Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

samedi 20 janvier 2018

Downsizing - Alexander Payne (2018)


Pour lutter contre la surpopulation, des scientifiques mettent au point un processus permettant de réduire les humains à une taille d’environ 12 cm : le "downsizing". Chacun réalise que réduire sa taille est surtout une bonne occasion d’augmenter de façon considérable son niveau de vie. Cette promesse d’un avenir meilleur décide Paul Safranek  et sa femme à abandonner le stress de leur quotidien à Omaha (Nebraska), pour se lancer dans une aventure qui changera leur vie pour toujours.

Le cinéma d’Alexander Payne a toujours excellé à poser un regard à la fois tendre et mordant sur ses contemporains, mais jusqu’ici toujours dans un contexte réaliste tout au long de ses sept films. Le genre et l’argument sont nettement plus extraordinaires avec ce Downsizing, projet SF qui constitue son plus gros budget à ce jour. L’histoire dépeint de nos jours la révolution quotidienne d’une trouvaille scientifique, le « downsizing » permettant de réduire l’échelle d’un être humain à douze centimètre. L’idée des créateurs est au départ pétrie de bonnes intentions avec une population miniaturisée consommant et exploitant moins les ressources de la planète. Dans la réalité le procédé va surtout nourrir les fantasmes capitalistes de la classe moyenne puisque leur revenu en fait des nantis pouvant vivre aisément et sans travailler dans le monde miniature.

La narration ancre de façon à la fois ludique et crédible le principe dans le réel à travers une première partie qui, de la découverte scientifique à sa révélation au monde puis aux premières colonies humaines rend l’incroyable tangible. Le quotidien modeste de Paul Safranek (Matt Damon) est ainsi illuminé au fil des années par la prouesse dont chaque avancée extraordinaire trouve son contrepoint terre à terre dans la situation où notre héros y assiste : soignant sa mère malade, dans son lieu de travail où au sein de son couple terne. Les écrans de télévision où le phénomène s’observe de loin laisse place à un extraordinaire « ordinaire » lorsqu’un ancien camarade de classe arrive « miniaturisé » à une réunion d’ancien élève. Cette construction et les dialogues faussement anodins mais révélateurs (Paul simple ergothérapeute a abandonné ses études de médecine pour s’occuper de sa mère) expriment dont l’insatisfaction de Paul et la manière dont s’infuse l’idée dans son esprit et la façon dont elle pourrait résoudre ces tracas financiers. Là encore légèreté et réalisme orne le parcours à la fois administratif, intime (la séparation avec l’entourage et la famille) et biologique avec l’expérience dépeinte rigoureusement mais dont le détail crée un habile décalage (la salle de downsizing ressemblant à un micro-onde géant).

Pourtant le rêve tournera court quand l’épouse (Kristen Wiig) reculera à la dernière minute le laissant seul dans sa nouvelle vie lilliputienne. C’est là que Alexander Payne opère une surprenante rupture de ton où la quête existentielle de Paul prend le pas sur la satire. Le scénario révèle ainsi les failles du downsizing imprégné par l’imperfection et les maux bien humains qu’on apprend là encore en filigrane avant qu’ils nous rattrapent sans prévenir. L’invention sert autant les démunis (les migrants passant plus facilement aux USA réduits) que les tyrans (une réduction de taille comme ultime peine des dissident) et place une nouvelle fois notre héros en parallèle solitaire d’un monde où se rejoue les même inégalités. Les riches miniaturisés se perdent ainsi dans une vie oisive et sans vrai but quand les pauvres survivent et tentent de garder espoir. Plus le film avance et plus Alexander Payne abandonne les effets de perspective et d’échelle les plus impressionnant sauf quand ils font sens telle la sortie de la ville riche pour entrer dans le quartier pauvre, où l’arrivée avec une rose géante de Paul lors d’une scène de fête. 

Le cadre confiné étant sécurisé, le réalisateur s’abstient des moments spectaculaires des autres films reposant sur ce postulat (l’affrontement avec insecte géant et autres joyeusetés bien connu dans L’Homme qui rétréci de Jack Arnold (1957) ou Chérie j’ai rétréci les gosses de Joe Johnston (1989)) et ne s’y laisser aller qu’à des fins poétique comme le final et son apparition de papillon. Cet univers est un lieu d’oubli dans le détachement festif représenté par le voisin que joue Christopher Waltz, mais également dans la résignation tranquille de Ngoc Lan Tran (Hong Chau) jeune femme revenue de tout (prison, torture et miniaturisation forcée dans son pays). Cet équilibre délicat entre tendresse et ironie typique de Payne s’exprime parfaitement dans la caractérisation de ces deux personnages. L’humour fait passer l’égoïsme assumer du truculent Christopher Waltz quand le côté pince sans rire de Ngoc Lan Tran (et un anglais limité amenant à une verbalisation directe et sans afféteries de ses émotions) prête à rire malgré sa vie sinistre.

La mise en scène de Payne oppose ainsi les intérieurs vaste, cossus et aseptisé des riches avec les visions grouillantes, ample et multiethnique des démunis. Paul s’y immerge, tente d’aider les uns et les autres mais demeure un observateur ce qui permet à Payne d’éviter un manichéisme malvenu notamment à scrutant la fièvre religieuse des pauvres. Le lien intime conte plus que l’idéologie et l’utopie quelle qu’elle soit, le rapport que noue Paul avec Ngoc Lan Tran et les gens qu’il secoure modestement transcendant le fantasme capitaliste vain initial mais aussi celui écolo alarmiste et sectaire de la communauté rencontrée dans la dernière partie. Paul se perd ainsi entre une « tranquillité » capitaliste égoïste et une supposée destinée chez les illuminés du final, Payne s’amusant des codes de ces communautés hippies (Matt Damon en toge jouant du djembé). 

Dans une vie terrestre touchant à sa fin, le seul choix de l’homme serait donc l’oubli autocentré ou collectif mais tout au long du film le bonheur simple sera passé par les regards échangés, les marques d’affections discrètes et une scène d’amour magnifiquement amenée entre Matt Damon et Hong Chau. La proximité et le souci de l’autre auront été plus vibrants que les grands desseins idéologiques et Alexander Payne affiche une croyance aussi sincère que naïve dans ces notions simples. Le cheminement de Matt Damon (épatant comme souvent) est passionnant, les futurs fantasmés laissant progressivement place à un présent épanoui dans une conclusion touchante. Alexander Payne signe un bien beau film, volontairement déceptif sur les perspectives attendues de son postulat pour nous emmener dans un ailleurs plus surprenant et intimiste.

En salle

3 commentaires:

  1. Salut Justin, je suis content que tu aies aimé car tu es un des rares à en dire du bien. L'idée de départ me plaisait beaucoup mais le manque de temps, sans compter les retours circonspects, m'a empêché de le voir. J'espère pouvoir rattraper cela un de ces quatre.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui il y a pas mal de déçus on dirait, le film n'est pas tout à fait la satire corrosive attendu et pas non plus le divertissement un peu "fête foraine" attendu avec un tel postulat pour partir vers quelque chose de différent et plus intimiste. Ca a fonctionné pour moi en tout cas, il est toujours en salle si tu ne tarde pas trop en tout cas ;-)

      Supprimer
  2. Tu réussis à raviver ma curiosité pour ce film, merci :)

    RépondreSupprimer