie, le génie au sens pratique, le visionnaire au quotidien terne
au point de renier les exploits scientifiques passés – les livres scolaires
faisant des missions Apollo une supercherie. Ce constat, Cooper (Matthew
McConaughey), ancien de la NASA, n’a jamais pu l’accepter et seule sa fille
Murphy (Mackenzie Foy) semble partager sa curiosité. Des mystérieux signaux
vont pourtant guider Cooper et Murphy vers une mission secrète de la NASA
visant à explorer de nouveaux mondes possibles pour l’humanité avant l’extinction
de la Terre. La séparation est déchirante et inéluctable mais Cooper promet à
sa fille de revenir de son voyage, quoiqu’il en coûte.
Christopher Nolan part d’une base scientifique méticuleuse
pour dépeindre son épopée, ne cédant pas au futurisme facile tant dans sa
vision de la Terre agonisante (ramenant l’homme au fermier ordinaire que dans
celles des engins spatiaux demeurant dans l’esthétique contemporaine associée
aux dernières avancées de la NASA. La mise scène s’inspire grandement du
classique L'Étoffe des héros (1983)
de Philip Kaufman, où le spectaculaire ne se départit jamais de cette approches
réaliste. Hormis quelques plans d’ensemble où l’on n’aura pas ressenti un tel vertige de l’immensité spatiale depuis le 2001
(1968) de Stanley Kubrick, le réalisateur s’accroche au point de vue humain
durant les scènes d’explorations et les différents morceaux de bravoure, la
caméra littéralement agrippée à la carlingue du vaisseau.
Ce choix se
concrétise avec un usage minimum des effets numériques qui ne servent qu’à
amplifier une logistique essentiellement « en dur », y compris le
vertigineux final. Les principes du trou noir permettant de passer dans l’autre
galaxie où se trouvent les potentielles planètes hôte partent également des
travaux du physicien Kip Thorne. La forme, les préceptes et les effets de ce
trou noir sont ainsi un habile mélange de connaissance et de suppositions
scientifiques que Christopher Nolan plie à la dramaturgie de son récit, plus
spécifiquement la notion tangente du temps. Tout comme dans Inception la nature ordinaire des rêves
visités n’en rendait que plus stupéfiantes les irruptions folles du
subconscient, Nolan dans sa vulgarisation scientifique nous emmène vers un
extraordinaire qui n’en sera que plus tétanisant.
Dès les premières scènes, ce questionnement entre sentiments
humain et rigueur scientifique s’entrecroisent et s’opposent. C’est une gravité
altérée qui fera office de signal et de guide vers la mission pour Cooper et
Murphy, car comme le soulignera un dialogue seule cette gravité peut s’affranchir
de temps et d’espace. Pourtant lors du moment fatidique de choisir entre la visite
de deux planètes, Amelia Brand (Anne Hathaway) privilégie l’une d’entre elles
car s’y trouve l’homme dont elle est amoureuse. L’autre notion capable
également de s’échapper aux notions de mesures classiques est bien plus
irrationnelle, c’est l’amour. Nos voyageurs stellaires ne s’accorderont jamais
tout à fait au même moment dans ce qui les anime.
Cooper n’a que le retour et
revoir sa famille en tête lorsqu’ils seront piégés sur une dangereuse planète à
la marée éternelle quand Amelia privilégie la mission quitte à les mettre en
danger. A l’inverse la froide logique et la rancœur de Cooper détermine la
visite d’une planète glacière inhospitalière alors que Brand était appelée par
ses sentiments. Aux antipodes l’un de l’autre, deux protagoniste symbolisent
cette dichotomie. En privilégiant la survie de l’espèce plus que tout, le
professeur Brand (Michael Caine) condamne arbitrairement la Terre quant à l’inverse,
le Docteur Mann (Matt Damon dans un rôle jumeau de Seul sur Mars (2015)) confronté à l’immense solitude stellaire
cause tout autant la perte de l’Homme par pur égoïsme.
D’un bout à l’autre de la galaxie se joue pourtant une
réconciliation sur lequel repose le salut de l’humanité. La rancœur et le
sentiment d’abandon de Murphy (Jessica Chastain) se conjugue à la culpabilité
de Cooper, le voyage stellaire patine et les décennies s’écoule sur Terre où la
fillette devient femme. Christopher Nolan bouleverse en faisant mesurer l’écart
de distance et temps par écran interposé, la réponse ou son absence brisant le cœur
des personnages. La Terre ne peut être sauvée qu’en renouant le dialogue entre
le père et la fille, et cela passe par cette fameuse harmonie entre le cœur et
la science. C’est finalement aussi le cheminement de Nolan le cartésien, le
maître du labyrinthe, vers le mélodrame réclamant un abandon et une mécanique
moins huilée au service de l’émotion.
La résolution a beau enchâsser
parfaitement les mécanismes de l’intrigue, elle repose sur principe si
aventureux et abstrait que seule la force de cet amour filial permet de l’accepter,
de le comprendre et en fait de le souhaiter. Nolan pousse à leur paroxysme ses tentatives de montage alterné du Prestige, The Dark Night et surtout Inception aux temporalités et niveaux de réalité différents dans Interstellar, plus seulement au service d'une virtuosité narrative ou de suspense mais pour un climax émotionnel puissant. L’hypothétique bienfaiteur céleste
guidant les évènements n’est rien d’autre que cette force de l’âme humaine
capable de plier le temps et l’espace. Le score fabuleux de Hans Zimmer capture
à la fois l’ambition et l’intimisme du sujet par sa grandiloquence (les
envolées d’orgues sur les scènes spatiales décuplent la force évocatrice des
images) habitée et presque religieuse. Après un poignant épilogue en forme de
retrouvaille, Christopher Nolan fait dépasser à l’Homme ce statut de survivant
où il était engoncé pour lui redonner ses ailes de conquérant avec l’envol
final de Cooper.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Warner
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