Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mercredi 20 juillet 2016

Sparrows Can't Sing - Joan Littlewood (1963)

Sparrows Can't Sing sous son évocation enjouée du train de vie cockney de ce début des 60's est une œuvre plus novatrice qu'elle n'en a l'air. Le film est l'unique réalisation cinéma de Joan Littlewood, figure majeure du théâtre anglais surnommée "The Mother of Modern Theatre" et fondatrice en 1953 du Theatre Workshop. Cette compagnie fut un des espace de création novateur de la scène anglaise, croisant réalisme cru et une certaine excentricité de ton et esthétique qu'on retrouve dans les adaptations à l'écran de certaines de ses pièces les plus fameuses comme A Taste of Honey (1961) de Tony Richardson ou plus tard Oh! What A Lovely War (1969) de Richard Attenborough. Sparrows Can't Sing voit donc Joan Littlewood transposer au cinéma la pièce éponyme de Stephen Lewis qu'elle avait mis en scène en 1960.

Sous l'allure bon enfant, Joan Littlewood retranscrit ses expérimentations scéniques tout en rendant ses audaces moins immédiatement marquées que les kitchen-sink drama de l'époque auxquels on serait tenté d'associer le film. L'histoire dépeint le retour dans son East End londonien natal de Charlie (James Booth) après deux ans de tour du monde en tant que marin. Il souhaite reconquérir sa jeune épouse Maggie (Barbara Windsor) qu'il a quittée aussitôt marié pour son périple. Le générique du début présente dans un montage éclair le joyeux drille irresponsable qu'il fut, coureur, buveur et fêtard ce qui ne l'empêcha pas de se marier. Malheureusement pour lui Maggie ne l'a pas attendu et vit désormais avec un chauffeur de bus (Roy Kinnear) et élève sa fille de deux ans dont la parenté prête à discussion. Toute la première partie du film dépeint la redécouverte de son quartier par Charlie et sa recherche infructueuse de Maggie.

Joan Littlewood nous donne à voir ce Londres changeant du début 60's, les anciennes maisons de brique détruite pour laisser place à d'imposante barre d'immeuble. Plutôt que de s'attarder sur la nostalgie ou une vision négative de cette modernité, la réalisatrice nous montre dans ce retour au pays une Angleterre cosmopolite comme on la rarement vue dans les productions anglaise de cette période. On a ainsi une scène culte lorsque Charlie arpente les appartements de ces fameux buildings et croise divers couche de la population avec lesquels il échangent joyeusement, notamment une famille africaine avec laquelle il improvise une danse endiablée. Par ses voyages notre héros représente le pont entre cette ouverture au monde et une certaine tradition anglaise lorsqu'il retrouvera d'anciens camarades, ce qui donnera à nouveau lieu à des rencontres pittoresques et d'épiques expéditions au pub local.

Charlie oscille également entre sa belle qu'il souhaite reconquérir, les responsabilités qu'il est prêt à assumer mais aussi son tempérament immature et imprévisible qui fait son charme et son principal défaut. Joan Littlewood mêle brillamment ce côté foutraque, improvisé et réaliste issu du théâtre et une vrai mise en scène de cinéma porté par des cadrages dynamique, des mouvements de caméra qui mettent en valeur le décor mais aussi la loufoquerie des protagonistes (l'expédition en marche militaire vers le pub). C'est une manière d'opposition avec le train de vie désormais plus plan plan de Maggie avec son époux, la réalisatrice se montrant subtil en en faisant à la fois un cadre d'ennui domestique mais aussi de respiration bienvenue face à la dinguerie de Charlie. Le ton sautillant de l'ensemble n'empêche pas une vraie profondeur mais évite complètement la sinistrose d'un kitchen sink drama, notamment le cafardeux Un amour pas comme les autres de John Schlesinger sorti l'année précédente.

Les barrières morales insurmontables qu'on trouvait dans ce dernier (peut-être du fait de se dérouler en province quand le film de Joan Littlewood se passe à Londres) semblent absentes ici, où la bigamie "involontaire" de Maggie est connue et acceptée de tous sans jugement, où les jeunes gens flirtent ouvertement (la jeune nièce jouée par Barbara Ferris et ses deux prétendants sources de quelques situations amusantes) sans le regard moralisateur des adultes. Tout cela est symbolisé par le personnage de Maggie, jouée avec une fougue sexy et candide de tous les instants par Barbara Windsor qui sera d'ailleurs nominée aux BAFTA pour sa performance.

L'alchimie fonctionne idéalement avec James Booth, tout en moments tendres maladroits et bons mots complice notamment la très belle scène des premières retrouvailles au pub. Très plaisant donc et si subtilement mené que l'issue reste incertaine jusque dans les derniers instants, sans qu'un choix constitue forcément un happy-end ou un drame d'ailleurs. Une tranche de vie cockney (dont le respect du slang en fera la première production anglaise sous-titrée lors de sa sortie au Etats-Unis) qui met de bonne humeur.

Sorti en dvd zone 2 anglais et bluray anglais, et doté de sous-titres anglais (indispensable pour cause de langage cockney ardu à saisir)

Pour les anglophones un entretien rétrospectif récent sur le film avec Barbara Windsor

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