Dragon From Russia est une adaptation libre et officieuse du célèbre manga Crying Freeman de Kazuo Koike et Ryôichi Ikegami, publié entre 1986 et 1988 au Japon. Le retentissement du manga traverse l'Asie et bien sûr le très opportuniste marché hongkongais qui va en proposer sa version sans en en payer les droits, avant celle plus connue (et officielle) de Christophe Gans en 1996. On sent d'ailleurs dans les grandes libertés du scénario une volonté de façonner des prémices différentes afin d'atténuer les similitudes avec le matériau original et éviter un procès. Le point de départ est ainsi un peu plus confus avec cette guerre secrètes entre deux groupuscules de tueurs dont l'un va déceler le potentiel du jeune Yao (Sam Hui), l'enlever, lui laver le cerveau et le former afin d'en faire le champion apte à vaincre le camp ennemi. Les origines du simili Crying Freeman diffèrent en en faisant un exilé chinois en Russie vivant des jours paisibles avec son amie May (Maggie Cheung). La romance reste chaste et c'est seulement le souvenir de ces chaleureux moments entre expatriés orphelins qui ravivent l'humanité de Yao, tandis qu'on se déleste du machisme du manga (et du style viril de Koike/Ikegami) pour donner un rôle plus actif à Maggie Cheung dans la rédemption du tueur.Le film donne dans les grands écarts de ton typique du cinéma HK de l'époque. Le cadre russe initial donne un caractère menaçant et inédit au récit, contrebalancé par le côté des haut en couleur du monde des tueurs et de leurs guerres intestines. Le ton donne dans la grosse comédie cantonaise, avec le maquillage grotesque du mentor joué par le chorégraphe Dean Shek qui durant les scènes d'entrainement de Yao retrouve les facéties de ses travaux aux côtés de Jackie Chan et Sammo Hung dans la kung fu comedy. Sam Hui venant aussi de cette école comique (Games Gambler Plays (1974), The Pivate Eyes (1976 avec sa fratrie Hui)), le premier degré initial s'envole pendant ce long aparté avant de repartir sur les rails du pur film d'action et de gangster. Là aussi on devine les disponibilités tangentes du casting féminin puisque sans que l'on ne se l'explique vraiment, pas moins de quatre héroïnes sont longuement introduites pour apparaître et disparaître tout au long de l'histoire (notamment Loletta Lee jouant la très candide fille du maître), créer des triangles voire carrés amoureux improbables alors que tout cela aurait pu être concentré sur deux protagonistes. Le charisme et le talent des actrices maintiennent l'intérêt, en particulier une très touchante Maggie Cheung tandis que Sam Hui a plus de mal à naviguer entre les registres. Le film, s'il est moins léché que la future version de Christophe Gans, surpasse cependant cette dernière en termes d'action pure. Les ruptures de ton permettent les écarts les plus loufoques lors des scènes d'entraînements dignes de Drunken Master, tandis que les débordements sanglants et brutaux s'enchaînent sur tout l'aspect gangster. Les chorégraphies sont nerveuses à souhait, les morts douloureuses et la pyrotechnie impressionne lors des multiples poursuites à motos, voitures et explosions dantesques. Clarence Fok semble avoir tout misé sur le style plutôt que la cohérence dramatique et l'énergie de l'ensemble emporte franchement dans un ensemble redoutablement spectaculaire. A ce titre les vingt dernières minutes constituent un morceau de bravoure de haute volée exploitant tous les registres de l'action en parvenant à enfin maintenir une tonalité homogène. Un pendant très plaisant et plus débraillé à la version de Christophe Gans.
Sorti en dvd zone 2 franaçais chez Pathé
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire