Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 4 avril 2020

Love Hotel - Rabu hoteru, Shinji Somai (1985)

Un éditeur au bord de la faillite décide de mettre fin à ses jours. Avant de passer à l'acte, il s'offre une nuit torride avec une prostituée. Cette rencontre va bouleverser son existence.

Love Hotel avec ses sursauts d'érotisme apparait comme une sorte de retour aux sources pour Shinji Somai. Il débuta en effet au sein de la Nikkatsu au début des années 70 alors que le studio entamait par nécessité son virage vers le Roman Porno, et y fut notamment l'assistant de Chûsei Sone. Shinji Somai quitte la Nikkatsu en 1975, le temps de travailler avec Kazuhiko Hasegawa sur The Man Who Stole the Sun (1979) ou encore Shūji Terayama pour Cache-cache pastoral (1975). Fort de ces expériences il fera ses débuts en tant que réalisateur au début des 80's, remportant notamment un immense succès commercial avec Sailor Suit and Machine Gun (1981). Le parallèle est d'ailleurs assez amusant puisque alors qu'il revient signer un Roman Porno dans le giron de la Nikkatsu il réalise la même année le magistral Typhoon Club (les deux films sortent en aout 1985 au Japon), un des films qui lui vaudra d'être qualifié de grand portraitiste de l'adolescence.

Le scénario est écrit par Takashi Ishii, auteur bénéficiant d'une aura sulfureuse pour sa carrière de mangaka et plus tard lors de son passage à la réalisation. Cependant hormis une ouverture bien corsée, Shinji Somai s'éloigne du cahier des charges du Roman Porno pour dresser le portrait intimiste de deux solitudes. Muraki (Minori Terada) assiste impuissant au viol de sa femme par des yakuzas à qui il avait emprunté une forte somme d'argent. Désespéré et voulant se suicider, il commande une prostituée dans un love hotel et va sévèrement malmener Nami (Noriko Hayami) la jeune femme qui se présentera à lui. Ce comportement odieux représente l'ultime étape d'avilissement pour Muraki qui reprendra sa vie en main par la suite, mais aussi pour Nami qui décide d'avoir une carrière plus respectable. Deux ans plus tard le hasard les réunis à nouveau alors que Muraki est devenu taxi et Nami travaille dans une boutique de mode. Pourtant le souvenir de cette affreuse nuit plane encore sur eux, Muraki étant en quête de rachat suite à son attitude et Nami voyant ce passé lui coller à la peau, à la fois par la liaison entretenue avec son patron mais aussi le chantage qu'elle subit par ceux connaissant son ancienne "carrière".

Muraki et Nami qui ont donc touché le fond ensemble vont tenter de se reconstruire par des chemins sinueux. Shinji Somai capture une solitude urbaine où la "honte" d'eux-mêmes des personnages passe par des déambulations nocturnes ou en journée dans des lieux vides, où ils ne peuvent être scrutés et jugés. Le refuge se trouve dans les lieux clos, professionnels (le taxi de Muraki ou la boutique de Nami) ou intimes dans leurs appartements respectifs où l'infamie passée finit toujours par les rattraper, de leur fait ou malgré eux. L'ancienne épouse de Muraki continue ainsi de le solliciter pour raviver un quotidien disparu, ou le temps d'étreintes sans passion. Nami retrouve également son patron chez elle ou dans des chambres d'hôtel furtives, toujours instrument du désir d'un autre plus qu'actrice du sien.

Les deux interprétations sont excellentes dans des registres très différents. Minori Terada exprime sa volonté de rédemption dans une attitude sobre, effacée et attentionnée aux antipodes de la brutalité à laquelle il a jadis cédé et qu'il se reproche. A l'inverse Noriko Hayami passe par une exubérance, une séduction agressive et une lascivité sexuelle outrancière où elle cède à l'image, au seul emploi dont elle s'estime digne. Son espoir de vrais sentiments, elle ne l'exprimera que dans le combiné d'une ligne de téléphone vide, à travers une joie forcée qui révèle d'autant plus son désespoir dans une des plus belles scènes du film.

Pour retrouver la sérénité peut-être faut-il reprendre tout à zéro là où tout a vrillé, dans cette même sinistre chambre de Love Hotel - seul endroit où la photo de Noboru Shinoda délaisse la neutralité urbaine pour les couleurs vives avec les éclairages kitschs par lesquels passent justement les émotions à vif positives comme négatives. A l'image de la chambre dont la décoration à changée depuis la dernière visite, tout peut à travers cette prise de conscience se dérouler différemment. La scène quasi SM d'ouverture laisse place à une étreinte charnelle et tendre entre deux êtres qui se souhaitent désormais le meilleur, ensemble. Preuve de cette bascule en plus de la gestuelle plus douce, Nami demande à Muraki de l'appeler par ce prénom qui est le sien alors qu'elle avait adopté le pseudo Yumi lors de leur première rencontre. La conclusion douce-amère nous rappelle cependant que cet épanouissement est éphémère et que le couple verra toujours ce passé douloureux à travers l'autre, ce qui rend la séparation inéluctable. Vraiment un très beau film où Somai fait montre d'une sensibilité à fleur de peau qui sait tout autant observer les fêlures du monde des adultes.

Sorti en bluray japonais

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