Les problèmes amoureux et les aspirations professionnelles d'une
bande de jeunes dans le Paris de l'après-guerre, entre la préparation
d'une expédition africaine, les répétitions théâtrales et les soirées
dans les cabarets de jazz.
Après le merveilleux Antoine et Antoinette
(1947), Jacques Becker poursuit son exploration de la société française
d'après-guerre. Grand amateur de jazz, Becker a dès l'Occupation
l'habitude de fréquenter les clubs de jazz parisien et notamment les
caves du quartier de Saint-Germain-des-Prés où il se plaira à observer
la jeunesse française. Jacques Becker qui a toujours
apprécié la compagnie de la jeunesse est également poussé par son fils
Jean (qui apparait furtivement parmi les spectateurs enjoués d'une scène
de concert) à s'imprégner et à capturer cet environnement en
recueillant divers anecdotes qui nourriront le script à venir de Rendez-vous de juillet.
L'expédition africaine que prépare le personnage de Daniel Gélin a
notamment bien eu lieu, menée par Jacques Dupont, étudiant de l'IDHEC
qui se rendit en Afrique avec quelques camarades de promotion pour en
ramener trois films documentaire : Voyage au pays des pygmées, Danses congolaises et Pirogues sur l'Ogooué.
Francis Mazière en charge de la décoration du film fit d'ailleurs
partie de l'expédition. Ces prémisses perpétuent la légende sur la
méticulosité et l'approche réaliste de Jacques Becker mais on peut y
voir une dimension plus personnelle pour le réalisateur se reconnaissant
dans cette jeunesse. Il fut en effet sauvé par la rencontre et l'amitié
qu'il noua avec Jean Renoir qui en fit son assistant mais tout comme le
personnage de Daniel Gélin, il fut poussé par son père à intégrer son
entreprise - dont il démissionnera en douce - alors qu'il ne rêvait que
de cinéma.
Rendez-vous de juillet capture avec fougue
les aspirations d'un groupe de jeunes gens au rythme des ambitions,
marivaudages et ambiances de jazz festive. Comme dans Antoine et Antoinette,
le développement dramatique naît de la chronique plus que de réelles
péripéties. Jacques Becker par la fluidité de sa narration rend presque
naturelle et imperceptible la vraie rigueur de rythme, caractérisation
et richesse thématique qui se déploie dans cette euphorie communicative.
La remarquable première partie saute d'un personnage à un autre avec
astuces narratives, de montages et dialogues piquant qui définissent la
camaraderie, la rivalité professionnelle (il suffira d'une moue et d'un
silence de Thérèse (Brigitte Auber) pour saisir qu'elle rêve aussi d'une
carrière d'actrice quand son amie Christine (Nicole Courcel) lui
annonce son audition), amoureuse (là aussi un simple échange de regard
entre Roger (Maurice Ronet) et François (Philippe Mareuil pour tisser
leur animosité sans qu'aucun conflit n'intervienne) et les petits
arrangements dont chacun est capable pour arriver à ses fins (Bernard
Lajarrige parfait en mentor intéressé, Nicole Courcel conjuguant
innocence et calcul...).
C'est d'abord l'énergie qui nous emporte,
Jacques Becker menant son entrée en matière dans un crescendo festif introduisant tous les personnages qui se retrouvent successivement jusqu'à
l'apothéose de l'arrivée au club de jazz Le Caveau des Lorientais.
Le Paris ensoleillé d'après-guerre est sublimement filmé par Becker
dont il multiplie les vues splendides (tout en restant dans une vraie
proximité et sans céder à la carte postale) notamment cette traversée de
la scène voiture militaire se muant en barque de fortune. Le monde des
adultes appelle nos jeunes gens à un sens des réalités plus ou moins
insistant (un vrai travail, un salaire...) qu'ils refusent dans des choix
professionnels incitant à l'évasion par l'art ou le voyage. Ces
aspirations se confronteront aux tentations et au mur de l'institution
(Daniel Gélin faisant le tour des ministères pour subventionner son
expédition) que Jacques Becker se plaît à bousculer dans de savoureux
moments comiques (Pierrot (Pierre Rabut) subtilisant quartier de viande
et menu monnaie chez son père boucher, le professeur d'art dramatique
malmené joué par Louis Seigner) mais Jacques Becker semblent toujours
prendre le parti des rêveurs.
La dernière partie met donc à
l'épreuve ceux qui auront choisis les chemins les plus faciles ou
d'autres reculant face à l'inconnu, tout en célébrant les plus
intrépides à l'image d'un Daniel Gélin habité lorsqu'il bouscule ses
amis hésitants. L'appel de l'ailleurs se fait donc dans une frénésie et
un sens du drame qui participe finalement à la maîtrise et
l'improvisation qui caractérise une partition de jazz (pour les
mélomanes Claude Luter et Rex Stewart apparaissent en personne), les
émotions contradictoires se bousculant pour les personnages.
L'émancipation de cette jeunesse bourgeoise saura parler au public de
l'époque et anticipe autant les soubresauts sociaux que
cinématographiques à venir et est portée par une énergie et un souffle
communicatif par Jacques Becker. Un petit bijou récompensé par le Prix
Louis-Delluc en 1949 et le Prix Méliès en 1950.
Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Gaumont
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