Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 25 décembre 2016

Interstellar - Christopher Nolan (2014)

La planète Terre se meurt par trop de pollution et de gaspillage des ressources naturelles. Cooper est un ancien de la Nasa. Veuf et soucieux de l'environnement, il essaie de mener une vie normale auprès de ses enfants à la campagne. Pendant ce temps, les autorités ont découvert un tunnel cosmique qui permettrait de trouver une nouvelle planète, susceptible d'accueillir les humains. Cooper doit laisser sa famille et prendre les commandes d'une navette. Dans ce voyage périlleux en dehors de la galaxie, il est accompagné par deux autres explorateurs, Brand et Doyle.

La cultissime fin ouverte d’Inception (2010) et sa toupie à la rotation incertaine avait ouvert la brèche. Christopher Nolan, maître des architectures narratives complexes, ne s’aventurant dans les mondes de l’imaginaire que pour mieux les rationaliser – l’artifice expliqué du final de Le Prestige (2006), Batman et son arsenal militaire dans la trilogie Batman Begins (2005), The Dark Knight (2008) et The Dark Knight Rises et même les rêves ramenés à une manipulation à la Mission : Impossible dans Inception – esquivait l’enchâssement géométrique parfait qui le caractérise pour laisser place à l’incertitude, et donc à l’émotion. S’abandonner à cette émotion était jusque-là synonyme de dérèglement mental chez Nolan, que ce soit la vengeance éternelle du héros de Memento (2000), Marion Cotillard ne distinguant plus la réalité dans Inception ainsi que les agents/victimes du chaos de The Dark Knight avec le Joker et Double-Face.

L’émotion à fleur de peau et la rigueur scientifique se croisent ainsi dans l’épopée SF d’Interstellar pour un Christopher Nolan enfin prêt à se mettre à nu. Au départ destiné à Steven Spielberg, le script du projet est confié à Jonathan Nolan qui en échange quelques idées avec son frère Christopher dont il ressent le vif intérêt pour le sujet. Lorsque Spielberg se désiste Christopher Nolan saute sur l’occasion, unissant la Paramount et Warner à la production en réécrivant entièrement le script avec Jonathan. Contre toute attente, la première mouture avec Spielberg était plus sombre et spectaculaire tandis que l’habituellement cérébral Nolan va y intégrer cette candeur et suspension dont le réalisateur d’E.T. n’est plus totalement capable aujourd’hui. 

Dans un Terre tarie de ses ressources et plongée dans une poussière permanente, le rêve a laissé place à la seule survie, le génie au sens pratique, le visionnaire au quotidien terne au point de renier les exploits scientifiques passés – les livres scolaires faisant des missions Apollo une supercherie. Ce constat, Cooper (Matthew McConaughey), ancien de la NASA, n’a jamais pu l’accepter et seule sa fille Murphy (Mackenzie Foy) semble partager sa curiosité. Des mystérieux signaux vont pourtant guider Cooper et Murphy vers une mission secrète de la NASA visant à explorer de nouveaux mondes possibles pour l’humanité avant l’extinction de la Terre. La séparation est déchirante et inéluctable mais Cooper promet à sa fille de revenir de son voyage, quoiqu’il en coûte.

Christopher Nolan part d’une base scientifique méticuleuse pour dépeindre son épopée, ne cédant pas au futurisme facile tant dans sa vision de la Terre agonisante (ramenant l’homme au fermier ordinaire que dans celles des engins spatiaux demeurant dans l’esthétique contemporaine associée aux dernières avancées de la NASA. La mise scène s’inspire grandement du classique L'Étoffe des héros (1983) de Philip Kaufman, où le spectaculaire ne se départit jamais de cette approches réaliste. Hormis quelques plans d’ensemble où l’on n’aura pas ressenti un tel vertige de l’immensité spatiale depuis le 2001 (1968) de Stanley Kubrick, le réalisateur s’accroche au point de vue humain durant les scènes d’explorations et les différents morceaux de bravoure, la caméra littéralement agrippée à la carlingue du vaisseau. 

