Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 9 août 2020

Eva en août - La virgen de agosto, Jonas Trueba (2020)


Eva, 33 ans, décide de rester à Madrid pour le mois d’août, tandis que ses amis sont partis en vacances. Les jours s’écoulent dans une torpeur madrilène festive et joyeuse et sont autant d’opportunités de rencontres pour la jeune femme.

Eva en août est l’occasion d’une belle ballade estivale et introspective dans la ville de Madrid. Le réalisateur souhaite dans son film capturer l’atmosphère si particulière d’une grande cité urbaine au mois d’août. La langueur de l’été, les ruelles désertes et l’atmosphère plus festive permettent au citadin resté sur place de poser un autre regard sur la ville, seul face à ses pensées. C’est le cas de Eva (Itsaso Arana), jeune femme à la fois imprégnée et extérieure à Madrid. Elle habite la ville mais en ce mois d’août loue un appartement comme une vacancière, et toute la découverte des lieux se fait à travers son point de vue qui semble comme neuf dans cet espace qu’elle connait pourtant déjà. Eva et Madrid sont en fait les principaux protagonistes du film, et les quartiers tout comme l’esprit de l’héroïne constituent des espaces mystérieux et inconnus à découvrir.

La narration déroule de façon chronologique les journées d’Eva, chaque nouvelle date s’affichant à l’écran. Cela prolonge le sentiment d’errance flottante, certains jours passant en une image ou instant elliptique quand d’autres développent de vraies longues séquences et aparté. Cela correspond aux hasards qui peuvent marquer une journée ou pas, et correspond aussi à la quête incertaine d’Eva. Elle se laisse porter, visitant un musée par le simple attrait d’une touriste souriante, rencontre de vieux amis ou amants, se fait de nouvelles connaissances au gré d’une interaction qu’elle sollicite ou qui vient à elle, tout cela la conduisant dans des lieux communs ou incongrus. 

Cette déambulation captive constamment grâce à la présence lumineuse de Itsaso Arana et à la manière d’en faire une page blanche que ni le spectateur, ni ses interlocuteurs n’arrivent à déchiffrer. En effet si elle suscite les confidences spontanées de chaque quidam croisé, elle-même ne se confie jamais en rien mais malgré tout, dans toutes ces scènes de dialogues, la caméra de Jonas Trueba ne voit qu’elle, ses grands yeux expressifs, son visage mutin et rieur. Cet attrait scintillant qu’elle dégage en compagnie trouve son écho contraire dans le langage corporel languide, du regard perdu, chargé de doutes et de mélancolie qu’elle laisse échapper seule.

L’art de Jonas Trueba à construire des moments entiers sur un rien initial, laisser l’incertitude guider la tournure des situations, est fascinante de bout en bout. Le scénario (coécrit avec son actrice Itsaso Arana) pourtant très écrit et laissant peu de place à l’improvisation dégage pourtant brillamment ce sentiment de spontanéité. Cela rappelle beaucoup le travail de Richard Linklater dans sa trilogie des Before (Before Sunrise (1995), Before Sunset (2004) et Before Midnight (2013)) sauf qu’ici le fil rouge des déambulations est plus ténu, reposant entièrement sur les humeurs de son héroïne. Un doux parfum Rohmerien (et plus précisément Le Rayon vert (1986)) plane sur le film qui pêche finalement uniquement quand il finit par donner une explication au moment que vit Eva. 

C’est là que les artifices narratifs viennent interrompre l’errance (une voix-off) et que les rencontres finissent par faire lourdement sens (un ex fraîchement quitté, une adepte de la méditation pour femme enceinte). La rencontre avec l’inconnu Agos (Vito Sanz) trahit d’ailleurs ce renoncement au mystère. La première rencontre nocturne tout en sous-entendu et silence captive, la seconde également avec ce désir mutuel en sourdine qu’aucun des deux n’ose révéler explicitement, tout cela pour déboucher sur une scène de sexe basique bien moins sensuel que l’attente – et qui donne la clé du récit sans finesse. Eva en août est ainsi un joli film dont le voyage vaut nettement plus que le point d’arrivée qui aurait gagné à rester dans le flou. 

En salle 

2 commentaires:

  1. La festivité qui donne son titre original au film est célébré tous les 15 août. Par ailleurs, l'actrice qui joue le rôle principal est la copine du réalisateur dans la vie réelle.

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    1. Merci des renseignements, même avec les sous-titres ce n'était pas super clair on niveau de la festivité effectivement. Et sinon ça explique d'autant plus comment l'actrice est filmée avec attention et "amoureusement" le fait qu'ils soient en couple !

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