Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 6 février 2023

Journey to the West - Yu zhou tan suo bian ji bu, Kong Dashan (2021)


 Tang Zhijun croit dur comme fer en l’existence de sociétés extra-terrestres. Il chasse les OVNI les uns après les autres mais est la risée du milieu scientifique. Après avoir vu une étrange vidéo sur internet, il se met en route vers le sud de la Chine pour mener l’enquête. Accompagné d’un alcoolique, d’une insomniaque et d’une employée plus que cynique, Tang Zhijun se lance à nouveau à la recherche des aliens, la quête de sa vie.

Journey to the West est une œuvre qui revisite avec brio le principe du found-footage avec cette étonnante chasse aux ovnis. Le titre Journey to the West fait bien sûr référence à la célèbre légende chinoise et à l’image du roi-singe et de ses compagnons hauts en couleur, la fine équipe des ufologues est dans cette continuité farfelue. Le scénario joue sur une fibre à la fois comique et émotionnelle pour exploiter l’excentricité des protagonistes. Ainsi l’aspect found-footage exploite cette excentricité par un sens de l’ellipse assez jubilatoire qui fait vriller les situations avec une inventivité constante. La scène d’ouverture  où le héros Tang Zhijun (Haoyu Yang) se retrouve piégé dans une combinaison spatiale et voit ambulance, pompier et police venir à son secours donne le ton. Chaque protagoniste est affublé de sa petite tare qui contribue à sa caractérisation immédiate, entre cette assistante revêche, un gaffeur alcoolique, sans parler de ceux qui les rejoindront en chemin comme cette femme insomniaque ou ce adolescent supposé témoin d’un passage d’ovni et souffrant depuis de narcolepsie.

Cette tonalité décalée semble dans un premier temps avant tout moquer la croyance improbable des protagonistes par l’outrance des situations (cet homme conservant un cadavre d’alien dans son congélateur) et le caractère lunaire de Tang Zhijun. Le premier degré sans faille et constamment désamorcé de ce dernier révèle progressivement une faille intime qui fait de cette quête d’ovni un cheminement plus intime et touchant. Tang Zhijun a perdu tragiquement sa fille quelques années plus tôt et cette obsession des extraterrestres semble donc représenter un prétexte pour s’accrocher à la vie, et en définitive de faire son deuil. On découvrira que cela s’étend à tous les protagonistes sur des degrés divers, le souvenir d’une rencontre du troisième type étant rattaché à la séparation de ses parents pour la jeune femme insomniaque, à la mort de son père pour l’adolescent, et de façon plus large à la paupérisation du village où le groupe va échouer durant son voyage.

Plus les raisons du périple se font concrètes sur un plan intime, plus un réel mystère se crée sur cette présence extraterrestre. Le film tient dans un équilibre ténu ce mélange des genres entre comédie potache et vrai fantastique, évoquant une version plus rieuse du récent et terrifiant The Medium, found-footage thaïlandais jouant aussi d’une atmosphère rurale incertaine. Si le rire et le ridicules s’invitent exclusivement dans la première partie, il cohabitent peu à peu avec une ambiance plus étrange, onirique et insaisissable quand le surnaturel s’invite ouvertement dans des séquences fascinantes (la prédiction des moineaux sur la statue qui se réalise dans un clignement d’œil). 

Ce côté introspectif est assez fascinant et touchant avec une narration en chapitre qui articule bien la bascule dans l’inconnu, la réalisation mélangeant bien la veine arty du found-footage avec certains effets spéciaux impressionnants surgissant de manière inattendue. En définitive, on pensait longtemps assister à une farce et l’on se retrouve devant un récit de rédemption baigné de surnaturel. Le film donne à voir une Chine des laissés pour compte sous un jour humoristique, ludique mais lucide dans un registre peu exploité (en tout cas pour les films sortant en Occident) qui en font un objet très original. C’est franchement très drôle tout en laissant s’immiscer le mélo et une émotion puissante à l’image de sa belle conclusion. 

Vu au Festival du film d'auteur chinois Allers Retour, le film passera une seconde fois le 11 février au Studio des Ursulines à Paris

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