Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 21 mai 2015

La Femme aux cheveux rouges - Akai kami no onna, Tatsumi Kumashiro (1979)

Kozo et Takao, deux ouvriers, s'amusent à violer la fille de leur patron. Leur vie va se transformer au contact d'une "femme aux cheveux rouges", qu'ils recueillent au bord de la route un jour de pluie. Elle s'installe chez Kozo, fasciné par son franc-parler et son étrange personnalité. Ils se mettent en ménage mais elle reste muette sur son passé.

Tatsumi Kumashiro signe à nouveau un pinku eiga captivant placé sous le signe de l’insoumission et du féminisme. L’approche est ici plus ténue et subtile que son Sayuri, stripteaseuse (seul autre de ses films disponible en France) où le propos était plus explicite dans la défiance de cette artiste envers les autorités dans ses prestations provocatrices. Cette fois il s’agira de rompre le machisme le plus brutal tapis dans les mœurs de la société japonaise par les sentiments. Kozo et Takao sont deux ouvriers rustres qui ont pris l’habitude de partager leurs conquêtes féminines, consentantes ou non comme le montre une cruelle scène d’ouverture où ils abusent de la fille de leur patron. Une nouvelle victime semble s’offrir à eux quand ils prendront en stop une mystérieuse femme aux cheveux rouges (Junko Miyashita) qui va s’installer chez Kozo. 

Dès la première étreinte le rapport parait déjà s’inverser. La libido débordante de la femme dépasse le malheureux Kozo, tant par son désir pressant que par la position récurrente qu’elle lui impose. La dimension dominant/dominé établit dans le viol de la scène d’ouverture est brisée, la femme imposant le tempo de son désir à l’homme et surtout l’assurance signifiant son expérience des hommes quand la première victime était vierge. Junko Miyashita excelle à incarner des figures féminines lascives et dominatrices dans leur libido (notamment le fameux La Véritable histoire d’Abe Sada) s’émancipant par le sexe. C’est ce qui se déroulera insidieusement ici, l’actrice (jamais nommé cette femme aux cheveux rouges devenant un étendard féminin symbolique) délivrant une prestation subtile où son ascendant ne se ressent que progressivement dans le reflet que renvoie Kozo. 

 La brute aperçue au début du récit s’adoucit, devient un amant prévenant et même jaloux du passé mystérieux de la femme (tout juste devine-t-on qu’elle est peut être mariée, a eu des enfants ou a été junkie) dont l’expression du désir lui évoque ses amants passés invisibles. D’ailleurs l’ensemble des rapports de couple du film témoigne de cette inversion, certain de manière plus classique et risquée comme Takao devant prendre en charge sa petite amie enceinte, torturée avec les junkies voisins du dessus et toujours par le sexe avec les amis commerçant de Kozo où l’épouse gironde mène véritablement le jeu en dépit des infidélité du mari.

La remise en question devra donc venir de l’homme, Kozo devant choisir entre l’allégeance aux codes machistes où il ne se reconnait plus (Takao désirant comme à leur habitude partager avec lui son amante aux cheveux rouges e lui-même se rendant compte de son amour quand il sera incapable d'aller voir ailleurs) ou s’épanouir dans une relation de couple plus incarnée à travers cette amante si entreprenante. Des questionnements passionnant que Tatsumi Kumashiro amène par une imagerie détonante. Loin de la stylisation chichiteuse coutumière du pinku eiga, Kumashiro offre une forme brute et sur le vif, ce ne sont pas les mouvements de caméra qui font grimper artificiellement la sensualité mais la capture sans fard du désir des protagonistes. 

Les films de Kumashiro sentent la sueur des pièces closes où les amants s’abandonnent longuement, le réalisateur étant d’ailleurs réputé pour tourner sans se soucier des restrictions de la censure japonaise comme l’interdiction de montrer les poils pubiens. Lorsque celle-ci s’applique à ses films, il agrandit en guise de rébellion les cache noirs grossiers altérant l’image (quand les caches habituels dissimulaient juste les zones tabous). Une œuvre captivante se terminant évidemment dans un ultime instant de frénésie érotique. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Zootrope/Culte Underground

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