Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Durant l'occupation, dans une ville de province, la jeune veuve de guerre d'un juif communiste, mère d'une fillette, défie un prêtre sur le terrain de la religion. Certaine de sa rhétorique, les réponses du prêtre la déconcertent pourtant. Peu à peu, elle perd pied. Chaque nouvelle rencontre avec ce prêtre la rapprochera de la conversion. Sa résistance cédera devant le travail de la grâce. Une amie lui ouvrira involontairement les yeux sur l'une des raisons de sa conversion : l'Abbé Morin est beau.
Léon Morin, prêtre est une des réussites majeures de Jean-Pierre Melville et aussi son premier vrai grand succès commercial. S’il met tous les atouts de son côté en obtenant l’appui du puissant producteur italien Carlo Ponti et un casting de stars montantes, Jean-Paul Belmondo et Emmanuelle Riva (révélés respectivement par À bout de souffle de Godard et Hiroshima mon amour de Resnais), Melville ne choisit pourtant pas la facilité en adaptant le singulier roman de Béatrice Beck, prix Goncourt 1952. Portrait de femme poignant et parcours initiatique en forme de quête spirituelle, Léon Morin, prêtre reste encore un objet de cinéma unique.
Que ce soit dans la période où se déroule l'intrigue (1942 sous l’Occupation allemande), celle de la parution du roman (1952) ou l’année 1961 durant laquelle fut tourné le film, Léon Morin, prêtre se situe à un moment charnière dans les thèmes qu’il propose. Les monstruosités commises par les nazis durant la Deuxième Guerre mondiale ont laissé la population dans l’incompréhension et le doute. Un doute et une défiance notamment ressentis vis-à-vis de l’Église qui n’aura pas su répondre à la détresse de ces paroissiens.
Pour le pire, il y eut au sein de l’Église catholique l’attitude ambiguë du pape Pie XII qui, par peur de représailles, se montra bien discret dans sa dénonciation du nazisme et de l’antisémitisme, le Vatican ne s’exprimant sur la Shoah que bien plus tard. Si durant le conflit, bien évidemment, de valeureux prêtres se montrèrent héroïques et secoururent de nombreux juifs, ils furent sans réponses face aux questionnements suscités par l’horreur en marche. Existe-t-il réellement un Dieu qui puisse permettre de tels actes ? L’après-guerre fut donc le début d’une longue remise en question pour l’Église catholique, qui basera la formation des prêtres sur une approche désormais plus intellectuelle et philosophique, où la foi ne serait pas un tout mais le résultat d’un vrai cheminement dans la relation à leurs interlocuteurs.
Léon Morin, prêtre est le symbole de ces réflexions puisque les doutes de son héroïne naissent de ce contexte agité, les discussions sur la foi avec Belmondo des évolutions en marche de l’Église au moment de la parution du roman, tandis que le prêtre moderne qu’il incarne est le résultat des étapes précédentes et de la transformation de l’institution religieuse. Dans cette France rurale occupée et faussement paisible, la jeune veuve Barny (Emmanuelle Riva) est contrainte de cacher sa fille juive à l’écart des rafles nazies, une situation qui la révolte.
Assistant un jour à une sortie de messe et ulcérée par cet hypocrisie, elle décide d’aller dire son fait au prêtre local. À la place du vieux curé figé et sans réponse qu’elle s’attend à trouver, Léon Morin (Jean-Paul Belmondo) la remettra en question et sèmera la confusion en elle. Une étrange relation va en découler, où la rancœur de Barny face à la religion est bouleversée par le ton pugnace et pragmatique d’un Léon Morin visant à remettre la brebis égarée dans le droit chemin par la réflexion et la discussion plutôt que par des sermons mécaniques et vides de sens. Melville filme brillamment ce qui est finalement une joute verbale autour de la foi. On le comprend pourtant bien vite, Barny ne peut gagner ce combat.
Ses attaques désordonnées et vindicatives contre la religion ne sont que le fruit de la peur qui l’habite dans cet environnement hostile quand Morin se montre ouvert, calme et n’hésitant pas à remettre en question les préceptes les plus superficiels de l’Église (« Parce que l’on est prêtre on devrait aimer les bondieuseries ? »). Jean-Paul Belmondo est extraordinaire dans la profonde humanité et la paix intérieure qu’il dégage, faisant de Léon Morin une figure idéalisée et proche à la fois. Melville n’en fait pas un saint et montre au détour de dialogues et situations que cet apaisement est le fruit d’un vrai recueillement sur lui-même, cap qu’il souhaite aider à franchir Barny.
Pour ce long chemin vers la grâce, Barny doit être soumise à la plus douloureuse des tentations. La jeunesse, la prestance et la beauté juvénile de Belmondo instaurent une certaine ambiguïté quant à sa proximité dans sa relation avec Barny. Ce doute est bien sûr entièrement soumis au point de vue de celle-ci et de son épreuve, Melville franchissant le tabou d’une scène d’amour au travers d’une scène de rêve.
Si Belmondo est une figure d’idée dont parvient à ressortir une vraie humanité, Emmanuelle Riva n’est, elle, que passion et sentiments exacerbés que les idées et la foi retrouvées doivent apaiser. L’actrice délivre une prestation incandescente qui contient réellement l’âme du film. On est admiratif de la droiture de Morin mais c’est bien aux imperfections de Barny que l’on s’identifie. Avec ses deux héros, le film navigue dans une dimension philosophique cérébrale qui évite l’abstraction par son ancrage dans l’humain.
