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samedi 23 septembre 2023

Cheyenne - Raoul Walsh (1947)


 En 1867, dans le Territoire du Wyoming, afin d'éviter une peine de prison, le joueur James Wiley doit aider la Police à capturer un braqueur de diligences qui se fait appeler « le Poète. »

Cette année 1947 avait vu Raoul Walsh signer un des plus grands et singuliers westerns avec le magistral La Vallée de la peur. Par son esthétique gothique, sa tonalité introspective et psychanalytique, La Vallée de la peur reste à ce jour une des propositions les plus originale du genre. Cheyenne sorti quelques mois plus tard est largement resté dans l’ombre de son prédécesseur dont il n’égale pas la puissance, mais s’avère à sa manière un western tout aussi anticonformiste. 

Cette originalité est davantage ici au service d’un récit ludique et imprévisible où le western sert surtout de décorum à d’autres genres tels que la screwball comedy, l’enquête policière. On passe de l’un à l’autre avec une grande fluidité, à la fois dans les situations, l’esthétique du film et les rouages d’un scénario très malin. Le postulat reprend ceux d’un film noir dit « d’infiltration » avec ce joueur professionnel Wiley (Dennis Morgan) contrait par la police à démasquer un mystérieux voleur de diligence. Cette figure imposée du western est montrée pour être tout aussi vite désamorcée par le mode opératoire plus sournois que violent du coupable, s’emparant du butin en amont pour ne laisser qu’un poème moqueur (tant pour les autorités que pour les voleurs plus terre à terre) dans les coffres vides. Dans le récit comme par les agissements des personnages, l’usage de la démonstration de force classique et de l’action ne sont qu’un dernier recours pour arriver à ses fins, la ruse et la duperie étant plus efficaces.

Dès lors c’est un dialogue bien senti, une situation équivoque emmenant le western vers autre chose qui crée le plaisir et fait avancer l’histoire. Un quiproquo autour d’une baignoire laisse hilare tout en scellant la relation amour/haine entre Dennis Morgan et Jane Wyman. Cette dernière est absolument épatante en femme de caractère à la langue bien pendue, mais masquant une amoureuse faillible. Le mystère autour de l’identité du poète est rondement mené, évitant le whodunit pour davantage faire reposer le suspense sur le sort des personnages pas au courant et risquant le pire au contact du fourbe. Raoul Walsh reprend sur un mode mineur certains parti-pris de La Vallée de la peur avec des ambiances et un visuel très film noir. La filature en pleine ville de Wiley après des voleurs démasqués confère une tension urbaine très contemporaine au cadre de ville de western, jusqu’à la confrontation au cadre assez inquiétant avec le reste de la bande.

Même une protagoniste en apparence frivole et prétexte à atout charme comme celui de Janice Page s’avère jouer un rôle pivot. On appréciera aussi le mélange de légèreté teintée d’érotisme dans les échanges entre Morgan et Wyman, par exemple ce rapprochement et fuite entre leur pied qui prolonge physiquement le piquant du verbe. Globalement Wiley montre progressivement une dimension héroïque plus probante que la canaille qu’il parait être au départ, et par la même une autre facette de la masculinité qui fait basculer Jane Wyman. C’est plutôt fin et joliment amené, à l’aune d’une pure volonté de divertissement. Un très bon moment donc ! 

Vu dans le cadre de la rétrospective Raoul Walsh à la Cinémathèque française 

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