Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 25 mai 2021

Play-Boy Party - L'ombrellone, Dino Risi (1965)


 Enrico Marletti est un ingénieur quadragénaire qui déteste la mer et la foule. Resté à Rome, vide de ses habitants partis en vacances, il s'apprête à rejoindre son épouse Giuliana, en vacances depuis trois semaines à Riccione afin de passer ferragosto avec elle. À Riccione, il fait la connaissance de personnages typiques des centres balnéaires et prend conscience que son épouse est en confusion sentimentale.

L'ombrellone est un opus injustement méconnu de Dino Risi qui fait en quelque sorte le pont entre les grandes comédies italiennes « estivales ». Ces dernières sont souvent une photographie saisissante de la société italienne d’alors dans les enjeux qui se nouent dans ces périodes de congés. Dans Dimanche d’août de Luciano Emmer (1950), les vacances sont synonymes de brève respiration dans l’Italie pauvre d’après-guerre mais où la peur des lendemains difficiles plane encore sur les protagonistes. Le Fanfaron de Dino Risi (1962) représente quant à lui l’insouciance de l’Italie du boom économique, celle où l’on se libère des entraves morales d’antan mais où la course au paraître peut conduire à sa perte. L’ombrellone illustre lui l’étape suivante, libérée des contingences économiques dans une Italie prospère et où le questionnement se fait désormais plus intime, à l’échelle du couple. 

Le film est profondément radieux, solaire et tapageur tout en exprimant un profond malaise latent dans le couple que forme Enrico (Enrico Maria Salerno) et Giuliana (Sandra Milo). Venu rejoindre Giulana sur leur lieu de vacances où elle séjourne déjà depuis trois semaines, Enrico constate immédiatement le fossé qui existe soudain entre eux. Giuliana se dérobe à toute intimité sociale comme charnelle avec son époux pour privilégier la compagnie des nombreuses et bruyantes nouvelles connaissances faites sur place qui les entraîne dans un tourbillon ininterrompu de fêtes, beuveries, et autre activité estivales futiles. Le tempérament terre à terre d’Enrico se heurte à l’envie frénétique d’évasion de Giuliana, le questionnant sur la perspective que cette volonté de mouvement perpétuel aille jusqu’à une possible infidélité. Dino Risi brosse un portrait savoureux de cette faune des cités balnéaires, entre les vieux libidineux, les commères, les gigolos, les séductrices nymphomanes ou les excentriques inclassables nous offrant quelques rencontres totalement « autre » (la dame cherchant perpétuellement son chien, la grand-mère et ses brûlures d’estomac…). 

La langueur de l’été semble libérer toutes les petites bassesses mais Dino Risi ne va pas sur des terrains aussi sombres que le récit l’aurait permis. Nous sommes plus dans le registre de l’étude de mœurs que la satire corrosive et le réalisateur reste dans un entre-deux captivant pour tous les comportements qu’il dépeint. C’est visible dès la rencontre avec le gigolo Sergio (Jean Sorel) qu’Enrico soupçonne à tort d’être l’amant de sa femme avec de se lier d’amitié avec lui. Risi montre le versant hédoniste et froidement calculateur de Sergio tout en montrant l’autre pendant des épouses légitimes (mariées à des hommes plus âgés et dont on peut soupçonner que c’est par intérêt) lui tombant dans les bras, ce qui fait de ce moment et de ce lieu un espace d’aventures éphémère où il est bien compliqué d’appliquer un jugement moral aux uns ou aux autres. Il en va de même pour la tentation de Giuliana envers un bellâtre érudit qui la change du plus rustre Enrico, tandis que ce dernier laisse parfois traîner un peu trop longtemps son regard sur les belles plantes courts vêtues qui traversent la plage. 

Les situations de franchir le pas, de commettre l’irréparable, sont bien là mais sans se concrétiser. Nul jugement moral de la part de Risi qui cherche avant tout à capturer le vase-clos, la bulle que représente ce moment estival éphémère. C’est une période qui ravive la mélancolie de ce qui nous manque dans la réalité du quotidien et ouvre la possibilité assumée ou pas de la transgression. Ainsi l’imagerie solaire, l’ambiance festive et la langueur sensuelle constante de l’été est constamment baignée d’un parfum de spleen par Risi qui manie à merveille cette tonalité contrastée. 

Il n’y a aucun réels soubresauts tragiques mais des relents de tristesse sous le bruit et les rires. Sandra Milo représente cela à merveille dans sa prestation faisant surgir à contretemps les larmes de Giuliana, forçant les éclats de rires pour masquer son vague à l’âme.  C’est une approche subtile qui traduit à merveille les sentiments pas si évidents qui nous agitent dans la période supposément la plus attendue de l’année, les vacances. C’est aussi avec une belle pudeur qu’il signe les retrouvailles du couple, une soudaine humeur changeante rendant la réconciliation possible sans dialogues ou scènes dramatiques appuyées pour expliciter le renouveau. Un sourire, un baiser et le soleil éclatant suffisent. 

Disponible sur Netflix 

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