C’est le but de Melville, qui place le cheminement de Barny sous l’évident angle religieux (pour atteindre la grâce il faut être apte au sacrifice) mais également intellectuel et psychologique dans cette opposition d’idées qui berce l’intrigue. Ce fossé qui sépare Morin de Barny, Melville l’aura entretenu tout le film par ses multiples passages de discussions les séparant dans le plan dans l’échelle de focale entre avant et arrière-plan, dans leurs positions mêmes lorsqu’ils se trouvent dans la même pièce ou dans leurs états d’esprits totalement différents lors de moments-clés (Barny rongée par le désir qui fait une avance explicite à Morin).
Tous deux ne sont amenés qu’à se croiser que durant un bref moment, lui pour l’aider et asseoir sa rhétorique, elle pour retrouver foi en la religion bien sûr, mais aussi et surtout en l’Homme. La séparation est inéluctable et se fera lors d’une touchante et sobre scène finale où une nouvelle fois à l’austérité bienveillante de Morin (la découverte de ses maigres possessions au moment de son départ) répondra le débordement d’émotion de Barny. Jean-Pierre Melville délivre un film passionné et passionnant, soulevant interrogations stimulantes et émotions bouleversantes.
Sans doute le plus grand rôle de Bebel qui prenait vraiment des risques et était un grand acteur à l'époque. Fonces tu ne seras pas déçu je pense c'est passionnant.
Aussi grand alors ^^ en fait ce qui est intéressant c'est que ça exploite une te autre facette que le Bébel gouailleur si tu veux, là il propose vraiment autre chose que son registre plus ou moins habituel avec ce prêtre habité. Dans les 60's ça va encore il essayait des registres différent mais c'est le jour et la nuit quand tu pense au roi de la cascade et de l'action dans lequel il a fini par se caricaturer ensuite. En tout cas c'est mon rôle favori de lui :-)
Je déteste également le Bébel "bam-badaboum" des films de De Broca et consorts. Pour moi y'a deux acteurs, le Belmondo de chez Godard et Truffaut, et le Bébel abruti des films d'action qui portent bien leur nom, type "Le Guignolo".
Le truc c'est qu'avant il savait équilibrer entre la facette badaboum et des rôles plus exigeant, il pouvait faire Godard et enchaîner sur "L'homme de Rio" (il ya des trucs sympa avec De Broca quand même "Le magnifique" c'est génial). Dans les 70's après le "Stavisky" de Resnais et La Sirène du Mississipi de Truffaut qui n'ont pas marchés il n'a plus finit par faire que des gros machins à cascades (Delon a tout aussi mal tourné avec ses nanars policier façon "Ne réveillez pas un flic qui dort") et ne prenait plus aucun risque. Il a quasi arrête d'être acteur quoi alors quand on le revoit dans ce Melville on se dit qu'il a un peu gâché ses capacités pour le box-office c'est dommage...
Tout à fait d'accord. Le plus triste c'est quand lui-même dénigre ses films avec Godard pour dire que le vrai cinoche à ses yeux c'est les cascades en hélico et le menton en avant pour déblatérer des répliques indigentes...
Je n'avais aucune idée de l'existence de ce film. Merci pour la découverte. Reste plus qu'à mettre la main dessus.
RépondreSupprimerSans doute le plus grand rôle de Bebel qui prenait vraiment des risques et était un grand acteur à l'époque. Fonces tu ne seras pas déçu je pense c'est passionnant.
RépondreSupprimerPlus grand que le rôle de Michel Poiccard dans A bout de souffle ? Plus grand que le rôle de Pierrot-Ferdinand dans Pierrot le ouf ? O_O
RépondreSupprimerAussi grand alors ^^ en fait ce qui est intéressant c'est que ça exploite une te autre facette que le Bébel gouailleur si tu veux, là il propose vraiment autre chose que son registre plus ou moins habituel avec ce prêtre habité. Dans les 60's ça va encore il essayait des registres différent mais c'est le jour et la nuit quand tu pense au roi de la cascade et de l'action dans lequel il a fini par se caricaturer ensuite. En tout cas c'est mon rôle favori de lui :-)
RépondreSupprimerJe déteste également le Bébel "bam-badaboum" des films de De Broca et consorts. Pour moi y'a deux acteurs, le Belmondo de chez Godard et Truffaut, et le Bébel abruti des films d'action qui portent bien leur nom, type "Le Guignolo".
RépondreSupprimerLe truc c'est qu'avant il savait équilibrer entre la facette badaboum et des rôles plus exigeant, il pouvait faire Godard et enchaîner sur "L'homme de Rio" (il ya des trucs sympa avec De Broca quand même "Le magnifique" c'est génial). Dans les 70's après le "Stavisky" de Resnais et La Sirène du Mississipi de Truffaut qui n'ont pas marchés il n'a plus finit par faire que des gros machins à cascades (Delon a tout aussi mal tourné avec ses nanars policier façon "Ne réveillez pas un flic qui dort") et ne prenait plus aucun risque. Il a quasi arrête d'être acteur quoi alors quand on le revoit dans ce Melville on se dit qu'il a un peu gâché ses capacités pour le box-office c'est dommage...
RépondreSupprimerTout à fait d'accord. Le plus triste c'est quand lui-même dénigre ses films avec Godard pour dire que le vrai cinoche à ses yeux c'est les cascades en hélico et le menton en avant pour déblatérer des répliques indigentes...
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