Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mercredi 21 juin 2023

Heroic Trio - Dung fong saam hap, Johnnie To (1993)


 La police hongkongaise est confrontée à une série d’enlèvements de bébés. Incapable de mettre fin à ces rapts, elle va devoir compter sur l’aide de la Justicière-volante et d’une chasseuse de primes. Une troisième femme va bientôt se joindre à elles, dotée du pouvoir d’invisibilité…

Heroic Trio est une œuvre qui s’inscrit dans série de tentative d’hybridation entre les spécificités du cinéma de genre hongkongais et une imagerie comics book/manga. Des œuvres comme Dragon from Russia de Clarence Fok ou Saviour of the soul de Corey Yuen (1991) qui précèdent Heroic Trio sont ainsi des adaptations officieuses des mangas Crying Freeman et City Hunter, et plus tard une œuvre comme Black Mask (1996) surfera sur cette vague. Heroic Trio est un film plus spécifiquement marqué par le traumatisme esthétique de la doublette Batman (1989)/Batman,le défi (1992) dans sa direction artistique rétrofuturiste, par l’inspiration expressionniste et brutaliste de certains de ses décors (impressionnant décor d’hôpital qui préfigure les lignes strictes du monde de l’entreprise de Office (2016)). 

Pourtant au pur sens de l’atmosphère burtonien, Heroic Trio opte pour une frénésie esthétique et narrative typiquement hongkongaise. Le projet initial du film était d’avoir un trio de super-héros masculin, mais le casting envisagé (dont Andy Lau et Jackie Chan) s’avère trop onéreux et on bascule ainsi sur une équipe féminine glamour menée par Anita Mui, Michelle Yeoh et Maggie Cheung. On assiste à une sorte d’origin story narrant la rencontre du trio d’abord antagoniste avant de faire front commun contre les forces du mal. Anita Mui, la star la plus glamour des trois et (à ce stade de leur carrière) la meilleure actrice bénéficie du rôle le plus équilibré entre enjeux dramatiques et morceaux de bravoure. Michelle Yeoh est quant à elle la plus accomplie dans le registre de l’action et Johnnie To traduit le plus souvent les tourments de son personnage déchiré par cette « physicalité ». Enfin Maggie Cheung retrouve un emploi déluré et gouailleur que le public hongkongais lui connait (L’Auberge du dragon (1992), All Wells, Ends Well (1992), Green Snake (1992)) alors qu’en occident on reste souvent figé à sa présence papier glacé des films de Stanley Kwan (Center Stage (1990) en tête) et Wong Kar Wai (In the mood for love (2000) bien sûr).

Malgré la narration alerte mais chaotique, on suit tant bien que mal les alliances se faire et se défaire entre nos trois héroïnes pour affronter un eunuque surpuissant hantant les sous-terrain de la ville et enlevant des bébés dans le but d’établir l’un d’entre eux comme futur empereur de Chine. Sous l’amusement, le spectre de la rétrocession est explicite avec cette allégorie du régime Chinois dont l’ombre hante les pensées des locaux, et dont l’idéologie s’apprête à vampiriser les esprits à la source, soit les nouveau-nés. Les élans de cruauté et noirceur surprennent d’ailleurs, dans le sort réservé aux enfants, tant dans le mode réel que dans celui fantastique et sous-terrain, entre trépas brutal et mutation horrifique.

Johnnie To est encore sur ce film dans sa période faiseur sans identité mais à l’efficacité redoutable, et orchestre un récit d’action alerte et spectaculaire, largement secondé par les chorégraphies de Ching Siu-tung. Les pures vignettes comics book éclatent avec brio (ce moment digne d’une planche de Hulk où Anthony Wong reçoit une moto dans le buffet, cet autre instant à la Superman avec ce même Anthony Wong stoppant un train) porté par la photo tour à tour bariolée et ténébreuse de Poon Hang-Sang, assez typique des années 90. 

Tout cela se mélange avec des imageries plus typiquement hongkongaises, que ce soit le polar hard-boiled dans les rixes urbaines mouvementée où Maggie Cheung joue du shotgun, et le renouveau d’alors du wu xia pian fantastique tout en voltiges câblées et effets de montage poétique. L’hybridation fonctionne à plein même si certaines influences sont fort peu discrètes tel ce final reprenant explicitement le Terminator de James Cameron (1984). Heroic Trio est donc un divertissement de haute volée qui ne rencontrera malheureusement pas son public à Hong Kong, ce qui n’empêchera pas Johnnie To de rentabiliser ses onéreux décors dans une suite très différente qui sortira la même année, Executioners

Sorti en bluray chez Carlotta

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