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lundi 6 avril 2020

La Vie passionnée de Vincent Van Gogh - Lust for Life, Vincente Minnelli (1956)


Biographie du célèbre peintre hollandais Vincent van Gogh : sa piété, ses amours déçues, l'amour qu'il porte à son frère, son caractère et, surtout, sa dévotion obsessionnelle à la peinture et au dessin - responsables de sa « folie » - nous sont contés.

Vincente Minnelli a souvent affirmé que Lust for life était son favori au sein de sa filmographie. C’est un projet qu’il caressait depuis de longues années et l’acquisition par la MGM en 1945 des droits du roman éponyme d’Irving Stone paru en 1934. Les projets avortés se multiplient au fil des années – Richard Brooks, Jean Renoir envisagés à la réalisation et Paul Muni, Van Heflin, ou encore John Garfield en Van Gogh – au point que l’option sur le roman au bout de 10 ans approche dangereusement de son terme. Alors qu’Irving Stone refuse de la renouveler et s’attèle déjà à trouver de nouveaux interlocuteurs pour transposer son roman, Vincente Minnelli manifeste son intérêt au studio qui accepte mais avec la contrainte d’un tournage dans l’urgence avant la perte des droits. 

Minnelli trouve son Van Gogh en la personne de Kirk Douglas, déjà remarquable en créateur jusqueboutiste s’aliénant son entourage dans Les Ensorcelés (1952) - on peut ajouter Madame Bovary (1949) autre figure Minnellienne courant à sa perte en voulant calquer un idéal à sa réalité. Minnelli voit dans le peintre un être en quête de transcendance dans son rapport au monde mais qui cherche encore sa voie pour s’exprimer. Son tumulte intime l’empêche de se réaliser dans le carcan et l’hypocrisie du sacerdoce religieux, tout comme sa réelle empathie ne lui permet pas de tutoyer le labeur des travailleurs qu’il accompagne. Durant tous ces rendez-vous manqués, il griffonne fiévreusement tout ce qu’il observe et comprend que c’est peut-être par l’image qu’il pourra communiquer au monde ce qu’il ressent. Ces émotions à vif sont à la fois motrices et destructrices, dans la création comme son rapport aux autres. Sa quête d’absolu le rend tour à tour effrayant ou attendrissant pour les femmes qu’ils aiment, et en fait un être agité et imprévisible selon l’inspiration en ébullition ou asséchée face à sa toile. 

Bien évidemment tous ces sentiments contradictoires se traduisent dans la mise en scène de Minnelli.Toute l’esthétique de la première partie du film obéit à la l’esthétique d’un film hollywoodien de l’époque. Tant que Van Gogh ne s’est pas trouvé en tant qu’artiste, tous les environnements traversés sont filmés en studio, terrain de prédilection de Minnelli à travers ses comédies musicales notamment. Tant que le regard, la sensibilité de l’artiste ne se sont pas ouverts, tant qu’il est maintenu par des carcans à la fois psychologiques et techniques face à son art, son environnement obéit à cette facticité. Il n’y a qu’à voir certaines transitions pour rendre la chose frappante notamment lorsqu’il retourne chez ses parents. On passe d’une scène où il capture la réalité des travaux fermiers en extérieur à une autre de pique-nique à l’atmosphère pastorale fabriquée et où logiquement le rejet de Kay (Jeanette Sterke) à qui il déclare son amour. 

C’est donc une même démarche qui anime Minnelli pour lequel la tangibilité des environnements se conjugue à la création des œuvres dans le cheminement de Van Gogh. Il  obtiendra l’autorisation d’une vingtaine de musées, galeries d’art et collectionneurs privés à travers le monde pour photographier les œuvres originales qui apparaîtront durant le film. Il quitte ainsi le confort du tournage en studio pour aller filmer les lieux mêmes où vécu Van Gogh aux Pays-Bas, en France et en Belgique. La ville d’Arles et son atmosphère estivale devient alors un stimulant que Minnelli traduit parfois comme une épiphanie visuelle (cette scène de réveil où Van Gogh est subjugué par le paysage, les arbres printaniers battus par le vent) ou un cocon chaleureux où l’artiste peut enfin s’épanouir. 

C’est seulement là que les vraies peintures de Van Gogh viennent entrecouper sa ferveur créatrice à l’écran, dans une approche rappelant en plus réussi le Moulin Rouge de John Huston (1953). Pour entremêler la vérité artistique et biographique de Van Gogh, Minnelli va imposer à la MGM du Ansco Color issu d’un laboratoire qui avait fermé mais dont le procédé était plus fidèle (que Eastmancolor désormais dominant au sein du studio) à la gamme chromatique des peintures de l’artiste. C’est particulièrement payant lors de toutes les transitions où l’on passe du paysage à la peinture et inversement, dépassant le seul émerveillement formel pour comprendre, ressentir la pensée et volonté de Van Gogh.

Lust for life est aussi un film profondément tourmenté et oppressant dans ce qu’il traduit de la psychologie instable de Van Gogh. Trop investi dans son art, trop en demande dans ses affects, il est surinvesti et constamment au bord de la rupture. C’est le fil rouge du récit où il ne cesse de combattre la solitude mais voit cette demande trop ardente et dévorante pour les autres l’y condamner. Cela culmine dans la dernière partie et la cohabitation avec Paul Gauguin (formidable Anthony Quinn) qui à l’inverse à fait de la froideur et sa facilité à distendre les liens un moteur créatif, quoiqu’il en coûte. Le Van Gogh des derniers instants du film apparait donc comme résigné et avoir tout essayé.

Sa peinture trahissant sa quête du contact aux autres, à l’univers qui l’entoure, devient donc dans un brillant parallèle final le cadre de son isolement et de sa fin, dans un champ de blé baigné de lumière. Kirk Douglas est absolument stupéfiant, habité de bout en bout et ce sera de son propre aveu un des rôles dont il aura le plus de mal à se défaire après le tournage. Un des chefs d’œuvres de Minnelli.

Sorti en bluray et devd zone 2 français chez Warner 

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