Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 12 juillet 2016

Metropolis - Metoroporisu, Rintaro (2001)

À Metropolis, une cité futuriste, humains et robots cohabitent, mais vivent dans des espaces bien délimités. Dans une atmosphère baignée par la musique de jazz, cette cité est le théâtre d'une enquête de police menée par un inspecteur japonais et son jeune neveu, Kenichi, au sujet d'un savant accusé de trafic d'organes, le docteur Laugthon, qui est au service de l'homme le plus puissant de la ville. Celui-ci utilise les services du savant pour créer un robot ultra-moderne, ayant l'apparence de sa défunte fille, Tima.

Metropolis constitue autant une relecture animée du classique de Fritz Lang qu’un immense hommage à Osamu Tezuka, maître de du manga et de l’animation japonaise. Le film est l’adaptation du manga éponyme de Tezuka paru en 1949 et où inspiré par une photo de l’œuvre de Fritz Lang il en offrit sa version sans avoir vu le film original. Tezuka fonda au début des années 60 le studio Mushi qui contribua à façonner les codes de l’animation japonaise, notamment à la télévision avec des œuvres cultes telles que Astro Boy (Astro le petit robot en France) ou encore Le Roi Léo. Il y formera nombres de futures grandes figures de la japanimation amenées à voler de leurs propres ailes sur les cendres de Mushi qui fit faillite suite à l’échec de Belladonna (1973). Les anciens de Mushi fonderont ainsi dans la foulée Madhouse, un des studios les plus audacieux et novateurs qui lancera les carrières de Katsuhiro Otomo ou encore Yoshiaki Kawajiri et produira des classiques comme La Cité Interdite (1987), Akira (1988) ou Ninja Scroll (1994). En 2001 Madhouse paie donc son tribut à Osamu Tezuka en adaptant son Metropolis que réalise son disciple Rintarō sur un scénario de Katsuhiro Otomo.

Le film constitue une belle réussite où s’harmonisent totalement les velléités humaniste de Tezuka, le sens du chaos de Otomo et le style fluide et malléable (l’esthétique de Tezuka et notamment le design si singulier de ses personnages est totalement respecté) de Rintarō, vrai Zelig de l’animation. Le récit façonne une fable plus marquée politiquement et moins allégorique que le film de Fritz Lang, en tout cas marquée par une expérience réelle du totalitarisme japonais quand Hitler n’obtiendra le pouvoir en Allemagne que six ans après le Metropolis original. La version animée dépeint certes une cité futuriste et dystopique où le statut social s’inscrit par la hauteur où l’on s’y situe mais finalement traite symboliquement d’un phénomène d’exclusion plus raciale que sociale dans son déroulement. 

Les nantis vivent dans les hauteurs bariolées, aérées et luxuriantes de la ville quand les pauvres se terrent dans des profondeurs ténébreuses, engoncées et tentaculaires où la promiscuité témoigne de ce dénuement. Les hommes sont pourtant renvoyés dos à dos dans une même imperfection, entre quête de pouvoir et instincts violents. Les vrais exclus sont les robots, exploités et pliés à une discipline cruelle par les riches, détestés et conspués par les pauvres dont ils prennent les emplois. La mise en scène de Rintarō par sa manière d’amener les maltraitances arbitraires envers les robots crée immédiatement l’empathie par son parallèle évident  l’esclavage. La fillette robot Tima est à la croisée des chemins des clivages de la cité : au départ création révolutionnaire destinée à contrôler la ville, elle va au contraire découvrir le monde sous son angle le plus chaleureux au contact du jeune Kenichi. Ainsi détournée de son objectif destructeurs, elle va s’avérer le personnage le plus touchant du film dans sa quête d’elle-même.

Le chaos prend toujours des contours bibliques avec Katsuhiro Otomo qui multiplie les symboles. La tour Ziggurat reprend le nom d’un édifice babylonien transposé en Tour de Babel dans l’Ancien Testament et illustre donc cette quête du pouvoir, cette volonté des hommes de défier le divin et qui les perdra. On retrouve une relecture de Caïn et Abel où Tima, image de la fille défunte du Duc Rouge est détestée par le fils adoptif Rock. Tima est l’innocence et la candeur incarnée quand Rock est corrompu, névrosé et le bras armé du parti totalitaire de Marduk (dont les tenues oscillent entre l’uniforme nazi et les tuniques noires fascistes). Toute cette richesse thématique est rendue accessible par l’approche de Rintarō. L’esthétique enfantine des personnages s’oppose ainsi à l’architecture oppressante de la ville. Chez les nantis, le foisonnement de couleurs et de monuments excentrique a quelque chose de forcé et factice dans son bonheur, toujours contrebalancé par l’autorité qu’incarnent les tours imposantes au style plus sobre. A l’inverse les profondeurs dessinent une machinerie tortueuse lorgnant sur le steampunk (là encore l’influence d’Otomo est évidente et anticipe les dédales à vapeurs de Steamboy (2004)) mais aussi une photo sombre, des couleurs opaques et un environnement chargé. L’ensemble revêt une imagerie monumentale mais tout aussi inquiétante en haut comme en bas malgré les différences et témoigne ainsi du renvoi à une imperfection chez les humains quel que soit leur statut social. 

On oscille entre le récit d’initiation et la romance naïve pour tout ce qui a trait à Tima et Kenichi (avec un attachement mutuel joliment amené dans la découverte du monde de Tima, et la poursuite de la métaphore biblique avec l’allure réellement céleste que lui confère Rintarō dans certaines scènes) et le film noir pour l’enquête du détective Shunsaku Ban. La bande-son jazzy de Toshiyuki Honda et la direction artistique lorgnant sur le polar des années 40 (le design des véhicules, l’imper et le feutre de Shunsaku Ban) amènent donc cette facette plus référencée qui se fond bien à l’ensemble. Tout cela va progressivement s’estomper pour laisser place à la furie des hommes, égaux dans la violence et les émotions négatives quand les robots seront toujours bienveillants, que ce soit dans la candeur de Tima, le bon sens du robot policier Pero et une rencontre avec un robot éboueur digne du Miyazaki du Château dans le ciel (1986). 

Chacun des robots sera à son tour de cette folie humaine se laissant dépasser par la jalousie, l’ambition ou la revanche. Si les robots domestiques se plieront à cette souffrance attendue, Tima renvoyé à son statut de machine va déchaîner l’enfer dans un final apocalyptique à la Otomo mais que Rintarō atténue par une émotion poignante. Alors que tout s’effondre, ce sont bien les ultimes instants entre Kenichi et Tima qui émeuvent, porté par le I Can't Stop Loving You de Ray Charles. Une belle réussite, où le respect d’Osamu Tezuka et Fritz Lang n’exclue par une approche originale et captivante. 

Sorti en dvd zone 2  français chez Sony

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