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lundi 4 décembre 2023

Péché véniel - Peccato Veniale, Salvatore Samperi (1974)


 Dans la station balnéaire de Versilia où il passe ses vacances, le jeune Sandro passe le plus clair de son temps à feuilleter des revues érotiques et à observer les filles sur la plage. Son frère ainé contraint de s’absenter, il porte toute son attention sur Laura, sa belle-sœur, une femme terriblement attirante dont il est chargé de prendre soin. Et, effectivement, Sandro se montre tout particulièrement attentionné à l’égard de la belle Laura…

Péché véniel est une sorte de « suite » ou variation du film Malicia de Salvatore Samperi (1973), immense succès de l’année précédente qui fit de Laura Antonelli une star. On en retrouve donc ici la recette avec le même casting principal constitué du couple illégitime Laura Antonelli/Alessandro Momo, un postulat de romance scandaleuse voisin écrit par les mêmes scénaristes (Ottavio Jemma et Alessandro Parenzo, et bien sûr le réalisateur Salvatore Samperi reprenant du service.

Sensuel sans être vulgaire, troublant tout en évitant d’être scandaleux, drôle mais joliment touchant, Malicia était une réussite majeure le plaçant bien au-dessus des comédies sexy fleurissant dans la production italienne d’alors. Une partie de cet équilibre devait en grande partie à la prestation de Laura Antonelli. Doux visage de madone sur un corps aux formes sculpturales appelant le fantasme , elle était autant un appel au désir masculin dans son expression la plus primaire et machiste que la possible amante douce et initiatrice d’un adolescent amoureux et inexpérimenté. Péché véniel rejoue cette partition sans complètement tomber dans la redite. 

Le cadre familial austère et provincial de Malicia (ainsi que son intrigue se déroulant dans les années 60 pas encore aussi libérées sexuellement en Italie) laisse place à une ambiance estivale et hédoniste au sein du station balnéaire. Les situations et dialogues appellent ainsi un trouble différent du film précédent, la volupté de Laura Antonelli n’appelant pas le désir masculin selon les mêmes motifs formels. Les personnages adultes comme le couple Laura (Laura Antonelli) et Renzo (Orazio Orlando) ont une sexualité épanouie devinées par une tendresse publique affirmée (les mains aux fesses insistantes), tandis que l’adolescent Sandro (Alessandro Momo) est plus facilement exposé aux phénomènes culturels (revue, littérature) et sociaux érotiques de son époque.

L’intérêt n’est donc pas de montrer ce qui est tabou ou caché comme dans Malicia, mais la découverte de la façon d’exprimer ce désir voire ces sentiments. Péché véniel est ainsi un récit d’apprentissage du langage amoureux et sexuel. Tous les modèles masculins s’offrant à Sandro représentent le machisme latin dans toute sa splendeur, dans son rapport aux femmes (la lourdeur des conseils du frère aîné Renzo), son environnement (le running gag du musculeux vantard de plage) ou dans son homophobie prononcée, telle la consternation du père (Tino Carraro) lorsqu’il soupçonnera son fils d’être de « l’autre bord ».  Nous observons Sandro s’extirper progressivement du monde de l’enfance en désirant en Laura, la femme de son frère aîné, une femme adulte plutôt qu’une adolescence de son âge. 

D’abord indifférent, c’est la découverte de son corps en maillot de bain qui éveille son intérêt pour cette belle-sœur dont il est initialement forcé de tenir compagnie. Cette prise de conscience s’affirme dans les multiples plans subjectifs sur les formes de Laura Antonelli, puis dans les situations déconcertantes qui expose un Sandro gêné à l’attitude décomplexée de sa belle-sœur le prenant encore pour un enfant. Un passage de crème solaire, une séance de bronzage, la promiscuité d’une cabine de plage, tout confère à stimuler les hormones de notre jeune héros.

En comprenant peu à peu l’émoi qu’elle provoque chez Sandro, Laura en devient l’amie et la complice compréhensive. La maladresse de l’adolescent en fait aussi un modèle masculin différent et attendrissant pour elle, sans qu’elle n’ose se l’avouer. L’initiation se fait donc avant tout mentale, puisqu’en expérimentant les tourments (jalousie, frustration) de l’amant sans en être un, Sandro alterne entre réitérer l’éducation machiste sur laquelle il est conditionné, et oser faire montre d’une vulnérabilité touchante n’empêchant pas la masculinité. Rejeté (y compris par une petite amie adolescente) en cherchant à jouer les mâles alpha, il éveille un sentiment plus profond en pleurant de dépit face à Laura qui lui offre alors un premier baiser.

L’écrin formel est idéal pour traduire ce tourbillon d’émotions et sensations, Salvatore Samperi instaurant une atmosphère solaire et lumineuse en s’appuyant sur la photo de Tonino Delli Colli, en privilégiant les couleurs vives dans la gamme chromatique du film, notamment les maillots de bains dans les scènes de plage. Les corps nus ne se regardent plus honteusement à la dérobée comme dans Malicia, mais sont exposés à travers un érotisme n’étant plus entravé par le puritanisme. Il faut chercher plus subtilement les traces d’un archaïsme pas estompé, comme le fait que l’adolescent Sandro doive « garder » sa belle-sœur adulte en l’absence de son mari.

Laura Antonelli par ce divin mélange de candeur et de sensualité parvient à ne pas être qu’un corps, mais une figure troublée, intriguée et finalement amoureuse sans l’avoir vu venir. Si l’on reste dans une variation de son rôle de Malicia, on décèle là toutes les qualités que de grands cinéastes sauront tirer de cette beauté à la provocation contemporaine, mais à la grâce hors du temps – Mon Dieu comment suis-jetombée sur bas de Luigi Comencini (1974, Le Sexe fou de Dino Risi (1973), L’Innocent de Luchino Visconti (1976), La Vénitienne de Mauro Bolognini (1986). Son personnage sert ici de révélateur à l’évolution ou non de l’identité masculine, notamment dans une conclusion ambigüe qui moque le modèle machiste (le mari/frère dindon de la farce) mais menace de le perpétuer – une fois déniaisé et devenu un « homme » quel chemin va prendre Sandro ? 

Sorti en bluray français chez Sidonis

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