Ce choix se concrétise avec un usage minimum des effets numériques qui ne servent qu’à amplifier une logistique essentiellement « en dur », y compris le vertigineux final. Les principes du trou noir permettant de passer dans l’autre galaxie où se trouvent les potentielles planètes hôte partent également des travaux du physicien Kip Thorne. La forme, les préceptes et les effets de ce trou noir sont ainsi un habile mélange de connaissance et de suppositions scientifiques que Christopher Nolan plie à la dramaturgie de son récit, plus spécifiquement la notion tangente du temps. Tout comme dans Inception la nature ordinaire des rêves visités n’en rendait que plus stupéfiantes les irruptions folles du subconscient, Nolan dans sa vulgarisation scientifique nous emmène vers un extraordinaire qui n’en sera que plus tétanisant.

Dès les premières scènes, ce questionnement entre sentiments humain et rigueur scientifique s’entrecroisent et s’opposent. C’est une gravité altérée qui fera office de signal et de guide vers la mission pour Cooper et Murphy, car comme le soulignera un dialogue seule cette gravité peut s’affranchir de temps et d’espace. Pourtant lors du moment fatidique de choisir entre la visite de deux planètes, Amelia Brand (Anne Hathaway) privilégie l’une d’entre elles car s’y trouve l’homme dont elle est amoureuse. L’autre notion capable également de s’échapper aux notions de mesures classiques est bien plus irrationnelle, c’est l’amour. Nos voyageurs stellaires ne s’accorderont jamais tout à fait au même moment dans ce qui les anime.

Cooper n’a que le retour et revoir sa famille en tête lorsqu’ils seront piégés sur une dangereuse planète à la marée éternelle quand Amelia privilégie la mission quitte à les mettre en danger. A l’inverse la froide logique et la rancœur de Cooper détermine la visite d’une planète glacière inhospitalière alors que Brand était appelée par ses sentiments. Aux antipodes l’un de l’autre, deux protagoniste symbolisent cette dichotomie. En privilégiant la survie de l’espèce plus que tout, le professeur Brand (Michael Caine) condamne arbitrairement la Terre quant à l’inverse, le Docteur Mann (Matt Damon dans un rôle jumeau de Seul sur Mars (2015)) confronté à l’immense solitude stellaire cause tout autant la perte de l’Homme par pur égoïsme.

D’un bout à l’autre de la galaxie se joue pourtant une réconciliation sur lequel repose le salut de l’humanité. La rancœur et le sentiment d’abandon de Murphy (Jessica Chastain) se conjugue à la culpabilité de Cooper, le voyage stellaire patine et les décennies s’écoule sur Terre où la fillette devient femme. Christopher Nolan bouleverse en faisant mesurer l’écart de distance et temps par écran interposé, la réponse ou son absence brisant le cœur des personnages. La Terre ne peut être sauvée qu’en renouant le dialogue entre le père et la fille, et cela passe par cette fameuse harmonie entre le cœur et la science. C’est finalement aussi le cheminement de Nolan le cartésien, le maître du labyrinthe, vers le mélodrame réclamant un abandon et une mécanique moins huilée au service de l’émotion. 

La résolution a beau enchâsser parfaitement les mécanismes de l’intrigue, elle repose sur principe si aventureux et abstrait que seule la force de cet amour filial permet de l’accepter, de le comprendre et en fait de le souhaiter. Nolan pousse à leur paroxysme ses tentatives de montage alterné du Prestige, The Dark Night et surtout Inception aux temporalités et niveaux de réalité différents dans Interstellar, plus seulement au service d'une virtuosité narrative ou de suspense mais pour un climax émotionnel puissant. L’hypothétique bienfaiteur céleste guidant les évènements n’est rien d’autre que cette force de l’âme humaine capable de plier le temps et l’espace. Le score fabuleux de Hans Zimmer capture à la fois l’ambition et l’intimisme du sujet par sa grandiloquence (les envolées d’orgues sur les scènes spatiales décuplent la force évocatrice des images) habitée et presque religieuse. Après un poignant épilogue en forme de retrouvaille, Christopher Nolan fait dépasser à l’Homme ce statut de survivant où il était engoncé pour lui redonner ses ailes de conquérant avec l’envol final de Cooper.

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Warner 

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